Mémoires d'Outre-Tombe,Première partie,
"Ma jeunesse. Ma carrière de soldat et de voyageur"(1768-1800)
(Photos personnelles)
Maison natale de Chateaubriand à Saint-Malo.
"La maison qu’habitaient alors mes parents est située dans une rue sombre et étroite de Saint-Malo, appelée la rue des Juifs : cette maison est aujourd’hui transformée en auberge. La chambre où ma mère accoucha domine une partie déserte des murs de la ville, et à travers les fenêtres de cette chambre on aperçoit une mer qui s’étend à perte de vue, en se brisant sur des écueils. J’eus pour parrain, comme on le voit dans mon extrait de baptême, mon frère, et pour marraine la comtesse de Plouër, fille du maréchal de Contades. J’étais presque mort quand je vins au jour. Le mugissement des vagues, soulevées par une bourrasque annonçant l’équinoxe d’automne, empêchait d’entendre mes cris : on m’a souvent conté ces détails ; leur tristesse ne s’est jamais effacée de ma mémoire. Il n’y a pas de jour où, rêvant à ce que j’ai été, je ne revoie en pensée le rocher sur lequel je suis né, la chambre où ma mère m’infligea la vie, la tempête dont le bruit berça mon premier sommeil, le frère infortuné qui me donna un nom que j’ai presque toujours traîné dans le malheur. Le Ciel sembla réunir ces diverses circonstances pour placer dans mon berceau une image de mes destinées."
La vallée aux loups, le 31 décembre 1811
Mémoires d'Outre-Tombe, I, II, 3 (La vallée aux loups, le 31 décembre 1811)
"Nous étions un dimanche sur la grève, à l'éventail de la porte Saint-Thomas à l'heure de la marée. Au pied du château et le long du Sillon, de gros pieux enfoncés dans le sable protègent les murs contre la houle. Nous grimpions ordinairement au haut de ces pieux pour voir passer au-dessous de nous les premières ondulations du flux. Les places étaient prises comme de coutume ; plusieurs petites filles se mêlaient aux petits garçons. J'étais le plus en pointe vers la mer, n'ayant devant moi qu'une jolie mignonne, Hervine Magon qui riait de plaisir et pleurait de peur. Gesril se trouvait à l'autre bout du côté de la terre. Le flot arrivait, il faisait du vent ; déjà les bonnes et les domestiques criaient : « Descendez, Mademoiselle ! descendez, Monsieur ! » Gesril attend une grosse lame : lorsqu'elle s'engouffre entre les pilotis, il pousse l'enfant assis auprès de lui ; celui-là se renverse sur un autre ; celui-ci sur un autre : toute la file s'abat comme des moines de cartes, mais chacun est retenu par son voisin ; il n'y eut que la petite fille de l'extrémité de la ligne sur laquelle je chavirai qui, n'étant appuyée par personne, tomba. Le jusant l'entraîne ; aussitôt mille cris, toutes les bonnes retroussant leurs robes et tripotant dans la mer, chacune saisissant son magot et lui donnant une tape. Hervine fut repêchée ; mais elle déclara que François l'avait jetée bas. Les bonnes fondent sur moi ; je leur échappe ; je cours me barricader dans la cave de la maison : l'armée femelle me pourchasse. Ma mère et mon père étaient heureusement sortis. La Villeneuve défend vaillamment la porte et soufflette l'avant-garde ennemie. Le véritable auteur du mal, Gesril, me prête secours : il monte chez lui, et avec ses deux sœurs jette par les fenêtres des potées d'eau et des pommes cuites aux assaillantes. Elles levèrent le siège à l'entrée de la nuit ; mais cette nouvelle se répandit dans la ville, et le chevalier de Chateaubriand, âgé de neuf ans, passa pour un homme atroce, un reste de ces pirates dont saint Aaron avait purgé son rocher."
Chapitre V , livre I, Mémoires d'Outre-Tombe
La plage du Sillon (photo personnelle)
une magnifique balade littéraire à Saint malo. As-tu eu le temps de passer par Combourg là où on trouve le couloir que Chateaubriand enfant empruntait en frissonnant pour aller se coucher dans le manoir château de ses parents?
RépondreSupprimerOui, Marguerite, et la suite est prévue à ce sujet
RépondreSupprimerNous avions visité le château, il y a longtemps, aussi nous sommes-nous contentés de le revoir, de l'extérieur, de loin- nous avons déjeuné dans une crêperie , avant le village avec vue sur le château!
"la chambre où ma mère m'infligea la vie" des mots terribles!
RépondreSupprimerJ'ai facilement le cafard alors lire Chateaubriand me m'aide pas beaucoup.
Thérèse, Chateaubriand,( comme Hugo ou Barbey d'Aurevilly) fait partie de ces auteurs qui dramatisent leur naissance...Néanmoins,leur longévité et leur énergie revalorisent cette image apparemment noire qu'ils donnent d'eux-même et de la vie.
RépondreSupprimerLa plage du Sillon, un endroit où j'aime revenir, c'est là que j'ai vu pour la première fois mon Amoureux!!! qui est toujours mon Amoureux!!!
RépondreSupprimerlecture et visite un post complet
RépondreSupprimerTrop long pour moi ce matin, je repasse demain.
RépondreSupprimerLes pieux sont donc toujours là et grâce à eux les remparts. Ailleurs ils s'appellent "brise-lame".
RépondreSupprimerOn ne sait les circonstances de sa naissance en général que rapportées, à moins de s'appeler Dali...
(Mon frère, mon ainé de 5 ans, aurait demandé à ma mère si elle avait un caillou dans le ventre et s'en souvient encore. Les enfants sont un poids AUSSI pour les mamans)
Il faut quand même se mettre dans un certain état d'esprit lorsqu'on lit ces auteurs pourtant imparables dans le monde de la littérature. Je pense également à Charles Dickens comme autre exemple...
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