Dans le fonds Octave Feuillet de la médiathèque, j'ai lu cette belle "lettre d'une inconnue", accompagnée du portrait photographié de cette lectrice passionnée.
Milano : Deroche e Heyland Corso Vittorio Emanuele 16 , nel 1867 concorsero all’Esposizione di Parigi meritando una medaglia d’argento
29 Septembre 1868
Comme je crains que vous m'ayez oubliée
tout à fait j'ose, Monsieur, m'adresser encore à vous, pour me
rappeler à votre souvenir. Il me serait très douloureux de briser
une connaissance aussi chère que la vôtre, maintenant que je
m'étais habituée à vous regarder comme un ami.
La première lettre que je vous ai écrite,
était dictée par l'admiration ; à ce sentiment toujours aussi
vif dans mon cœur, s'est jointe ensuite une amitié véritable. Vous
avez été si bon pour moi, vous m'avez écrit des choses si
affectueuses, que j'ai dû vous aimer.
J'éprouverai donc un grand chagrin si
vous ne me donniez plus aucune de vos nouvelles, et, sincèrement,
je ne pourrais pas me résigner à vous devenir tout-à-fait
indifférente.
J'ai donné, il y a quelque temps, vos
ouvrages à une dame qui ne vous connaissait pas. Cette lecture lui a
causé tant de plaisir qu'elle a voulu absolument voir vos lettres et
votre portrait. Ce n'est pas chose nouvelle pour moi que d'entendre
prononcer votre nom avec enthousiasme, eh bien, que voulez-vous ?
Cela me donne à chaque fois une joie si grande, si grande, que j'en
suis heureuse pour longtemps. Je n'ai pas besoin de vous dire que
l'admiration des autres trouve un écho centuple dans mon cœur.
Savez-vous ce qu'on a dit de votre
photographie ? Que vous ressembliez à vos livres, qu'on ne
saurait vous donner une physionomie différente. Quant à moi ce que
je trouve de meilleur en vous c'est cette expression intelligente et
sympathique, qui me captive l'âme.
J'espère, oh que j'espère, voir bientôt
paraître un nouvel ouvrage de vous! Vos livres ne m'ennuient jamais; toujours un grand principe, toujours des sentiments délicats et
nobles qui élèvent l'âme et l'esprit, votre manière d'écrire
voilà ce que j'appelle moi, l'art sublime d'un véritable écrivain !
Adieu Monsieur, laissez-moi vous admirer
et vous aimer, et croyez à l'affection dévouée avec laquelle je
suis toujours
Votre affectionnée
Maria
Dandolo
Octave Feuillet (1821-1890) avait 47 ans à
la réception de cette lettre .
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Lien ici / F. Heyland
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Une incitation à relire De l'Amour de Stendhal
Chapitre II
Voici ce qui se passe dans l'âme:
1- L'admiration
2-On se dit: Quel plaisir de lui donner des baisers, d'en recevoir, etc.!
3-L'espérance.
On étudie les perfections; c'est à ce moment qu'une femme devrait se rendre, pour le plus grand physique possible. même chez les femmes les plus réservées, les yeux rougissent au moment de l'espérance. La passion est si forte, le plaisir si vif qu'il se trahit par des signes frappants.
4-L'amour est né.
Aimer, c'est avoir du plaisir à voir, à toucher, sentir par tous les sens, et d'aussi près possible un objet aimable et qui nous aime.
5- La première cristallisation commence.
On se plaît à orner de mille perfections une femme de l'amour de laquelle on est sûr, on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie .
(...)
Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections.
Coucou Miss Yves
RépondreSupprimerTout le charme des lettres du passé...
Pas facile de nos jour avec le mode de SMS et autres...
Très bon weekend, A +
je bisse le commentaire de Daniel... l'art épistolaire disparaît hélas !
RépondreSupprimerL'art de l'écriture. On s'y prendrait à deux fois en effet aujourd'hui à écrire, même en "termes modernisés" aux fins d'une réponse.
RépondreSupprimerCes écrits sont restés pour notre plus grand bonheur.
Je rejoins également le commentaire de Daniel. L'art épistolaire tend à disparaître et pourtant. Une lettre reçue est toujours un événement en soi, bien plus qu'un simple sms. Mais dans une société où tout va de plus en plus vite, qui écrit encore des lettres pour coucher sur le papier ses émotions, ses désirs, ses états d'âme? Seules les personnes qui prennent le temps et qui aiment manier la langue et faire plaisir à leurs destinataires.
RépondreSupprimerMonsieur Octave porte bien son nom. Il a dû recevoir beaucoup de feuillets. :-) Bises alpines et douce semaine.
Tu ne crois pas SI BIEN dire: beaucoup de feuillets conservés dans le fonds ancien de la médiathèque.
RépondreSupprimerCette admiratrice lui a envoyé six lettres ( conservées, peut-être plus, disparues), lettres familiales, d'écrivains, de personnalités politiques y compris l'impératrice Eugénie, etc.Tout un panorama de la vie littéraire et mondaine sous le second Empire.
Merci, à toi aussi.
Autoclave et four Pasteur étaient des moyen de stérilisation de matériel médical... au siècle dernier !
RépondreSupprimerc'est vrai que ça a plus de gueule que les SMS actuels
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