vendredi, août 27, 2010

Journal de Festival (9) Au Petit Plamon: La Gonfle, de Roger Martin du Gard, mise en scène:Patrick Pelloquet

En feuilletant le programme 2010, intriguée par le titre de cette pièce de Roger Martin du Gard, auteur des Thibault et prix Nobel de littérature en 1928 , je l'avais retenue et je désirais en savoir plus.

Mercredi 29 juillet.
Le metteur en scène et comédien Patrick Pelloquet* a répondu à toutes nos interrogations.

Roger Martin du Gard, plus connu comme romancier que comme dramaturge, a écrit trois pièces de théâtre, Le Testament du Père Leleu, Un Taciturne, et La Gonfle, "farce paysanne" avec l'idée de renouveler le théâtre de tréteaux , bien antérieur au théâtre avec plateau.

Il espérait que Louis Jouvet créerait cette pièce, mais ce dernier , déjà embarqué en 1928 dans sa collaboration avec Giraudoux avait refusé le rôle qui lui était proposé, celui de M.Gustave-le fait que ce ne soit pas le rôle principal a peut-être influé sur sa décision.

"Farce paysanne", donc, farce cynique, au carrefour du tragique, où se jouent des conflits d'intérêt.
M. Gustave, vétérinaire de son état et neveu d'une riche fermière, "La Bique"veut gagner les élections municipales, or, il lui manque une voix, celle du curé, qu'il espère obtenir par l'intermédiaire du bedeau , Andoche, par ailleurs au service de sa tante, dont il est l'amant attitré et qui compte bien, lui, devenir le maître .

Au fait, qu'est-ce que "la Gonfle"et quel est le rapport avec l'intrigue ?
Ce mot désigne aussi bien une maladie, l'hydropisie dont souffre la Bique, que le fait d'être enceinte, ce qui est le cas du troisième personnage, La Nioule, servante "mute "et "estropiate"(muette et estropiée) pitoyable souffre-douleur de ses protagonistes.

Précisons deux points:
- Tout d'abord , les rôles féminins sont tenus par des hommes, selon la volonté expresse de l'auteur -et Patrick Pelloquet n'aurait pas pu obtenir le droit de mise en scène de la petite fille de Roger Martin du Gard (qui vit à Bellême, dans la propriété du Tertre) s'il n'avait respecté cette clause.

Proche de la cruauté de Maupassant dans ses Contes et nouvelles, ou de Marcel Aymé dans La Jument verte, cette peinture du monde rural serait insoutenable sans cette mise à distance.
Cette pièce pose d'ailleurs le question de savoir si l'on peut rire de tout , et dont on connaît la réponse de Pierre Desproges:"Oui, mais pas avec n'importe qui".

-Deuxièmement, , le langage est un élément important de cette oeuvre. Roger Martin du Gard au cours de ses études à l'Ecole des Chartes avait collecté divers dialectes d'Oïl et les a utilisés dans son texte qui devient un étrange et savoureux "sabir"auquel se mêlent des termes anciens.

Est-il nécessaire de comprendre tous les mots pour suivre et apprécier? Pour ma part, je trouve que le contexte suffit et j'ai aimé cette fête du langage, même si dans le détail , des éléments de compréhension m'ont manqué: revoir cette pièce me conviendrait pour mieux en goûter le sel .
Avoir lu le texte par la suite m'a beaucoup apporté .





Extrait de La Gonfle, les cahiers de la N.R.F. Gallimard 2005. Préface de Claude Sicard.



Ci-dessous, le comédien Pierre Gondard nous donne un aperçu de de ce texte, très particulier -il faut quelques minutes pour que l'oreille s'y habitue - et de son immense talent .
Il nous a confié que ses origines rurales ( Cossé-Le-Vivien, sud Mayenne) lui ont fait s'approprier cette langue créée par l'auteur et qu'il y avait retrouvé des mots du cru .



Le rôle d'Andoche est d'ailleurs le plus long du répertoire: le personnage est un conteur, qui s'adresse au public en multipliant parenthèses et anecdotes - certaines d'ailleurs ne sont pas gratuites mais visent à influencer, à manipuler M. Gustave* (Patrick Pelloquet) dans un petit jeu du chat et de la souris dont on se demande qui va l'emporter, le "vétérinare", le "sachant" ou le simple "valet ed' ferme, un herbager ed'bestiaux"?


L'affiche a été choisie par le metteur en scène pour sa beauté sobre et son ambivalence: mains d'homme ou de femme ?Mains qui prient ? Mains de travailleur ?
Le rouge qui marque les ongles et le titre évoque le côté sanglant de cette histoire.

11 commentaires:

  1. *** Très intéressant ! MERCI MISS YVES et GROS BISOUS ! :o) ***

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  2. La culture théâtrale continue pour moi...
    Bonne journée et bon weekend A +

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  3. Tu es si culturelle!

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  4. Les mains disent pourtant beaucoup, mains de travailleur, d'intellectuel, d'accoucheur (mon frère gynéco, et heureusement), mains de "manuel resté dans le papier" (celles de mon mari parait-il). Aller au delà des apparences alors et des rôles obligés ?
    L'intrigue semble bien compliquée avec tous ces personnages, je te comprends de revoir la copie après !

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  5. Cergie:il n'y a que 4 personnages, l'intrigue n'est pas vraiment compliquée, c'est le cheminement de la manipulation qui l'est (à raconter) mais la raconter ne présente pas d'intérêt, il faut la suivre sur scène

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  6. Miss, hier j'ai entendu la Marguerite Duras de 1967 sur France Inter ! Je savais que c'était elle car elle racontait la concession et la montée de la mer et la mère et les frères ! Elel racontait comme elle écrit. Mais une voix si jeune !
    Ensuite il y a eu la Marguerite Duras plus âgée. Ce soir il y a la suite (sur France Inter : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/ete/partir-avec/

    http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/ete/partir-avec/avenir.php)

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  7. J'ai encore des mirabelles à ramasser mais je viens de finir un "Harlan Coben" que j'avais sous les coude depuis des années. Machiavélique.
    Et de plus : petite pluie, puis soleil...

    Bon rangement...

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  8. La dame faisait du Taï Chi, imperturbable statue tenant du mobile de Calder mais plus massif.
    :)

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  9. Une vraie source ton blog, heureusement qu'il reste en ligne car je n'arrive pas à suivre en ce moment. Je reviendrai bien sur...

    Mot de passe: furepr... fureur??

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  10. Cergie, une magnifique émission de radio, j'imagine...
    Je ne connais pas Harlan Coben:donc , je te fais confiance et je note !

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  11. Daniel, bon We...mais un ouragan nomme Daniel est annoncé:

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