vendredi, mai 23, 2014

L'architecture sous la pluie (1)

Reconstruire et instruire

Dimanche 27 avril 2014 

Balade-conférence avec le CAUE , à l'initiative de la société d'archéologie et d'histoire de la Manche
à laquelle s'étaient  associés les amis des musées municipaux de Saint-Lô 
Notre  architecte- conférencier , Jean-Jacques Ernault, ne s'attendait pas à une telle affluence (plus de 70 personnes armées de parapluies)
en cet après-midi typiquement normand, et regrettait de n'avoir pas pris de micro, pour dominer les éléments puis  les cloches de l'église Notre-Dame où la troupe avait trouvé refuge au cours de sa déambulation.


Mal aimée , décriée à ses débuts, l'architecture de la Reconstruction  suscite  actuellement un  intérêt très vif.

Quelques idées reçues ont été reconsidérées:
Les bombardements ont entraîné trois sortes de destructions:
Celle des bâtiments isolés, celle des quartiers (à 90 %), celle de la ville entière. 
Pour Saint-Lô , dite "Capitale des ruines" la destruction initiale était de 60 %, or , pour reconstruire dans l'unité, il a fallu détruire des bâtiments restés intacts.
L'idée de l'architecte André Hilt était de mettre en valeur l'éperon rocheux des remparts et l'Enclos, où de nombreux habitants avaient été expropriés et indemnisés au titre des dommages de guerre .

Les critiques sur le réaménagement de Saint-lô portent sur l'absence  d'espaces piétons conviviaux, de liens entre ville haute et ville basse,  la valorisation de la rue Torteron, grande artère commerçante  ayant fait écho à  l'essor  de l'automobile dans les années 48 à 53.


Saint-Lô , ville grise? 

Est-ce  vraiment dû aux matériaux utilisés à l'origine, n'est-ce pas plutôt une question d'entretien , de conservation ?
En 45 se posait une question cruciale: comment reconstruire  et reloger dans l'urgence, alors que les savoir-faire des techniques anciennes de construction avaient été perdues, avec les pertes humaines ?

L'entrée en scène de la famille Zanello, a été favorisé l'innovation  avec l'utilisation du  granito , matériau   aux origines vénitiennes, mis au sol sans joints.
Le béton armé (utilisé pour la première fois en 1919 à Orly ) est également un élément clé de la Reconstruction


Comment reconstruire? Quel style adopter ?
Avant-guerre  déjà, deux mouvements s'opposaient:

-*Le régionalisme,  puisant  ses racines dans l'architecture locale : c'est l'idéal du "petit paradis"des villas de bords de mer , des chalets, découverts par les blessés de 14-18   soignés loin de chez eux  qui a entraîné dans les années 20  la floraison de petits pavillons de banlieue inspirés de ces styles .

-La modernité, émanant des élites culturelles, tournée vers le progrès   (Moyens de locomotion, aviation, arts ménagers, etc.)
Exemples célèbres: la maison sur la cascade, aux U.S.A
La maison sur pilotis de Le Corbusier à Poissy (1928-1931)

Ces options dérivent aussi de tendances politiques:
En 1940, le gouvernement de Vichy a privilégié le mouvement régionaliste au détriment du modernisme.
En 1945, au moment de la reconstruction de Saint-Lô, on tente de concilier ces deux théories dans une optique citoyenne: choix de la pierre, sans oublier les matériaux modernes cités plus haut et le pavé de verre, visibles sur les photos.
En 1948, des équipes permanentes d'artisans et d'artisans d'art expriment le message généreux d'une société fraternelle qui se lit dans la déclaration universelle des Droits de l'homme: se vouloir  normand et européen .
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Article  de Côté Manche, avec  photos
Autre lien vers la maison sur la cascade
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*C'est l'option  choisie pour la reconstruction de Gien, autre ville -martyre:


"N'est-elle pas belle, avec ses couleurs? "m'écrit Claude, qui m'a envoyé cette carte postale ?
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17 commentaires:

  1. Coucou Miss Yves.
    A la première image j'ai pensé "un remake des parapluies de Cherbourg" !
    Merci pour cette piqûre de rappel sur l'histoire pas si lointaine que nous avons tendance à zapper !!!
    Bon weekend A + ;o)

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  2. Les destructions de la guerre sont impressionnantes.
    Bien évidemment il faut reconstruire et tout comme à Gien pas forcément dans le même style.
    Je ne connais pas Saint Lô maintenant mais je connais Gien et on voit bien qu'elle est "ville nouvelle" sans être ville moderne et encore moins hyper moderne.
    Je préfère la maison sur la cascade (elle ressemble un peu à la maison du film d'Hitch - La Mort aux Trousses-) à celle de Le Corbusier.
    Je vais à Gien début Juin, je ferai des photos.

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    1. Hitchcock s'est bel et bien inspiré de cette maison pour
      la mort aux trousses

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  3. très instructif ce billet... bravo

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  4. bonne idée le parapluie transparent pour voir les monuments

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  5. Tu en as profité pour faire un billet très instructif
    et une belle série de photos de parapluies !
    Évidemment c'est le transparent qui permet de voir le ciel bleu qui a ma faveur :-)

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  6. très intéressant, une relecture s'impose donc à bientôt

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  7. Bonjour Miss Yves. Je savais à quel point St Lô a souffert des bombardements lors de la guerre, et ton article sur les soucis de reconstruction m'a beaucoup intéressée. On oublie souvent les problèmes suscités par la reconstruction d'une ville et ceux de l'urgence que soulève la situation.
    Comme d 'autres de tes visiteurs je trouve ta photo à travers le parapluie transparent très réussie.
    Bon week-end à toi

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    1. Merci, à toi aussi.
      Voici ce qu'a dit notre guide à propos de l'urgence de la Reconstruction:
      Il y a eu trois générations:
      -ceux qui ont retroussé leurs manches
      -Ceux qui en ont bénéficié
      -ceux qui ont critiqué
      ...;
      Et nous qui redécouvrons , avec le recul et les explications nécessaires pour comprendre et apprécier

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  8. il a raison ce guide : que de critiques encore sur les 2 villes complètement détruites de Brest et de Lorient c'est vrai qu'elles n'étaient pas de modèles Mais combien de personnes repliées à Pontivy pour Lorient ont attendu dans des baraquements après la guerre avant de retourner dans des appart reconstruits sans effort architectural.

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  9. Intéressant le parallèle entre les choix de construction et les idées politiques. Je redécouvre des choses enfouies au fond de mon petit cerveau.

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  10. Anonyme4:28 AM

    (^‿^) ❀

    MERCI pour ce partage chère Miss_Yves !!! Très intéressant !

    Je t'embrasse très FORT !
    Bon lundi !

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  11. -ceux qui ont retroussé leurs manches
    -Ceux qui en ont bénéficié
    -ceux qui ont critiqué
    ...;
    Et nous qui redécouvrons , avec le recul et les explications nécessaires pour comprendre et apprécier

    Conclusion: vue notre situation actuelle on est revenu a la case 1... :-)

    Blague a part, j'aime beaucoup beaucoup ce billet qui m'en apprend bien plus que je n'en ai jamais su par manque de m'etre penchee sur le pourquoi cette architecture de reconstruction ou le prix avait certainement un grand role a jouer et puis la volonte et le choix de reconstruire sur les ruines et non a cote.
    De quoi rechauffer l'image que j'avais de Saint Lo, quoique a mes derniers passages j'ai beaucoup aime.
    Bayeux a eu une telle chance!

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  12. Bien que tardif, mon commentaire sur ce billet (des plus intéressant pour moi qui m'intéresse particulièrement à l'Architecture en tant que telle et en tant que branche des Beaux-arts) sera axé sur la question essentielle portant sur le choix du style de la reconstruction.

    Des deux options présentées ici, ma préférence va au régionalisme issu de l'Éclectisme, pour deux bonnes raisons. La première étant d'ordre esthétique. À mon goût, les formes de l'architecture moderne sont trop "géométriques" pour une ville de province.
    La seconde raison touche à l'identité d'une ville (ou d'un village) qui, selon ma philosophie, doit arborer son ancrage dans son terroir et dans son histoire. Malheureusement, pour les villes entièrement (ou presque) détruites par la guerre, ces deux ancrages sont abolis.
    En conclusion, le choix du modernisme projette une ville de province au stade interchangeable des métropoles internationales. Tandis que le régionalisme a pour avantage de resituer la ville dans son identité provinciale. Voilà mon avis.

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