vendredi, février 25, 2011

Gustave Moreau, Mort de Sapho (1872) Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô

Conférence de Philippe Brunet au musée des Beaux-Arts de Saint-lô
(1/2)
 Déclamation de
"l'Hymne à Aphrodite et l'Ode à l'aimée, en strophes sapphiques
3 fois 11 syllabes et une clausule de 5 syllabes.
- u - - - u u - u - -
puis - u u - -
- est une syllabe longue ; u une syllabe brève.

Toutes les strophes ont la même structure rythmique et orchestique, puisque j'ai montré que ces vers se dansent ; je les chante, les joue sur la lyre et les danse en même temps, ce qui signifie que les trois dimensions coexistent, s'accomplissent en même temps."(Philippe Brunet)



(Doc: "Au tableau!Le paysage dans les collections du musée de Saint-Lô "- Service éducatif du musée de Saint-Lô, avril 1995)

(Photo personnelle:
Madame Suzanne Leclerc, Présidente de l'association des amis des musées Saint-lois présente les activités de l'association, Philippe Brunet et le thème de sa conférence)
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Cette huile sur toile de petit format fait partie du fonds Feuillet.

L'académicien Octave Feuillet l'avait reçue du peintre , par l'intermédiaire de Flore Singer,une amie de son épouse . Dans une lettre à Valérie Feuillet , Flore Singer présente ainsi ce tableau "(...) Je ne connais rien de plus touchant que cette petite femme rejetée par la mer sur le rivage et qui, morte, tient encore la lyre du poète sur son coeur. Vous verrez que le sentiment est partout, jusque dans le soleil doucement couché et qui ressemble à la lune".Si l'épistolière réduit le sujet à une anecdote et la poétesse à "une petite femme", elle souligne cependant la fonction de la lyre et perçoit la dimension symbolique des couleurs et des astres.
Le musée Gustave Moreau à Paris possède un dessin préparatoire au crayon (16/27,2 cm) de Sapho , dont la position allongée , l'attitude alanguie -dignes d'une Ophélie- sont celles de notre tableau, tandis que la version à l'aquarelle (18, 4/12,4 cm) (ici) du Victoria et Albert Museum, Sapho sur le rocher présente celle-ci juste avant le saut fatal, dans une position bien différente: épousant la verticalité de la roche sur laquelle elle s'accoude, le visage penché, tourné vers la gauche, les yeux clos, elle médite, avec, à l'arrière-plan , droite et ciselée, la colonne surmontée d'un cheval ailé que l'on devine , dans la peinture à l'huile sous les brumes sanglantes du soleil couchant.Une gouache aquarellée de 1880 (Collection particulière, 33/20 cm), Sapho se précipitant dans la mer, montre sa chute ( qui sans le titre pourrait tout aussi bien être un envol, voire l'arrivée d'un ange exterminateur,à l'instar des Anges de Sodome (93/62) du musée G.Moreau)
Ces quelques exemples révèlent la fascination du peintre pour ce thème , traité pour la première fois en 1846, et pour la dernière en 1893.
La présence d'une lyre monumentale et richement décorée offre un rapprochement saisissant avec la figure récurrente d'Orphée, particulièrement dans cette huile sur bois du Musée du Louvre datant de 1865 (154/99,5 cm), où la tête coupée du poète recueillie par une jeune fille thrace et posée sur sa lyre rappelle étrangement le personnage de Sapho à la dérive ainsi que  la composition horizontale du tableau saint-lois.
Si l'on ajoute que, dans le mythe, la tête d'Orphée flottait sur les eaux de l'Erèbe, l'assimilation entre ces deux poètes est parfaite, accentuée par leur allure androgyne .

Peinture littéraire ? Gustave Moreau a souffert de ce point de vue sur son oeuvre, lui dont l'ambition était de "rendre visibles les éclairs intérieurs qu'on ne sait à quoi rattacher, qui ont quelque chose de divin (..) et qui, traduits par les effets de la pure plastique, offrent des horizons magiques"(Philippe Jullian, Esthètes et magiciens, 1969) et qui disait à son élève Evenepoel:"Notez bien une chose:il faut penser la couleur, en avoir l'imagination."

Au-delà du sujet , la magie de ce petit tableau n'est-elle pas due au traitement de la lumière, à ces effets de" pure plastique" , à "la couleur pensée, rêvée, imaginée" dont parle le peintre ?


M.S.


Bibliographie
Art de Basse -Normandie, numéro 124-Quatrième trimestre 2001, Histoire des collections du Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô
Gustave Moreau, Jean Selz, Flammarion (1978)
Paris, Musée Gustave Moreau , édition de la Réunion des musées nationaux, paris, mai 1994, avril 1998
L'Univers symboliste, José Pierre, Editions du Club France Loisirs , Paris





(Photo personnelle)

Les deux vidéos ont été réalisées le dimanche 5 décembre 2011 par Enitram que je remercie chaleureusement :

1-Au cours de sa conférence -déclamation intitulée Psappho toujours vivante,Philippe Brunet a analysé le style de la poétesse,ses juxtapositions de mots (proches de celles de Victor Hugo évoquant "pâtre -promontoire") qui appellent une traduction plus libre que celles qui ont été jusqu'ici proposées.

2-Ecoutez quelques vers , chantés sur la lyre éthiopienne du moderne aède et rythmés d'un pas cadencé.

(A suivre)
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.Dessin au crayon du musée Gustave Moreau
(Gustave Moreau, Jean Selz, Flammarion (1978))

Victoria et Albert Museum, Sapho sur le rocher (ibidem)




Sapho se précipitant dans la mer (ibidem),
les anges de Sodome (93/62) Musée G.Moreau (ibidem)


Orphée, huile /bois, musée du Louvre (ibidem)

(Cliquez pour agrandir les reproductions)
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4 commentaires:

  1. Oh, dear, this is beyond my understanding but the singing and the pictures are beautiful. I enjoy the few bits of Sappho's poetry that I have read -- in English translation, of course.

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  2. J' aime beaucoup Gustave Moreau et son petit bijou de musée parisien (avec une collection de dessins impressionante)

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  3. Gustave Moreau... encore inspiré par les personnages de l’antiquité, j'aime bien la manière dont sont traitées les étoffes, elles me font penser aux minutieux détails de l'art nouveau...
    Je ne sais pas photographier les tableaux. On ne voit pas grand-chose de cette petite toile carrée hormis le cadre, daté, qui me rappelle celui entourant un tout petit citron de Manet au musée d’Orsay.

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  4. Trop de lumière, en effet.J'ai quand même laissé cette photo ratée pour donner une idée des dimensions du tableau ...et du style (surchargé ) du cadre

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