samedi, février 12, 2011

Une rencontre avec François Bégaudeau

venu présenter son dernier roman,
La blessure la vraie (Verticales)
jeudi, 27 janvier, à la médiathèque de Saint-Lô

Pascale Navet, directrice de la médiathèque a rappelé
le contexte de cette rencontre:
François Bégaudeau  (Biographie ici)a parrainé le  projet d'écriture intitulé"Ecrire avec, lire pour"des 29 élèves d'une classe de seconde du lycée Le Verrier.
Ce projet , lancé par le rectorat de Caen, a été mis en oeuvre par le professeur de Lettres , Nicolas Guillemain et  préparé dans un atelier d'écriture animé par Guillaume Dress, à la médiathèque.

Le principe était d'écrire une nouvelle, selon des contraintes, qui, quoi qu'on en pense, favorisent la créativité.

Jugez-en:
Le personnage fictif imposé était Béatrice Merkel, Parisienne d'origine allemande, conseillère clientèle dans une banque , de droite, et propriétaire d'un chien !(Cette dernière contraint a été retenue par tous les élèves, preuve que l'on a envie de parler de ce que l'on connaît)

L'écrivain avait préalablement reçu par mail les créations des lycéens , les avait annotées pour en discuter avec eux ce jeudi.
Le but  ?Dédramatiser le rapport à l'écriture .
Un point de vue de François Bégaudeau: "faire mourir  son personnage est une solution de facilité"

Le soir, il devait animer un débat après la projection , au Cinémoviking, du documentaire réalisé par le collectif OTHON, "On est en démocratie" (ici)


Revenons à
la blessure, la vraie. (Article de Télérama ici)


Pascale Navet s'est intéressée aux raisons qui ont conduit l'auteur-à l'aube de la quarantaine- à se pencher sur ses quinze ans, sur les rapports entre narrateur adulte et  narrateur adolescent, sur les liens entre fiction et réalité- sur la dimension comique de ce roman

Voici une synthèse des réponses de son invité:

"J'avais en tête un petit récit fictionnel, qui s'est par la suite étoffé de souvenirs plus précis, relatifs à mes vacances d' adolescent dans le petit village de Saint-Michel-en -l'Herm...Et les gens de St -Michel -en-L'Herm ne comprennent pas ce qui est arrivé à leur village !"

Parmi vos personnages truculents (Jo le Tombeur, Greg le Rateau ) et vos personnages féminins certains , certaines se sont-ils, se sont -elles reconnu(e)s?
"Ce sont des greffes de personnages réels, c''est un village recomposé" ."


(Lecture d'un passage: le portrait de François, par Philippe Papin)

Le narrateur est-il François, adolescent de 15 ans ou Bégaudeau qui regarde François ?
"Je n'adhère pas tout à fait au contrat de lecture reposant sur une identification du lecteur au personnage.

J'avais à l'esprit  l'Enfant de Jules Vallès, et  son écriture au présent de narration : j'ai voulu me mettre à la place du narrateur de 15 ans et le signaler à mon lecteur, qui n'est pas dupe.
Le petit jeu sur"j'vois ça d'ici" permet une projection dans le futur tout en étant dans le passé.
On ne peut pas se départir de l'adulte qu'on est devenu."




Est-ce une chronique des années 80 ?"
Certes, les adolescents sont preneurs de tous les trucs à la mode.
Ils  abondent , dans cette histoire de dépucelage (Canal +, Madonna, les chaussettes Burlington, les sacs Dorothée bis) tout comme les expressions propres à une époque ("J'te raconte pas") Un tour de table entre amis m'avait  permis d'en lister une dizaine, ce qui fait de ce récit une mémoire des expressions orales .

D'autre part, que signifie "être de son temps" ? A l'époque de la guerre au Liban, dans ce village de 2000 ha en hiver (5000 en été) combien étaient "dans les années 80 ?
Une décennie n'est pas habitée par chacun. Par exemple au niveau de la musique, on écoutait Bob Marley, qui appartenait à la décennie précédente, ce n'était pas le cas des vieux-des "plus de 50 ans"-ni même le mien ou celui de mon narrateur, fan de Punk Rock (années 76 )
Aucun de nous n'habitait la même époque ."




L'adolescence: l'âge de tous les excès"?

"Incontestablement.
Sur le plan politique, j'ai été très tôt très politisé (communiste tendance léniniste) . Comme j'admirais les justiciers et que pour moi, la gauche incarnait la Justice, j'étais à la gauche de la gauche.
Dans un cerveau de quinze ans, tous les lexiques s'entrechoquent: passion politique et passion amoureuse.
Bien qu'ayant eu une éducation très féministe, le but pour un garçon de quinze ans,et pour mon personnage c'est de faire du chiffre-coucher avec le plus de filles possible- cette attitude machiste est en fait une position de faiblesse.
Même si l'amour , qui tombe du ciel apparaît comme un immense "Luna Park", l''état amoureux est  un état d'inconfort, on regrette un peu la paix d'avant.
C'est un livre sans parents, un espace créé pour la camaraderie adolescente."



L'humour est-il pour vous un ingrédient ?
"Ce n'est pas un ingrédient nécessaire, c'est un sujet central.
Fondamentalement, la littérature est  de l'ordre de l'humour: je suis contre ce cliché qui veut que la littérature ait quelque chose  à voir avec la douleur.
Même s'il y a des passages lyriques ou tragiques, j'aurais trouvé bizarre d'écrire un livre sur l'adolescence sans drôlerie".



Après cette agréable interview et cette présentation des plus sympathiques, il reste à lire ce roman dont la fin est très surprenante.

3 commentaires:

  1. Blogger Marguerite-marie a dit...

    j'ai lu de lui, seulement le premier , bien entendu, entre les murs. je trouve que c'était assez bien vu, j'y ai retrouvé des moments passés dans certaines de mes classes même si j'enseignais les math.
    j'ai entendu une longue interview de lui , je le vois très souvent car il est un chroniqueur du cercle de Beigbeder (cinéma ou littérature). Je trouve que ses livres se laissent lire mais je ne lui trouve pas un talent fou. Mais il est sympa et doit en direct avoir le contact facile avec les ado.
    Je trouve très bien ces forums organisés avec des élèves : d'abord ils doivent lire le livre et essayer de formuler leurs idées .

    8:07 PM
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    Blogger Miss_Yves a dit...

    D'un contact très facile,très sympa, nettement plus que dans l'émission dont tu parles, intéressante, mais où l'on sent le parisianisme et la surenchère médiatique.

    Je n'ai vu que l'adaptation cinématographique d'Entre les murs, et j'ai finalement trouvé le sujet assez bien traité.
    C'était plus qu'un forum: une expérience pédagogique de longue haleine, enrichissante pour les jeunes.

    8:53 PM

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  2. Cela fut sans aucun doute une rencontre positive ! Je lirai ton billet quand je serai plus réveillée !
    Bonne journée !

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  3. Ne connaissant pas du tout cet auteur,ce poste rend Francois Begaudeau fort sympathique. Tout ce qui peut reveiller un adolescent a la lecture, le questionnement, la reflexion et l'ecriture revet a mes yeux une grande importance.

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