vendredi, mars 01, 2013

Octave Feuillet (4) : La maison du malheur

Dans les souvenirs de Valérie Feuillet, plusieurs demeures jouent un rôle important: 

-la maison de ses parents, dans la ville haute  sur les remparts, où l'on faisait de la musique et où l'on recevait beaucoup



- la lugubre maison de son beau-père, rue Torteron,dans la ville basse, où dut habiter le jeune couple au début de leur mariage.

-La maison des Palliers , où la famille s'installa l e 5 octobre 1865 

"On accédait à ce domaine par une ruelle appelée le rue Monte-à regret , qui avait été nommée ainsi dans la nuit des temps parce que c'était le chemin que prenaient les condamnés à mort pour aller au lieu du supplice"

La plume  de Valérie Feuillet  se teinte  de Romantisme noir pour décrire la maison :
"entourée d'un très petit parc, dont les bons vieux arbres tombaient en éventail sur son toit, "aux pelouses souriantes , semées de bouquets de pins à l'abri desquels se dressait une petite statue de Vénus. Quand la lune se levait sur elle, on eût dit la pierre sépulcrale d'une jeune fille, enlevée à quelque cimetière italien "

Quelques années de ma vie, Chapitre XXI.P.246, 247


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- Le château de la Vaucelle, qui allait devenir la maison du malheur.

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(1859)

"Les enfants avaient besoin de l'air natal: André venait d'avoir la scarlatine et restait affaibli.Je me mis en route avec mes deux fils, laissant leur père à Paris pour terminer quelques affaires.




Nous arrivâmes, mes fils et moi, par une tiède journée de printemps, dans le castel de François  1er, situé au fond de la vallée e la Vire , à deux kilomètres de Saint -Lô.




 On y accédait par un chemin étroit, bordé de haies qui longeaient la rivière et faisaient face aux coteaux boisés qu'on appelait la Falaise.
Le château avait été transformé en ferme. Il ne restait de ses splendeurs que la chambre du roi, un bel escalier de pierre et une chapelle très intacte et très vaste, dans laquelle l'architecte nous avait créé tout un logement. Le salon, éclairé par de jolies ogives, avait accès sur un promenoir à créneaux d'où l'on apercevait Saint-Lô, le rocher paternel et la tour de Jeanne Couillard, s'élevant majestueusement dans le lointain, au-dessus des peupliers bordant la route de Bretagne."



Hélas ! Loin de s'améliorer, l'état de santé d'André s'aggrava et Valérie dut faire revenir Octave, alors à Paris
 "Le jour fixé  pour le retour de mon mari, l'enfant ne quitta pas son lit.Après l'avoir veillé jusqu'au soir, je sentis une soif de solitude, un besoin de pleurer en liberté sans voir le grand oeil de de cet enfant questionner  mes larmes. Je courus vers la terrasse qui bordait les créneaux et là, je me laissai souffrir.
  La nuit venait; les brouillards s'élevaient sur la rivière. On distinguait à peine les barques des pêcheurs derrière les saules. La lune se leva  et ses clartés tombèrent comme un triste sourire sur le petit castel et sur le chemin blanc.. Bientôt au détour de cette route, j'aperçus un homme portant un fardeau; il marchait à grands pas vers la maison. mes yeux le suivaient avec distractions, lorsque tout à coup un frisson me parcourut de la tête aux pieds. A mesure qu'il s'approchait, je reconnaissais que son fardeau était un cercueil."

C'était le cercueil  de  l'enfant d'une fermière , mort  la veille.

"En rentrant, je tombai assise sur les marches de l'escalier, écrasée par les plus sombres pressentiments. Les coudes sur mes genoux, ma tête dans mes mains, je pensais à la douleur de cette mère aux tortures qu'elle avait dû souffrir, aux tortures pareilles que je souffrirais peut-être. Un bruit de roues se fit entendre et me tira de ma torpeur, je me relevai comme égarée, m'élançant sur la route vers mon mari qui arrivait.
Quelques jours plus tard, l'homme au cercueil passait encore; mais cette fois-ci, il n'allait pas au bout du chemin. Il s'arrêtait sous notre toit que Dieu avait frappé..."



Ce drame ébranla la foi  de la jeune femme  et détériora sa santé, si bien que son médecin lui conseilla de quitter ces lieux où elle "avait tant souffert ". Il fut décidé de passer" la fin de la saison à  Trouville  avant de regagner Paris"

"Nous partîmes le lendemain au point du jour , à l'heure où la ferme s'éveillait.Mon père, mes frères et les fermiers étaient rangés sous la grande épine et pleuraient sur nous.Je ne savais pas leur dire adieu. Je restais le regard fixé sur ce coin de terre où ma vie était venue se briser.; on eût dit que je voulais en imprimer la triste image en mon coeur et ne point partir sans avoir bu à longs traits le souvenir de sa douloureuse hospitalité."

Quelques années de ma vie, Chapitre XVIII P. 218 à 222
Photos 1 et 2 , Cartes postales anciennes , Archives départementales
4, 5, 6: photos personnelles
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17 commentaires:

  1. Le travail de l’historienne continu.
    Je ne viens que de parcourir, le vais relire en détail..
    Bon weekend A + :))

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  2. Elle écrivait bien, Valérie Feuillet.
    Ce n'est pas très très gai mais c'est bien écrit.
    Malheureusement, les enfants et mêmes les adultes mouraient jeunes dans ce temps là.
    Les demeures sont magnifiques.

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  3. Comme quoi, une belle demeure peut abriter un grand malheur. En pareille circonstance, les parents fuient la maison qui n'a pas su garder la totalité de ses habitants. Telle une mère poule, la maison doit prendre soin de tous ses poussins.

    Superbe présentation, cartes postales et textes se répondent parfaitement, et belles photos du château fatal. De la belle ouvrage, Miss Yves !

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  4. Claude: autant je trouve ennuyeux les romans d'Octave, autant les écrits de Valérie me passionnent. Le récit tragique de la mort de l'enfant me fait penser à un intersigne.
    Tilia: merci;
    J'étais passée devant ce petit château de la Vaucelle, en promenade , de l'autre côté de la Vire,sans rien savoir de ce drame . J'ai retrouvé les photos correspondant à ce que relate Valérie Feuillet dans mon album.
    Quant à la demeure des Palliers, elle est connue pour avoir été celle d'Octave Feuillet

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  5. C'étaient de belles maisons de maître et un beau château. L'on a tendance à personnaliser les maisons à leur attribuer une influence et peut-être que cela n'est pas si faux ? Influence des ondes magnétiques etc ?
    Elle écrivait bien Madame Feuillet et savait exprimer ses ressentis. Le cercueil me rappelle "les cendres d'Angela" de Franck Mac Court.

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  6. Lucie; tu remarqueras l'expression qu'elle emploie"une maisonnette" pour cette belle maison de maître !
    Je ne connais pas ce roman :est-ce un thriller ?

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  7. Si tu ne l'as pas lu, je te le recommande ! C'e"st une autobiographie très prenante.

    http://www.belfond.fr/site/les_cendres_d_angela_&100&9782714433237.html

    J'ai été tellement enthousiaste que mon plus jeune fils n'a pas voulu le lire : j'en ai parlé tout le temps que je le lisais au camping de Pleyben !

    Il y a peu, j'ai lu "Teacher Man" ou les souvenirs de Franck Mac Court prof d'anglais non conventionnel...

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  8. c'est vrai que Valérie écrit bien , avec poésie et sentiment. C'est encore un "travail" très intéressant que tu as fait là. je connais les cendres d'Angela et peut-être qu'on peut y trouver un peu de l'atmosphère.

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  9. Marguerite-Marie:deuxième avis avisé dont je tiendrai compte!

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  10. et j'ai aussi lu "teacher man", je pense que tu seras intéressée par la vie de ce petit Irlandais, dont les parents très pauvres émigrent en Amérique.

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  11. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  12. Quel triste chapitre de vie, si bien exprimé. Avoir le choix d'une demeure? Un public restreint de nos jours.
    En effet "Les cendres d'Angela" est à recommander. Même titre en anglais, je me souviens d'un livre pas des plus gais mais si bien écrit avec une mère qui avait des pensées positives heureusement et un père qui racontait des histoires au sens propre et au sens figuré plus cette perpétuelle pensée de ces enfants d'assouvir leur faim...
    un beau et bon livre, lu il y a longtemps mais je pense m'en souvenir assez bien pour une fois, moi qui ai si peu de mémoire.

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  13. Quelle belle présentation, Miss Yves ! Quelle police as-tu utilisée pour écrire sur les photos ?
    Tu sais rendre attractive l'histoire d'une vie et d'un auteur !

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  14. Fifi: Merci!
    j'ai utilisé le" Kit de création "dans Picasa, une police dont le modèle s'appelle"Daniel", j'ai ajouté mes textes sur la présentation "effet polaroïd"

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  15. Wonderful photos -- the hand written notes are so fascinating.

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  16. Anonyme8:19 AM

    •✰ •✰ •✰ •✰ •✰ •✰

    Un petit bonjour
    en ce dimanche matin !

    C'est triste mais bien écrit
    Merci pour ce beau partage Miss_Yves !

    BISOUS BISOUS BISOUS
    d'Asie jusqu'à chez toi

    •✰ •✰ •✰ •✰ •✰ •✰

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