mercredi, mai 18, 2011
Un écrivain cavalier (2/2)
C'est grâce à la ténacité de Madame Suzanne Leclerc , présidente des amis des musées,qui avait écrit , à Jérôme Garcin au Nouvel Observateur, un an auparavant , qu'une date a pu être trouvée pour cette invitation. La causerie-débat devait avoir pour sujet l'Ecuyer mirobolant , paru en 2010 mais a été bien sûr élargie à Olivier, publié depuis .
Ma première question a concerné le genre de cet ouvrage consacré à Etienne Beudant: est-ce bien un roman, comme il est mentionné sur la couverture, ne serait-ce pas plutôt une biographie, voire une autobiographie déguisée ?
Question assez paradoxale, certes, mais suscitée par cette réflexion du personnage principal sur l'écriture:"Il hésitait entre le traité et l'autobiographie, entre la première et la troisième personne".
- Légèrement surpris, Jérôme Garcin a affirmé qu'il s'agit incontestablement d'un roman , le personnage évoqué étant si peu connu que l'on peut combler les blancs de la biographie,broder, inventer . Par exemple, cette rencontre impossible chronologiquement , pendant l'exposition de Chicago,entre Beudant et Calamity Jane .Ou , invraisemblables , les face-à face avec Liautey, assorties de conversations complices "malgré tout ce qui les séparait, les origines sociales, la hiérarchie militaire, le tempérament ".
-Cependant, a reconnu volontiers l'écrivain , il est indéniable que des éléments personnels ont nourri ce portrait fictif: l'amour et le respect des chevaux, une éthique qui fait dire au jeune capitaine et à l'illustre maréchal que" l'on ne préside pas aux destinées d'un pays (Ici, le Maroc), si l'on ne sait monter". Et notre invité de d'élargir le propos, passant du Maroc du début du siècle à la France contemporaine , de soutenir - mi sérieux, mi badin - que des cours d'équitation devraient figurer au programme des écoles destinées à former les élites de notre pays !
- J'avais également été sensible au fait qu'un personnage secondaire-mais l'est-il vraiment, lui qui adopte Vallerine , la jument égarée d'Etienne Beudant et qui devient l'héritier spirituel de son traité - se prénomme Philippe...
- A la fois souriant et ému, Jérôme Garcin a évoqué ce prénom , qui est non seulement celui de son père, victime à 45 ans, d'un cheval tueur, mais encore le patronyme de son épouse Anne-Marie Philip(pe) , fille de Gérard Philippe, décédé à 37 ans .
Jérôme, adolescent, avait noué une correspondance avec Anne Philippe, après avoir lu avec émotion Le temps d 'un soupir; (sans savoir que l'auteur était la veuve du comédien ) , des invitations chez celle-ci devaient aboutir au coup de foudre du jeune homme pour Anne-Marie , grande et fière jeune fille aux hautes cuissardes comme celles que portait son père dans le rôle du Cid .
Aussi la boîte aux lettres de l'écrivain réunit-elle aujourd'hui deux patronymes ,Philippe Garcin , reconstituant le nom de son propre père.... Signe du destin ?
Pour faire la transition entre l' Ecuyer mirobolant et Olivier, Jean-Noël Bernicot a lu, de facàon sobre et convaincante, un passage clef du premier ouvrage ; un même travail de mise en voix devait conclure la causerie autour du deuxième livre, Olivier.
la dénomination de érécit" n'est-elle pas limitative ? D'autres termes ne pourraient-ils pas convenir?
Confession ?Lamento ? Essai sur la gémellité ?Peut-on vraiment parler de confession- qui suppose une culpabilité ? En quoi peut-on se sentir coupable de la mort de son jumeau ?
A toutes ces questions, Jérôme Garcin a répondu avec autant de pudeur que de sincérité, parlant de la culpabilité du survivant , de sa quête des doubles de substitution- son épouse Anne-Marie ," jumelle positive ", Bartabas - de l'écriture tâtonnante de ce texte, dialogue imaginaire avec son jumeau de plus en plus présent avec les années, "bilan provisoire" du sens à donner à son intimité avec le cheval.
"J'ai peiné à chaque phrase de ce livre, me maudissant de l'avoir commencé" , ce commentaire concerne aussi bien la chute de cheval qu 'Olivier, et pourtant, parce que "l'écriture n'est pas si différente de l'équitation", la conclusion de ce travail tant thérapeutique qu'artistique pourrait être cette belle phrase :"Avec lui , je galope en arrière dans la poussière du temps".
L'humanité, la simplicité, la courtoise de Jérôme Garcin ainsi que son sens très vif de l'humour ont conquis l 'auditoire qui lui a posé de nombreuses questions: d'où lui venait son amour des livres ? Où et comment écrivait-il ?Quel sera le sujet de son prochain roman ?
-Cet amour des livres- qui l'a d'ailleurs sauvé- il le doit à son père , éditeur de son métier, et à la fréquentation familière des écrivains "à qui, enfant, il passait les cacahuètes à l'heure de l'apéritif "
-Impossible d'écrire à Paris , et "si je ne monte pas à cheval,je ne peux pas écrire une ligne".
- Concession accordée à ceux qui trouvent que toujours parler de sa passion traduit quelque folie, le prochain roman ne parlera pas de chevaux!
L'écrivain cavalier tiendra t-il vraiment ce pari ?
M.S.
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J'aimerais bien lire ton post en entier, mais malheureusement je n'ai pas assez de temps en ce moment.
RépondreSupprimerJe ne peux même pas repasser l'après midi, je suis à l'hopital avec ma Maman.
Tu a agrandi le format de tes photos mais on ne les voit plus entièrement. J'ai essayé une fois de faire pareil, mais il semble de nos modèles de présentation de nos blogs sont incompatbles.
Que dire à ce récit si complet? Peut-être que, à mon humble avis, les écrivains mettent toujours quelque chose d'eux même dans leurs écrits, même quand il s'agit de fiction, que de fiction pure.
RépondreSupprimerTout et toujours bien documenté chez toi.
RépondreSupprimerA +
Le pari sera probablement tenu.
RépondreSupprimerUn bien beau billet Marcelle, merci de nous faire partager ce que tu as vécu en direct.
Je ne manquerai pas de le relire une fois le livre lu.
très intéressante cette "histoire" ! moi qui aime les chevaux et les livres...du coup! j'ai très envie de le lire! merci pour ce partage
RépondreSupprimerChère miss Yves! Comment allez vous! Je suis désolée que je n'ai pas rendu visite à votre blog!Je vous souhaite une très bonne journée!
RépondreSupprimerEn avril j'ai rencontré une blogger canadienne ici chez les moulins. C'était très joli et le temps était beau et si chaude que nous pouvions avoir une tasse de café en dehors de la petite boutique des souvenirs.
Quel beau message illustré de superbes portraits !
RépondreSupprimerJ'imagine que tu prends des notes, ce que je regrette de ne pas faire systématiquement, ensuite il ne me reste que la musique sans les paroles.
J’ai entendu Jérôme Garcin à la radio, il y a déjà un petit moment, était ce pour parler de son frère et qu’a-t-il dit du cheval ? Je savais qu’il était marié à la fille de Gérard Philippe ce point m’étant sensible particulièrement puisque la dernière maison qu’a possédé cet acteur est à Cergy.
Un billet fort intéressant qui nous présente cet écrivain cavalier encore plus sympathique ! Je n'ai pas encore lu son dernier opus mais j'ai lu tous les autres et pour cause...
RépondreSupprimerMerci pour ce compte-rendu !
A bientôt
Chère Miss Yves! Merci de votre visite et commentaire. Je sais qu'en France il y a aussi beaucoup de traces des romains. Vous avez les viaducs. Ma soeur a été chez Avignon et j'ai vu beaucoup de photos mais je n'y ai jamais été, c'est dommage. Peut-être l'année prochaine!
RépondreSupprimerMon grand père était cavalier et j'ai son tire-bottes à la maison....
RépondreSupprimerLes romanciers brodent sur des faits et ne racontent pas vraiment leur vie même s'ils s'en servent, j'ai entendu une interview de Françoise Chandernagor à propos de "la Première épouse".
Et tiens, je viens de terminer "Alfred et Emily" de Doris Lessing où elle réécrit la vie de ses parents.