dimanche, août 12, 2007

Passion simple, Annie Ernaux, mise en scène :Zabo, avec Carole Bouillon




"A partir du mois de septembre, l'année dernière, je n'ai plus fait rien d'autre qu'attendre un homme:qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi ."

" Ce besoin que j'ai d'écrire, de vivre quelque chose de dangereux pour moi, comme une porte de cave qui s'ouvre, où il faut entrer coûte que coûte "(Annie Ernaux)

Mercredi 25 juillet 07, abbaye Sainte-Claire

Aux apéritifs de Plamon, J.P.Tribout a présenté brièvement Annie Ernaux , sa-mauvaise- conscience d'avoir trahi sa classe en s'élevant par le savoir, son écriture, que l'on peut qualifier de "plate" , et la tonalité de Passion simple: une description clinique de la passion, sans aucun romantisme .Un rien provocateur, il a ajouté qu'il s'agissait" d'une oeuvre de femme, écrite pour les femmes "et Zabo a répondu en citant Annie Ernaux:"J'ai appris aux hommes ce qu'était la passion pour les femmes ".
A la question d'Alexandre Laurent: "Qu'est-ce qui vous a donné envie de monter un texte littéraire ?" , Zabo a expliqué que, compositeur de musique , écrivant pour des auteurs, il n'y avait pas pour elle un si grand clivage entre un metteur en scène et un musicien et que la lecture de Passion simple avait fait surgir en elle des images et des musiques . La rencontre avec Carole bouillon a donné lieu a une mise en chair du spectacle, un travail sur le mélange des temps , tellement la vie et l'écriture se superposent continuellement. La question essentielle de l'oeuvre étant peut-être: "Qu'est-ce que je fais de mon temps ?"

Ces pistes de réflexion ont été reprises à Plamon le lendemain du spectacle.

Après un bref débat lancé par J.P. Tribout pour savoir qui , des hommes ou des femmes , est le plus susceptible de connaître la passion, le vif du sujet a été abordé et les réactions ont fusé, certaines spectatrices regrettant que la représentation n'ait pas joué la corde sensible de l'émotion . Contresens, à mon avis puisque cette passion n'est plus vécue, subie, (" l'année dernière, je n'ai plus fait que...") mais mise à distance par l'écriture , ce que traduit remarquablement la mise en scène: Carole Bouillon dispose sur le sol devant elle des feuilles manuscrites, mordille son stylo pour trouver l'inspiration, le mot juste, et va jusqu'à rectifier une phrase jugée trop longue ! En fond musical, comblant les silences, la vacuité ou la méditation de la comédienne , des extraits d'opéra -la Passion selon saint-Jean -voix féminines et masculines rappelant la crise passée.
Une spectatrice fait un rapprochement entre ce texte et l'écriture très particulière de Marguerite Duras , rapprochement jugé pertinent par Zabo - bien qu'Annie Ernaux n'apprécie pas Duras -leur point commun étant la recherche de la musicalité .
Marie-Cécile Vivier, critique à Pariscope demande quel a été l'angle d'approche pour donner à ce récit littéraire toute sa théâtralité: Zabo et Carole Bouillon ont cherché à voir et à mettre en images toutes les facettes de cette femme- l'amoureuse, l'écrivain, la mère autoritaire...
Un accessoire aussi simple que le châle, drapé, jeté, a contribué à donner vie , à donner de la chair au monologue exprimé par Carole Bouillon.

Un spectacle magnifique , fidèle à l'esprit de l'auteur !
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