mercredi, décembre 12, 2012

Machines bizarroïdes (3)


L'exposition "D'où viens-tu Boris" présente des "objouets interloquants " conçus par le plasticien Guénolé AZerthiope, dans l'esprit de  ceux que l'ingénieur -trompinettiste-chanteur etc. a imaginés dans ses textes.
( Lien ici /livret pédagogique)

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L'étonnant  pianocktail de l'Ecume des jours   est un exemple de  machine bizarroïde, fantastique création langagière et musicale,  aux jours de l'insouciance et du bonheur de  Colin avant l'érosion de sa fortune (ses doublezons) et la maladie de Chloé .
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« - Prendras-tu un apéritif ? demanda Colin. Mon pianococktail est achevé, tu pourrais l’essayer.
- Il marche ? demanda Chick.
- Parfaitement. J’ai eu du mal à le mettre au point, mais le résultat dépasse mes espérances. J’ai obtenu, à partir, de la Black and Tan Fantasy, un mélange vraiment ahurissant.
- Quel est ton principe ? demanda Chick.
- A chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Seltz, il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d’unité, à la noire l’unité, à la ronde le quadruple unité. Lorsque l’on joue un air lent, un système de registre est mis en action, de façon que la dose ne soit pas augmentée – ce qui donnerait un cocktail trop abondant – mais la teneur en alcool. Et, suivant la durée de l’air, on peut, si l’on veut, faire varier la valeur de l’unité, la réduisant, par exemple au centième, pour pouvoir obtenir une boisson tenant compte de toutes les harmonies au moyen d’un réglage latéral.
- C’est compliqué, dit Chick.



 - Le tout est commandé par des contacts électriques et des relais. Je ne te donne pas de détails, tu connais ça. Et d’ailleurs, en plus, le piano fonctionne réellement.
- C’est merveilleux ! dit Chick.
- Il n’y a qu’une chose gênante, dit Colin, c’est la pédale forte pour l’oeuf battu. J’ai dû mettre un système d’enclenchement spécial, parce que lorsqu’on joue un morceau trop « hot », il tombe des morceaux d’omelettes dans le cocktail, et c’est dur à avaler. Je modifierai ça. Actuellement, il suffit de faire attention. Pour la crème fraîche, c’est le sol grave.
- Je vais m’en faire un sur Loveless Love, dit Chick. Ça va être terrible.
-Il est encore dans le débarras dont je me suis fait un atelier, dit Colin, parce que les plaques de protection ne sont pas vissées. Viens, on va y aller. Je le règlerai pour deux cocktails de vingt centilitres environ, pour commencer.
Chick se mit au piano. A la fin de l’air, une partie du panneau de devant se rabattit d’un coup sec et une rangée de verres apparut. Deux d’entre eux étaient pleins à ras bord d’une mixture appétissante.
- J’ai eu peur, dit Colin. Un moment, tu as fait une fausse note. Heureusement, c’était dans l’harmonie.
- Ça tient compte de l’harmonie ? dit Chick.
- Pas pour tout, dit Colin. Ce serait trop compliqué. Il y a quelques servitudes seulement. Bois et viens à table. »
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 Et , dans l'émission de Jean-François Zygel , La Boîte à musique: le piano-cocktail
 C'est K-J .Huymans qui, dans son roman A Rebours, eut le premier l'idée de cet instrument, une  influence  révélatrice de   la culture littéraire de Boris Vian!
Huysmans+pianocktail
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A propos de chansons de BorisVian,  l'appareil ci-dessous en diffuses  de très  courtes, extraites de l'album "Zenfants")

Une frise chronologique met en relation événements politiques et chronique familiale
 de Boris Vian.

 

Qui ne connaît "Le déserteur" ? ( /You tube)
Impossible de dissocier cette chanson antimilitariste de son contexte:  enregistrée le 7 mai  1954,  jour de la défaite de Dien Bien Phu,  clôturant  la guerre d'Indochine, anticipant la guerre d'Algérie  ,elle fit polémique,  fut censurée et objet de versions édulcorées.
Son premier interprète, Mouloudji,  aurait  d'ailleurs lui-même demandé à l'auteur-compositeur d'en modifier certaines paroles :« Monsieur le Président » devint « Messieurs qu'on nomme grands » ; « ma décision est prise, je m'en vais déserter » fut  remplacé par « les guerres sont des bêtises, le monde en a assez ». De même,  dans une optique non-violente, la fin" Que je tiendrai une arme / Et que je sais tirer"avait   été transformée en   "Que je n’aurai pas d’armes / Et qu’ils pourront tirer".
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Lien ici/ article du Figaro sur Le Déserteur



 
A l'étage, on peut explorer  les mille et une facettes des talents de  Boris Vian .
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lien/ tournage du film de Michel Gondry
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"Les  mères vous font en saignant 
Et vous tiennent toute la vie
Par un ruban de chair à vif
On est élevé dans des cages ."
(...)
"La vie en rouge", poème écrit en 1947 ou 1948


Dans  L'arrache-coeur, se trouve transposée-par inversion ?- la maison de vacances de Landemer et le climat de liberté qui y régnait .
(Article personnel ici
Dénouement:
(...)"Se retournant, il aperçut les trois cages. Elles s'élevaient au fond de la pièce vidée de ses meubles. elles étaient juste assez hautes pour un homme pas très grand.Leurs épais barreaux carrés dissimulaient en partie l'intérieur, mais on y remuait.Dans chacune, on avait mis un petit lit douillet, un fauteuil et une table basse. Une lampe électrique les éclairait de l'extérieur. Tandis qu'il s'approchait pour chercher le marteau, il aperçut des cheveux blonds.(...) Lorsqu'il rencontra leur regard, il sut qu'il y avait d'autres petits garçons dans la cage".
(...)
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"L'arrache-coeur", c'est aussi, dans l'Ecume des jours, l'instrument qu'utilise Alise pour tuer Jean-Sol Partre  afin de l'empêcher de compléter la publication de son oeuvre, que Chick collectionne avec fureur , au détriment de son amour pour elle.
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Le début du roman évoque le paysage de la Hague, peint par Jean-François Millet:

"Il (Jacquemort) osa de nouveau  s'incliner sur la falaise. Les grands pas de roc rouge tombaient à la verticale dans l'eau peu profonde d'où ils ressortaient presque  aussitôt pour donner lieu à une falaise rouge sur la crête de laquelle Jacquemort, à genoux, se penchait. "



16 commentaires:

  1. Le déserteur est une très belle chanson.

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  2. Depuis tout à l'heure le déserteur, version Reggiani, me trotte dans la tête. Comment fait-on pour s'en débarrasser?

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  3. Il faudrait une machine spéciale!

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  4. Aujourd’hui tu tu nous emmène dans dans un monde fantastique sorti d'un l'imaginaire débordant...
    Tu fais fort, faire chanter Hellène (sans violence aucune)!Je rigole...
    "
    -Vot'nom?
    -Vian, n'adjudant.
    -Vot' prénom?
    -Boris,n'adjudant.
    -Z'êtes estranger? Z'êtes arménien? Z'êtes encore un de ces métèques?
    ....
    "
    Bonne fin de journée A + :))

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  5. j'aime tout mais surtout cette machine à pédale photographiée devant le portrait du père et ses enfants.
    un bon moment de culture comme je les aime, merci!

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  6. j'ai tout aimé dans ce message , un moment de culture qui fait reviser ce qu'on a un peu oublié. j'aime beaucoup la photo de la machine à pédale devant le portrait du père est ses enfants.
    Pour qu'Hélène ait un autre air dans la tête je lui envoie les paroles d'une chanson que nous chantions à la même époque que le "déserteur"

    J'avions reçu commandement
    De partir pour la guerre
    Je ne me soucions point vraiment
    D'abandonner not' mère
    Pourtant l'a ben fallu,
    J'ai pris mon sac et j'suis venu.

    Y m'ont donné un grand fusil,
    Un sabre, une gibecière,
    Une grande capote, un grand tapis
    Pendant jusqu'au derrière
    Et fallait s' tenir drait
    Aussi drait qu'un pi - qu'un piquet.

    Y en avait sur leurs chevaux
    Qui faisaient bien deux mètres
    Avec deux ou trois plumes d' zosiaux
    Plantées dessus leurs têtes
    Et deux poils d'ardillon
    Tout à l'entour de leurs talons.

    Y m'ont mené dans un grand champ
    Qu'appelions champ de bataille
    Ca s'étripait, ça s'épiaulait
    C'était pis qu' la volaille.
    Ma foi, la peur m'a pris
    J'ai pris mon sac et j' suis parti
    Ma foi, la peur m'a pris
    J'ai pris mon sac et me voici.

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  7. bizarre..vous avez dit bizarre?
    j'aime le bizarre...

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  8. J'aime aussi très beaucoup la chansons "Le déserteur", spécialement par Mouloudji.
    Quelle idée loufoque ce pianococktail ! C'était bien une idée de Vian.
    Cela me rappelle mon ami Maurice qui n'est ni poète ni écrivain (il est décorateur) ; il aimait faire des machines bizarroïdes, même dans ces décos.

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  9. D'abord, je trouve très belle ta nouvelle bannière, il faudrait que je change la mienne, les feuilles sont tombées sauf celles des chênes...
    Ouf, l'exposition se poursuit à l'intérieur !
    Ce n'est pas une machine à "la Leonard de Vinci" mais quelle imagination !!
    Je vous écris un lettre.... Oh l'air va me poursuivre toute la journée !
    Un beau billet !

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  10. Marguerite-Marie:Une chanson bretonne, je suppose? J'aime celles chantées par Tri Yann sur le même thème (Et les autres aussi)
    Enitram: et à l'intérieur, très vaste, tout liberté pour visiter tranquillement au chaud!

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  11. Anonyme9:43 AM

    ✿ ✿ ✿
    Bonjour Chère Miss_Yves :o) !!!
    Merci de nous emmener à cette magnifique expo !!!
    C'est gentil de partager ainsi !

    J'aime la photo d'entête de ton joli blog !!!

    Je te souhaite une bonne fin de semaine !
    BISOUS BISOUS BISOUS en direct de l'Asie ! :o)

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  12. Enitram et Nancy: vue sur la mer, depuis le manoir du Tourp, avec Gros plan sur les hortensias

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  13. J'avais loupé la chanson de Marguerite-Marie. J'aime beaucoup ce texte.

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  14. Superbe expo que j'aurai aimé découvrir.
    Belle fin de journée.

    Roger

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  15. Quelle expo absorbande – je dis absorbande car avec Boris Vian qui était si doué sur tants de sujets, il faut s’absorder pour tout piger. J’aimais bien ces écrits sur le jazz.

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  16. Cela ne me donne qu'une envie: me plonger dans du Vian! je vais y arriver...

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