lundi, août 30, 2010

Journal de festival- (12) journée SACD, dimanche 1er août 2010

Programme

CE MATIN, LA NEIGE
de Françoise du Chaxel
Mise en lecture : Sylvie Ollivier
Lu par Isabelle Gardien et Loïc Houdré.
Elia Compagnie

Le premier septembre 1939, l’invasion de la Pologne par l’Allemagne donna le signal de l’évacuation des Strasbourgeois vers le Sud-Ouest de la France. La Dordogne, département peu peuplé, vit alors arriver des dizaines de milliers d’Alsaciens qu’il fallut loger dans les villes et les campagnes. Langue, culture, style de vie, tout opposait les Alsaciens et les Périgourdins. Après l’armistice de juin 40, beaucoup d’entre eux retrouvèrent une Alsace allemande. Quelques-uns, ne supportant pas le bruit des bottes, revinrent en Périgord et participèrent à la Résistance, certains même s’y installèrent. Deux voix racontent la même histoire : celle d’Anna, qui vit les années de guerre dans une ferme au milieu des bois, aime un républicain espagnol, le perd, et construit sa vie là où elle est devenue femme, et celle de Thomas, le « taiseux », qui voit arriver cette étrange fille et ne voit qu’elle, qui le regarde à peine, puis rejoint les maquisards. Tous deux vivent les mêmes événements douloureux qui les feront grandir.

19 h 30 Apéritif et Assiette Périgourdine
1 août 2010
18 h 00 et 21 h 00 Abbaye Sainte-Claire
JOURNEE SOCIETE DES AUTEURS (lecture à 18 h 00 suivie d’un spectacle à 21 h 00 avec le même billet)
LE FRICHTI DE FATOU
de Faïza Kaddour
Mise en scène : Jean-François Toulouse
Avec Faïza Kaddour et Agnès Doherty.
Compagnie Tombés du Ciel

Depuis son bled en Algérie jusqu’à Paris, le regard nourri de deux cultures, maghrébine et occidentale, Fatou raconte son étonnante épopée, qui l’a amenée à organiser des conférences sur la sexualité. Entre les traditions du douar et les combats du planning familial des années 80 à Paris, une femme essaye de comprendre, de s’affirmer, de s’affranchir. A travers son expérience, ses mésaventures et ses prises de conscience, Fatou s’éveille peu à peu à la connaissance et tente de relier ses deux cultures. C’est un hymne à la tolérance, pétillant d’humour et de saveurs.
« C’est un récit coloré et plein d’énergie… Faïza Kaddour nous donne un cours magistral sur la sexualité d’une manière drôle et ludique, en même temps qu’une leçon de courage d’une femme qui veut se libérer. » (Jeanne-Marie Guillou - Bon Plan Théâtre.fr)

Cf site du festival


Les deux spectacles prévus , (voir programme ci -dessus) devaient se dérouler à* l'abbaye Sainte-Claire, troisième lieu de représentation sarladais, véritable petit écrin, mais la météo pessimiste a obligé les organisateurs a trouver dès midi, des solutions de repli.

*mes photos de l'an dernier/ Ste Claire

Pour la lecture, ce fut sous la tente, les spectateurs, installés aux tables dressées pour l'assiette périgourdine écoutèrent , dans un silence sinon religieux, du moins respectueux et pénétré , ce texte fort , émouvant, servi par des acteurs habités par leur rôle.
(Pas de photos personnelles)
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Pour le Frichti de Fatou, ce fut dans la salle de théâtre du pensionnat Saint-Joseph...celui-là même qui avait servi au tournage d'une télé réalité, le Pensionnat de Sarlat, prônant les mérites de l'éducation "à l'ancienne" ! Ce qui ne manquait pas de sel, vu le sujet traité: la découverte de la sexualité par une jeune femme au carrefour de deux cultures, maghrébine et occidentale .

Il faut tout d'abord féliciter et remercier l'équipe de bénévoles , qui toute la journée s'est dévouée pour assurer aux comédiens et aux spectateurs les meilleures conditions possibles, compte-tenu des circonstances. D'ailleurs, la pluie annoncée n'est pas tombée, mais il fallait éviter à tout prix l'improvisation et l'annulation de dernière minute.

Sylvie Ollivier (deuxième à gauche sur la première photo, à Plamon) a été très sensible à l'exceptionnelle qualité d'écoute des spectateurs- en dépit des bruits de la rue.
Au-delà de la question centrale , la Résistance, le sujet traité, l'exil, offre de multiples effets d'échos entre l' Alsace et la Dordogne en apparence si dissemblables: des parallèles s'établissent pourtant à partir de menus détails comme la culture du tabac, la présence ou l'absence d'un pasteur à l'école.

Ce texte, pur et tendu, peut être considéré comme stabilisé et la lecture qui en a été faite encourage Sylvie Ollivier dans son choix d'une future mise en scène extrêmement sobre et stylisée: aucun naturalisme, pas de décor, un travail sur la lumière et une recherche d'ordre chorégraphique sur la rencontre des corps.
Une fois mis au point, ce spectacle tournera dans la région et en milieu scolaire.

L'un des fils conducteurs de la programmation 2010 du festival aura été l'exil, d'où le lien avec le Frichti de Fatou.


J'ai personnellement beaucoup aimé ce récit enlevé , ponctué d'effets musicaux humoristiques- au violoncelle et à la contrebasse: Agnès Doherty- le langage mi poétique, mi technique , la jovialité, la vitalité de Faïza Kaddour.

Celle -ci avait expliqué qu'il s'agissait en fait d'une commande de Jean-François Toulouse,(son époux) dans le cadre d'une recherche scientifique d'abord sur la nutrition, puis sur l'origine de la vie.
L'angle d'approche de Faïza avait été simplement la question que tout un chacun s'est un jour posée : comment fait-on les enfants ?
A partir de là , elle a créé un personnage féminin, puisé dans la culture d'origine de son père, une sorte de double- à cette différence près que l'une est née en France et l'autre en Algérie, pays où la sexualité est très présente dans les livres, mais de manière euphémistique.


Le recueil , le Jardin parfumé en est un exemple et il faut préciser que 40 sourates du Coran traitent ce sujet.

Bizarre que ce spectacle jovial et bon enfant ait provoqué des réactions contrastées et des reproches sévères...
Caricature du féminisme et du planning familial par le biais du personnage de Janine?
Enjeu didactique "dépassé "? Spectacle "dangereux" susceptible d'apporter de l'eau au moulin de mouvements extrémistes ?

Faïza Fatou a répondu très posément à ces critiques en faisant observer que la caricature visait aussi bien les personnages de culture algérienne que les personnages de culture occidentale , que les ridicules ou les excès des uns et des autres servaient pareillement de cible à son regard d'humoriste, et que son texte se voulait libérateur et optimiste.

Comme quoi, a conclu Jean-Paul Tribout , notre engagement militant peut être un obstacle à notre sens de l'humour.

Cette journée mémorable a été la dernière de ma sélection de l'année: sept spectacles variés, riches et stimulants, qui correspondent à ce qu'a déclaré le regretté Laurent Terzieff, recevant le Molière du meilleur comédien le 25 avril 2010: "Le théâtre ne se laisse pas enfermer dans des clivages et des étiquettes. Il est avant tout projet de liberté et, encore une fois, le théâtre n'est pas ceci Ou cela mais ceci Et cela"

dimanche, août 29, 2010

Journal de festival- (11 ) le Tartuffe ou l'Imposteur de Molière, mise en scène Patrice Kerbrat

Vendredi 30 juillet (Plamon) samedi 31 juillet au jardin des Enfeus, Dimanche 1er août à Plamon


"Mise en scène esthétique
, quasi picturale, clarté de la diction dans le respect de l'alexandrin", ces éloges ont été adressés à Patrice Kerbrat  qui y a répondu en évoquant sa formation, l'exemple de son maître, Jean Vilar, habitué à travailler avec des peintres , et en citant Charles Dullin:"La diction de l'acteur est sa faculté d'âme"

Marine-Line Lefebvre a campé avec brio la servante au franc parler, Dorine .
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Le choix chromatique des costumes s'accorde au caractère des personnages: à l'austère Madame Pernelle le noir, au colérique Damis le rouge, du mauve pour la diplomate Elmire, rose pastel pour la douce Marianne.

Si le personnage de Tartuffe, brillamment interprété par Benoît Verhaert (Ci-dessus) est"vêtu de probité candide et de lin blanc", c'est bien sûr par ironie.
Son costume avec cape blanche et calotte noire a quelque chose d'un vêtement monacal mais rappelle aussi le Pierrot créé par le mime Debureau, manière de signifier que cet hypocrite joue un rôle, qu'il est le seul comédien (hypocritos) parmi des personnages sincères .

Le metteur en scène a exprimé son bonheur d'avoir joué cette pièce sur un problème religieux au pied d'une église, si bien que le décor habituel qui enserre la table, parfaitement inutile dans ce cadre de pierres , n 'a pas été monté.
On peut remarquer la beauté sobre du décor au sol , une sorte d'échiquier qui annonce quelle rude partie va se dérouler sous nos yeux.
Simplicité également avec ces coupes et ce pain, allusion aux religieux de l'intrigue.
Comme accompagnement musical, des ritournelles à l'accordéon diatonique, de la musique classique-du Haendel-réinventée.

Pourquoi jouer Tartuffe en costume(, même s'ils ne sont pas strictement de style XVIIème) alors que la tendance est à la modernisation?
Patrice Kerbrat a relaté une anecdote signifiant qu'à force d'actualiser-parfois à outrance- on perd de vue le texte et ses pluralités de sens.
Par cette représentation "classique", le dénouement , très artificiel , avec l'intervention du représentant du roi passe mieux, à mon avis , que dans une mise en scène actualisée.

J.P. Tribout a profité de la discussion pour annoncer un Marivaux, le Préjugé vaincu, transposé dans les années 50 et joué au rythme du mambo-"étonnant, mais grâce à la magie du théâtre, cela MARCHE!"Cette mise en scène, précise Patrice Kerbrat, a été vue par des milliers de lycéens:
sans aucun doute, elle leur aura permis d'apprécier la langue et la modernité de Molière.

samedi, août 28, 2010

Journal de Festival (10) La Gonfle, au jardin des Enfeus

Jeudi 29 juillet.
Patrick Pelloquet
s'en était expliqué la veille (ou le matin ? A Plamon) : le part-pris était de construire un décor de style expressionniste, façon "Cabinet du Docteur Caligari", en fausse perspective,pour suivre les didascalies qui spécifient:"Aucun pittoresque régional". L'univers fantastique de Tim Burton l'a également inspiré. "Peu d'accessoires"ajoutent les didascalies,"au milieu de la salle , une table, trois escabeaux , et un fauteuil de paysan, paillé" C'est justement pour rejeter le naturalisme et le régionalisme qu'un mobilier en formica , choquant de prime abord a été adopté.

Les deux portes donnent bien accès, comme prévu, l'une vers la chambre de la "Bique", qui attendra d'être soulagée de son hydropisie, l'autre vers l'étable ou la Nioule qu'attend une toute autre délivrance.

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Trois objets,plus ou moins visibles sur les photos ci-dessous, jouent un rôle majeur dans l'action:


-la "pompe à bestiaux" * (sur la table) qui aspirera l'eau qui gonfle La Bique.
Il faut noter que cet instrument n'existe pas dans la réalité, on perce l'enflure des animaux .

-la caisse qui a transporté tous les instruments du "vétérinare" , y compris d'énormes forceps, qualifiés grotesquement de"pince à branler la salade" par Andoche

-le fauteuil de la Bique, réservé à elle seule , symbole de son pouvoir , qu' Andoche , devenu le maître au dénouement occupera.

Le costume de la Bique (Didier Royant) consiste en un dispositif de mousse greffé sur filtre de piscine ! Les répétitions ont d'abord eu lieu sans ce costume , puis le comédien a dû s'y adapter et accepter les aléas, les maladresses qu'il pouvait entraîner. Une performance physique.

Beau travail corporel également de la part de Jean-Marc Bihour qui incarne la chétive Nioule, handicapée mentale et "estropiate"-paralysée d'un bras-dont la grossesse n'est que suggérée.


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Succès mérité pour cette pièce .

Si j'ai aimé toutes celles que j'ai vues, c'est celle -ci qui m'a le plus intéressée, et même subjuguée.

Très peu mise en scène jusqu'à présent (en 1998, à Malakoff par Pierre Ascaride; ensuite par Jean-Claude Berutti ,à la Comédie de Saint-Etienne puis dans d'autres grandes villes à partir de 2003) cette farce mi-comique, mi-tragique a été jouée , avant le festival de Sarlat, à Avignon où le bouche a oreilles a fonctionné favorablement .
Patrick Pelloquet envisage de la présenter en milieu rural au cours de la tournée prévue la saison prochaine.

Puisse-t-elle connaître une belle carrière !
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* Titre complet:
La Gonfle
Farce paysanne
fort facétieuse sur le sujet d'une vieille femme hydropique, d'un sacristain , d'un vétérinaire et d'une pompe à bestiaux .

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vendredi, août 27, 2010

Journal de Festival (9) Au Petit Plamon: La Gonfle, de Roger Martin du Gard, mise en scène:Patrick Pelloquet

En feuilletant le programme 2010, intriguée par le titre de cette pièce de Roger Martin du Gard, auteur des Thibault et prix Nobel de littérature en 1928 , je l'avais retenue et je désirais en savoir plus.

Mercredi 29 juillet.
Le metteur en scène et comédien Patrick Pelloquet* a répondu à toutes nos interrogations.

Roger Martin du Gard, plus connu comme romancier que comme dramaturge, a écrit trois pièces de théâtre, Le Testament du Père Leleu, Un Taciturne, et La Gonfle, "farce paysanne" avec l'idée de renouveler le théâtre de tréteaux , bien antérieur au théâtre avec plateau.

Il espérait que Louis Jouvet créerait cette pièce, mais ce dernier , déjà embarqué en 1928 dans sa collaboration avec Giraudoux avait refusé le rôle qui lui était proposé, celui de M.Gustave-le fait que ce ne soit pas le rôle principal a peut-être influé sur sa décision.

"Farce paysanne", donc, farce cynique, au carrefour du tragique, où se jouent des conflits d'intérêt.
M. Gustave, vétérinaire de son état et neveu d'une riche fermière, "La Bique"veut gagner les élections municipales, or, il lui manque une voix, celle du curé, qu'il espère obtenir par l'intermédiaire du bedeau , Andoche, par ailleurs au service de sa tante, dont il est l'amant attitré et qui compte bien, lui, devenir le maître .

Au fait, qu'est-ce que "la Gonfle"et quel est le rapport avec l'intrigue ?
Ce mot désigne aussi bien une maladie, l'hydropisie dont souffre la Bique, que le fait d'être enceinte, ce qui est le cas du troisième personnage, La Nioule, servante "mute "et "estropiate"(muette et estropiée) pitoyable souffre-douleur de ses protagonistes.

Précisons deux points:
- Tout d'abord , les rôles féminins sont tenus par des hommes, selon la volonté expresse de l'auteur -et Patrick Pelloquet n'aurait pas pu obtenir le droit de mise en scène de la petite fille de Roger Martin du Gard (qui vit à Bellême, dans la propriété du Tertre) s'il n'avait respecté cette clause.

Proche de la cruauté de Maupassant dans ses Contes et nouvelles, ou de Marcel Aymé dans La Jument verte, cette peinture du monde rural serait insoutenable sans cette mise à distance.
Cette pièce pose d'ailleurs le question de savoir si l'on peut rire de tout , et dont on connaît la réponse de Pierre Desproges:"Oui, mais pas avec n'importe qui".

-Deuxièmement, , le langage est un élément important de cette oeuvre. Roger Martin du Gard au cours de ses études à l'Ecole des Chartes avait collecté divers dialectes d'Oïl et les a utilisés dans son texte qui devient un étrange et savoureux "sabir"auquel se mêlent des termes anciens.

Est-il nécessaire de comprendre tous les mots pour suivre et apprécier? Pour ma part, je trouve que le contexte suffit et j'ai aimé cette fête du langage, même si dans le détail , des éléments de compréhension m'ont manqué: revoir cette pièce me conviendrait pour mieux en goûter le sel .
Avoir lu le texte par la suite m'a beaucoup apporté .





Extrait de La Gonfle, les cahiers de la N.R.F. Gallimard 2005. Préface de Claude Sicard.



Ci-dessous, le comédien Pierre Gondard nous donne un aperçu de de ce texte, très particulier -il faut quelques minutes pour que l'oreille s'y habitue - et de son immense talent .
Il nous a confié que ses origines rurales ( Cossé-Le-Vivien, sud Mayenne) lui ont fait s'approprier cette langue créée par l'auteur et qu'il y avait retrouvé des mots du cru .



Le rôle d'Andoche est d'ailleurs le plus long du répertoire: le personnage est un conteur, qui s'adresse au public en multipliant parenthèses et anecdotes - certaines d'ailleurs ne sont pas gratuites mais visent à influencer, à manipuler M. Gustave* (Patrick Pelloquet) dans un petit jeu du chat et de la souris dont on se demande qui va l'emporter, le "vétérinare", le "sachant" ou le simple "valet ed' ferme, un herbager ed'bestiaux"?


L'affiche a été choisie par le metteur en scène pour sa beauté sobre et son ambivalence: mains d'homme ou de femme ?Mains qui prient ? Mains de travailleur ?
Le rouge qui marque les ongles et le titre évoque le côté sanglant de cette histoire.

jeudi, août 26, 2010

Journal de festival (8) Charlotte Corday de Daniel Colas, mise en scène:Daniel Colas

Mardi 17 juillet, 11h à Plamon.
Jean-Paul Tribout anime la discussion à laquelle participent Coralie Audret (Charlotte Corday), Patrick Raynal (Roche) et Xavier Lafitte (Barbaroux)

De cet épisode historique, chacun retient l'image du célèbre tableau de David, Marat assassiné dans sa baignoire.

Le propos de Daniel Colas était de donner , à travers un destin particulier, une résonance actuelle sur les questions de la religion, du féminisme , sur le sens de l'engagement politique et de proposer une réflexion sur la peine de mort.

Pas de costumes style XVIIIème, même si les vêtements portés par Coralie Audret évoquent cette époque, une stylisation et une sobriété voulues pour les costumes masculins-de stricts costumes noirs, presque des smockings.

Présence d'un choeur, à la manière du choeur antique, qui exprime la "voix du peuple", pendant les trois jours de procès précédant la condamnation de Charlotte Corday, après l'assassinat de Marat.
Le rôle de Roche, l'avocat de la défense, qui progressivement voit ses certitudes vaciller et veut sauver la jeune fille a été tenu par quatre comédiens différents avant que Patrick Raynal ne prenne ce rôle, ce qui a amené Coralie Audret à adapter à chaque fois sa composition.

Il n'est pas nécessaire, affirme Patrick Raynal d'être historien pour jouer un personnage historique , cependant, Coralie Audret , férue d'histoire, a lu divers ouvrages sur le sujet, et cette rencontre clarifie, dans le contexte de la Terreur la position de Charlotte Corday, aristocrate ruinée, élevée au couvent, acquise aux idéaux de la révolution- de tendance girondine, c'est-à dire modérée - adepte des idées féministes d'Olympe de Gouges. Nous sommes loin de la vision caricaturale et déformée répandue après la panthéonisation de Marat.


Daniel Colas fait de Charlotte Corday, dans sa mise en scène , une nouvelle Antigone, face à la loi (Créon /Roche ) face à elle -même (Faut-il punir le tyran par le crime?), face à ce qu'aurait pu être son destin si elle avait choisi le bonheur (flash back rêvé:Barbaroux devenant un possible Hémon)
La sobriété en est le maître mot: déplacement rigoureux, mesurés, quasi géométriques, trois couleurs symboliques -le noir des juges, le blanc que porte la jeune fille, puis le rouge qu'elle doit revêtir au dénouement.

Les musiques sont des musiques de scène conçues pour d'autres spectacles (composées par Casadessus et Delarue) la dernière , à connotation religieuse précède le terrible son du couperet et semble donner la clef du personnage qui s'est voulu investi une mission christique.

Le décor religieux et majestueux des Enfeus convenait parfaitement à ce drame magnifiquement mis en scène et interprété.
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(Malheureusement, je n'ai pas pris de photos du décor et de la fin de la pièce aux Enfeus , voir la bande-annonce du spectacle au théâtre des Mathurins)

mardi, août 24, 2010

Journal de festival (5)- Les apéritifs de Plamon-La Dame de chez Maxim, Feydeau, mise en scène:Hervévan der Meulen

(Cliquez pour agrandir et lire )

Dimanche 25 juillet à Plamon
Après avoir discuté avec les "fidèles " de Plamon de la mise en scène de la veille ( les Travailleurs de la mer" par Paul Fructus) Jean-Paul Tribout demande aux acteurs de présenter le spectacle du soir, La Dame de chez Maxim, dans la mise en scène d' Hervé Van der Meulen.

La pièce, créée en 1889 a connu un succès qui ne s'est jamais démenti.
La mécanique infernale des quiproquos et rebondissements réglés minutieusement par les didascalies correspond à une véritable partition, qu'il faut respecter, tout en y ajoutant humanité et folie. Feydeau avait découvert les premiers films de Chaplin et s'en est inspiré: rien d'étonnant à ce que ce mélange de logique et de délire annoncent le théâtre de Ionesco .
Le véritable jeu de massacre qui fait voler en éclats les liens familiaux avait tout pour plaire aux surréalisme, de même que l'inénarrable "fauteuil extatique"!
L'imbroglio des situations et les enchaînement verbaux est tel qu'il est difficile d'ôter quoi que ce soit à cette très longue comédie -dont le point faible est le 3ème acte, interminable.
Ici, il a été malgré tout raccourci et la pièce ne dure que...3h 15 !

Patrick Paroux joue excellemment le rôle de Monsieur Petytpon, pratiquement toujours présent sur scène, "c'est un rôle très physique, éprouvant surtout pour la voix", précise-t-il .

A ses côtés,Yveline Hamon campe avec brio la respectable Madame Petytpon, ("C'est elle qui a le pognon", nous confie la comédienne) dans une tonalité tragi-comique. Epouse bien-pensante, illuminée , dépassée par les événements: que de contrastes et de nuances!


La Môme Crevette est l'élément perturbateur, le grain de sable qui va enrayer les rouages des conventions de la bonne société.
Vue souvent comme une demoiselle de petite vertu, une femme facile, c'est en fait un personnage populaire , gouailleur mais pas vulgaire et les comédiennes* qui ont interprété ce personnage peuvent lui donner des tonalités très différentes .


Ravissante, pleine de charme et d'un dynamisme à toute épreuve, Agnès Ramy joue La Môme Crevette et s'amuse follement des dysfonctionnements qu'elle provoque- pour notre plus grand plaisir!

"Et allez donc, c'est pas mon père!"


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Dans ce rôle, entre autres comédiennes:

Zizi Jeanmaire
Catherine Samie
Anne-Marie Chazel
Dominique Valadié
Sophie Forte
Nora Krief
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lundi, août 23, 2010

Journal de Festival (4) -Les Travailleurs de la Mer, l'exil, la rage, le rêve, d'après Victor Hugo, mise en scène :Daniel Briquet

Le 24 juillet2010-
Rencontre avec Paul Fructus, qui a mis en scène cette adaptation et incarné Gilliat le Malin.
Une véritable performance, un corps à corps avec le verbe hugolien, l'esprit de la tempête, et les objets, proches du bric- à- brac du génial bricoleur que fut l'auteur...


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Aux trois-quarts du spectacle, la régisseuse, Florence Pasquet est entrée en scène pour changer, avec grâce, le décor et préparer l'épilogue: le dénouement ne pouvant plus être interprété corporellement , le retour au texte, posé sur un lutrin et lu par l'acteur, était nécessaire pour le retour au calme après la tempête ou du moins, pour mettre à distance la tempête intérieure que va vivre Gilliat dans son renoncement à Déruchette.

Derrière elle , se trouve une sculpture de 80 kgs, réalisée par un ami du metteur en scène, sculpteur pour les monuments historiques. Cette masse , qui tient du rocher (le rocher Douvres, la chaise Gild-Holm Ur) et du coffre s'ouvre au cours de l'action et devient barque dans la tempête, boîte à outils, support d'un mât ou d'un gibet , croix pour le sacrifice christique du personnage principal.
Cette trouvaille apporte à la représentation une dimension graphique en relation avec les lavis de Victor Hugo, dessinateur inspiré.


Les choix musicaux sont tout aussi remarquables. Il fallait éviter l'illustration, les musiques trop anciennes ou trop récentes, et traduire les différentes atmosphères du drame .
La mélodie traditionnelle "Bonny Dundie"que joue pendant 4 ans, le mystérieux joueur de Bag Pipe -alias Gilliat- sous les fenêtres de Déruchette, au grand dam de Mess Lethierry a été un fil conducteur de la création musicale, marquée également par les chants de marins .
Patrick Fournier sait tirer de son accordéon et du moindre objet-en l'occurrence une tôle-des sons étonnants et suggestifs: le souffle du vent annonçant la tempête et s'amplifiant a impressionné les spectateurs.

Comme le montre la photo ci-dessus (numéro 3) d'Emilie Fructus, une complicité se noue entre le comédien et les musiciens, parfois personnages ou témoins de l'histoire .

Bravissimo!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
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Pourquoi avoir adapté le roman Les Travailleurs de la Mer?
Paul Fructus a expliqué que cette lecture était pour lui un souvenir très fort d'adolescent et qu'il avait été ému par la transposition romanesque du vécu de l'auteur.

Il a rapproché cette
Lettre de Victor Hugo à sa fille Léopoldine en 1837, écrite à Étaples près de Boulogne-sur-Mer :

" J’ai cueilli pour toi cette fleur dans la dune. C’est une pensée sauvage qu’a arrosée plus d’une fois l’écume de l’océan. (…) Et puis, mon ange, j’ai tracé ton nom sur le sable : DIDI. La vague de la haute mer l’effacera cette nuit, mais ce que rien n’effacera, c’est l’amour que ton père a pour toi (…) ".


avec le début du premier chapitre du roman :

"Tout à coup, près d’un bouquet de chênes verts qui est à l’angle d’un courtil, au lieu dit les Basses-Maisons, elle se retourna, et ce mouvement fit que l’homme la regarda. Elle s’arrêta, parut le considérer un moment, puis se baissa, et l’homme crut voir qu’elle écrivait avec son doigt quelque chose sur la neige. Elle se redressa, se remit en marche, doubla le pas, se retourna encore, cette fois en riant, et disparut à gauche du chemin, dans le sentier bordé de haies qui mène au château de Lierre. L’homme, quand elle se retourna pour la seconde fois, reconnut Déruchette, une ravissante fille du pays. Il n’éprouva aucun besoin de se hâter, et, quelques instants après, il se trouva près du bouquet de chênes à l’angle du courtil. Il ne songeait déjà plus à la passante disparue, et il est probable que si, en cette minute-là, quelque marsouin eût sauté dans la mer ou quelque rouge-gorge dans les buissons, cet homme eût passé son chemin, l’oeil fixé sur le rouge-gorge ou le marsouin. Le hasard fit qu’il avait les paupières baissées, son regard tomba machinalement sur l’endroit où la jeune fille s’était arrêtée. Deux petits pieds s’y étaient imprimés, et à côté il lut ce mot tracé par elle dans la neige : Gilliatt. Ce mot était son nom. Il s’appelait Gilliatt. Il resta longtemps immobile, regardant ce nom, ces petits pieds, cette neige, puis continua sa route, pensif" .....................................................................................................................................................................
Si l' on retient l'analyse sur le lavis qui représente Déruchette, comme une transposition
d'une photo de son autre fille, Adèle, les jeux de masques et de miroirs deviennent vertigineux .
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Déruchette
Illustrations sur Gallica
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Isabelle Roche a écrit sur ce spectacle un article dans le littéraire .com

dimanche, août 22, 2010

Journal de Festival (3)- Le jardin des Enfeus

Construite à la fin du XIIème s., cette tour cylindrique surmontée d'un cône décoré de 4 bandeaux compte deux salles, dont l'une dans la partie conique , inaccessible.

Lanterne des morts ou chapelle funéraire?
Le guide Michelin émet diverses hypothèses, sans trancher:tour élevée pour rappeler le passage de Saint Benoît en 1147 ? Il avait béni des pains qui guérirent miraculeusement des malades...

Lanterne des morts-mais il était impossible d'éclairer la salle du haut ...
Chapelle funéraire?

Ancien cimetière: les enfeus funéraires.


Les spectacles présentés dans le lieu dit "Jardin des Enfeus"prennent une résonance particulière lorsqu'ils parlent de la mort ou de sujets graves, ainsi en 2009 , Hamlet, et cette année, la pièce Charlotte Corday, de Daniel Colas.
Le combat de Gilliat avec la tempête et la pieuvre-d'après les Travailleurs de la mer, de Victor Hugo- trouvait là un cadre à sa mesure .
Les soirs de représentation, ce lieu est plein de vie!

samedi, août 21, 2010

Journal de festival (2) -La Nuit des Rois, Shakespeare, Nicolas Briançon

Pièce créée au festival d'Anjou, puis jouée à Paris avant d'être programmée à Sarlat
Mercredi 21 juillet-Rencontre à Plamon .
Présentation du spectacle par Henri Courseaux (dans le rôle de l'intendant Malvolio)


Ce comédien, récemment récompensé par un Molière, se garde bien de résumer la pièce- tâche impossible- mais souligne le mélange du comique et du tragique, propre à Shakespeare et précise que le metteur en scène a insisté sur les parties bouffonnes . Un trio de joyeux drilles, Yves Pignot, Jean-Paul Bordes et Henri Courseaux lui-même donne le ton .
Pour les costumes, assez cocasses, les kilts, par exemple, le parti-pris était de transposer l'époque élisabéthaine à l'époque victorienne, en raison du puritanisme commun à ces deux règnes.
L'un des thèmes majeurs est le travestissement, d'autant plus troublant qu'à l'époque du grand Will, les acteurs incarnaient des rôles féminins, or, cette comédie multiplie l'ambiguïté sexuelle :Sara Giraudeau (Révélation aux Molières 2007) y joue le double rôle de Viola et de Césario, provo quant le double émoi d'un homme et d'une femme-'Olivia.
Henri Courseaux a souligné , avec émotion , la ressemblance de la jeune femme , déguisée en marin avec son père, hélas disparu .


Pas vraiment de premiers rôles, dans cette pièce qui entrecroise diverses intrigues, mais une multitude de personnages secondaires d'importance. (13 comédiens)
Le répertoire shakespearien a été longtemps sous le monopole de F V Hugo, pour la traduction , souvent ampoulée, cette fois -ci la langue est restituée dans toute sa saveur.
On peut s'interroger sur la pertinence du titre français, le titre original, Twelfth Night, ou What You Will signifie "la douzième nuit" ; cette comédie a été créée pour les fêtes de l'Epiphanie et se réfère à des coutumes carnavalesques.


Jeudi 22 juillet.
Grande déception pour tous le lendemain, car la pièce n'a pas pu être jouée , à cause d'un orage de dernière minute, aucune solution de repli, en raison des travaux de rénovation du centre culturel.

Aussitôt que la décision de l'annulation a été prise, Sara Giraudeau , venue jouer à Sarlat en dépit de sa peine est repartie à Paris pour la cérémonie consacrée à son père. Chacun a admiré son courage . Le sort s'est acharné contre l'un et l'autre puisqu' il y a quelques années, Bernard Giraudeau, de nouveau malade avait dû finalement renoncer à venir interpréter à Sarlat le Richard III de Shakespeare.

Quelques comédiens (en gros plan Emilie Cazanave ) ont pu malgré tout rencontrer le public à la traditionnelle réunion à Plamon-dite"les apéritifs de Plamon"-Voir Lien ici

et parodoxalement, l'échange a duré une heure!

Si le sourire revient sur les visages , celui d'Arié Elmaleh, entre autres, c'est que l'on s'est promis de se retrouver l'an prochain, sur la même place de la Liberté, autour du même spectacle!


( vidéo d'un extrait de la mise en scène par Nicolas Briançon)

vendredi, août 20, 2010

Journal de festival-(1) Place de la Liberté

59ème édition du festival des jeux du théâtre de Sarlat

Place de la liberté, capacité :1130 places

La scène se trouve devant l'église Sainte- Marie.
Ce lieu de culte dont la construction a commencé en 1365, a connu une histoire agitée:désaffecté sous la Révolution, puis vendu comme bien national, il servit d'usine à salpêtre, de boulangerie, de bureau de poste et finit par décliner.
C'est à l'architecte Jean Nouvel que l'on doit la réhabilitation de cet édifice dont les portes d' acier hautes de 17 mètres ont soulevé bien des polémiques.
Ce lieu abrite à présent un marché couvert et sert de plateau théâtral.

Mercredi 21 juillet:
tandis qu' organisateurs et bénévoles installent le matériel, épongent les sièges mouillés la veille ou scrutent le ciel
le
badaud de Sarlat
lui, semble dubitatif quant à la météo pour le spectacle de la soirée...
La suite lui donnera malheureusement raison.

Comme des poissons dans l'eau

                                                                     Les Claies de Vire http://www.aappma-saint-lo.com/index.php/lobservatoi...