mardi, août 30, 2011

"Révolvériser "Dom Juan ? - Journal de Festival-Sarlat-Plamon


http://culturebox.france3.fr/all/38461/francis-huster-et-francis-perrin-jouent-dom-juan-a-sarlat#/all/38461/francis-huster-et-francis-perrin-jouent-dom-juan-a-sarlat

- Tête d'affiche, comme l'an dernier, à Sarlat pour La traversée de Paris ( accueilli diversement) Francis Huster a joué et  mis en scène le Don Juan de Molière,sur la place de la Liberté,avec Francis Perrin dans le rôle de Sganarelle.


"La scène est  en Sicile"indique  le texte de Molière.

 Est-ce ce détail qui a conduit Francis Huster à  faire de  Dom Juan une sorte de  gangster, protégé par ses gardes du corps revolver en mains, menacé par les frères d'Elvire qui , aux codes de l'honneur aristocratique du XVII ème sièclel ont substitué les  lois de la mafia ?

"Un grand seigneur méchant homme est une terrible chose", déclare Sganarelle.
 Ici,  Dom Juan  se montre d'une noirceur qui n'autorise aucune sympathie, plus voyou  que grand seigneur, lorsqu'il impose ses baisers sur la bouche à Monsieur Dimanche et à son propre père, Dom louis !(Prodigieux Simon Eine). C'est comme si Francis Huster  voulait  dégoûter  le  spectateur de  toute  velléité de libertinage.
Certes ce parti-pris de ne pas "rendre le vice aimable"   se  défend, mais on peut préférer une vision plus ambivalente , plus  nuancée du personnage-titre; on peut regretter aussi qu' une certaine violence dans le ton n'ait pas assez valorisé les enjeux de  la tirade de l'hypocrisie.



En revanche, les nuances caractérisent le jeu de Francis Perrin, qui campe un Sganarelle d'une grande humanité.
Belle trouvaille, que  cette manière de faire participer le public , à  la scène 2 de l'acte V à  son raisonnement":
**Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l'homme est en ce monde ainsi que l'oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l'arbre ; qui s'attache à l'arbre suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles ; les belles paroles se trouvent à la cour ; à la cour sont les courtisans  , l'âme est ce qui nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort nous fait penser au Ciel ; le Ciel est
au-dessus de la terre ; la terre n'est point la mer ; la mer est sujette aux orages "  etc


Une idée personnelle, a-t-il précisé le lendemain, qui ne relève pas du simple  gag, mais qui manifeste le besoin de Sganarelle de se voir soutenu,  conforté dans sa "logique" .






Pièce plus baroque que classique, avec ses  lieux variés et ses ruptures de ton, cette  comédie fait se succéder différentes "scènes", très attendues, et dont le spectateur se demande  comment elles seront  jouées, dans cette mise en scène qui se veut un hommage à Louis Jouvet :


-La première intervention d'Elvire est illustrée par une invention scénique judicieuse: cynique et goujat, Dom Juan donne à lire à  Sganarelle sa fin de non -recevoir l' amante abandonnée qui .
rampait  et  s'offrait  sur la longue table du décor . A l'acte IV,Elvire  sera entièrement nue .


-Les  scènes des paysannes  sont joliment traitées,  particulièrement celle avec Charlotte : amusants,  les vestons sur cintres du maître et du valet devenus capes de matador  virevoltant autour des naïves jeunes filles . La robe de Charlotte , légère comme un plumage d'oiseau insiste plus sur la séduction que sur la dimension sociale de l'épisode .
(Vidéo  )


-La scène du pauvre présente un  jeune aveugle  encapuchonné -de notre époque,(qui,  au moment des saluts   sera un  talentueux danseur de hip hop .). Cette innovation ( la cécité ) donne de la force  au passage:avec la lumière intérieure de la foi, le pauvre est le premier à imposer une défaite au grand seigneur,à la merci  des revolvers des frères d'Elvire dans la scène suivante


-La scène où la   statue du Commandeur convoque dom Juan à dîner remporte la palme  de la modernisation: Dom Juan reçoit de lui...un texto !


-Au dénouement, à  la place de la statue du commandeur, La mort  s'avance , venue du haut de la rue   Fénelon  et tend la main vers le libertin avec  des allures de sirène,  mélange pertinent d' Eros et de Thanatos ..



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-Le lendemain  à Plamon, ce fut un bonheur et un honneur  de retrouver la troupe  et, bien sûr , Francis Huster qui a développé et justifié ses choix de mise  en scène devant le  public, venu  nombreux l'écouter et ...le photographier.


Des questions ont fusé:

-Pourquoi des costumes modernes ?
-En quoi votre mise en scène est-elle un hommage à Louis Jouvet ?
-Pourquoi Elvire sur la table ? Pourquoi sa nudité ?
-Pourquoi ne voit-on pas la statue du Commandeur ?

Le metteur en scène y a répondu avec fougue, et c'était une sorte de deuxième spectacle, après celui de la veille:



S'appuyant sur l'histoire du théâtre , Francis Huster a soutenu que les classiques nous parlaient actuellement et  qu'il fallait les jouer en costumes modernes, tout comme les tragédiens au XVIIème siècle incarnaient les Romains en costumes de leur époque- ce n'est qu'au XIX ème siècle, avec l'innovation  révolutionnaire de Talma que l'on a joué les personnages de l'Antiquité en toge ...et que l'habitude en est restée, devenant la norme.

Pour la deuxième question, rappelons le projet initial de F. Huster voulant jouer la pièce" comme Jouvet en 2011 l'aurait peut-être rêvée" (CF.  le programme de festival):

La Troupe de France rend hommage à Louis Jouvet, à l’occasion du 60ème anniversaire de sa mort. Ce « Dom Juan » 2011 commence donc en 1951 en Avignon, en pleine répétition du festival. Les comédiens, en costume de ville, apprennent par la radio, qui interrompt son direct du Tour de France, que Louis Jouvet est mort. Bouleversés, Jean Vilar et les siens décident de monter son Dom Juan. C’est une jeune troupe qui va relever le défi de jouer la pièce, mais l’acteur qui interprète le rôle-titre endosse, à la fin, le véritable costume porté par Jouvet lui-même, ce sublime costume du 4ème acte, blanc à collerette, un véritable défi à la Mort. Car, à Jean Vilar qui lui proposait, au cours d’une répétition au Théâtre Antoine d’une œuvre de Sartre, de venir jouer un jour, au Festival d’Avignon, le Dom Juan de Molière, Jouvet, déjà très fatigué, mais pince-sans-rire, répliqua, livide : « Oui, je viendrai, quand je serai mort ». Et il est mort d’un infarctus quelques semaines plus tard, en août, dans son bureau du théâtre de l’Athénée.




Pour répondre, F. Huster a fait  un parallèle entre  la conception du   foot, qui a évolué depuis  les années 50, 60 , et celle du théâtre :l'un et l'autre  met  ses joueurs sur le même plan, sans favoriser les premiers rôles au détriment des rôles secondaires .


"Si Elvire est sur la table, c'est que le sous -titre de Don Juan est Le festin de pierre et qu'elle va être bouffée (sic). Elle est nue, à l'acte IV, comme les premières chrétiennes, seule face à Dom Juan, sa famille, ses frères ne comptent plus
"Quant à la statue du Commandeur, il ne  faut pas la monter: le spectateur n'est pas naïf".


Malgré certaines réserves, j'ai trouvé cette programmation et cette rencontre intéressantes .

"Le théâtre, c'est un domaine où les êtres et les choses touchent enfin à la liberté" Louis Jouvet

(Photos personnelles )
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*DON JUAN, à Sganarelle

Il n’y a plus de honte maintenant à cela : l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure et chacun a la liberté de les attaquer hautement, mais l’hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les jette tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? On a beau savoir leurs intrigues et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du Ciel, et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.
Extrait de la scène 2 de l'acte V de Dom Juan - Molière

Sganarelle :
**O Ciel ! qu'entends-je ici ? Il ne vous manquait plus que d'être hypocrite
pour vous achever de tout point, et voilà le comble des abominations. Monsieur, cette
dernière-ci m'emporte et je ne puis m'empêcher de parler. Faites-moi tout ce qu'il vous plaira,
battez-moi, assommez-moi de coups, tuez-moi, si vous voulez : il faut que je décharge mon
coeur, et qu'en valet fidèle je vous dise ce que je dois. Sachez, Monsieur, que tant va la cruche
à l'eau qu'enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l'homme
est en ce monde ainsi que l'oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l'arbre ; qui
s'attache à l'arbre suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles
paroles ; les belles paroles se trouvent à la cour ; à la cour sont les courtisans ; les courtisans
suivent la mode ; la mode vient de la fantaisie ; la fantaisie est une faculté de l'âme ; l'âme est
ce qui nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort nous fait penser au Ciel ; le Ciel est
au-dessus de la terre ; la terre n'est point la mer ; la mer est sujette aux orages ; les orages
tourmentent les vaisseaux ; les vaisseaux ont besoin d'un bon pilote ; un bon pilote a de la
prudence ; la prudence n'est point dans les jeunes gens ; les jeunes gens doivent obéissance
aux vieux ; les vieux aiment les richesses ; les richesses font les riches ; les riches ne sont pas
pauvres ; les pauvres ont de la nécessité ; nécessité n'a point de loi ; qui n'a point de loi vit en
bête brute ; et par conséquent, vous serez damné à tous les diables.


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samedi, août 27, 2011

Journal de festival -Plamon -Sarlat; L'or

/Brochure du festival:
Ecrite en 1925 par l’écrivain français d’origine suisse, disparu il y a cinquante ans, l’œuvre raconte « la merveilleuse histoire du général Johann August Suter ». Un beau jour de 1834, celui-ci quitte femme et enfants pour traverser l’Atlantique et le sauvage continent américain, et s’installer en Californie, qui, à l’époque, est une province de la République de Mexico, pays à peine exploré. Ayant recruté des esclaves canaques des îles Sandwich, et avec une poignée d’aventuriers blancs, il y crée un immense domaine : « La nouvelle Helvétie » dont il tire des profits fabuleux. En janvier 1848, il est le roi d’un petit état, lorsqu’un ouvrier, d’un coup de pioche, découvre un gisement d’or sur ses terres. …


Joué au jardin des Enfeus, L'or, d'après  le roman de Blaise Cendrars , adapté par Xavier Simonin a reçu  à Plamon de nombreux compliments,comme celui ci:" J'ai reconnu dans ce spectacle, l'Amérique que j'aime, pas celle des Mac Do, celle des grands espaces et des rêves"
Cependant, il y eut une  réserve émanant d'un tout petit garçon: "Parfois, avec  l'harmonica , on n'entendait pas très bien les voix les voix " .Et le metteur en scène d'expliquer la difficulté des réglages en plein air....Ce sont les aléas du spectacle vivant.

Le point de départ de cette adaptation ? Le cadeau offert par J.P. Tribout à Xavier Simonin, un soir de générale-  comme le veut la tradition-en l'occurrence, c'était  le roman L'or  de Blaise Cendrars dont le retentissement en lui l'a amené à  une collaboration musicale avec Jean-Jacques Mitteau ."On a tous en mémoire, dans l'oreille , l' harmonica dans les films".L'affiche, et la structure installée au milieu du plateau évoquent cet harmonica, un lingot d'or, un rail ...ou "tout ce que vous voulez". ..Une virgule, pourquoi pas ?

A la question, êtes-vous toujours habité par votre personnage? le comédien a  très justement répondu:"'l'essentiel, ce n'est pas d'être habité par Sutter, mais par Cendrars" .
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Plamon -24 Juillet 





Video ici (théâtre Daniel Sorano, Vincennesennes )

jeudi, août 25, 2011

Journal de la 60ème du Festival des jeux du théâtre de Sarlat - Madame Raymonde +Shake



(Liens en gris)
Plamon
Beaucoup d'éloges sur le spectacle de Denis d'Arcangelo, Madame Raymonde exagère.(Extrait video ici)

Né d'une rencontre avec Arletty,(lien) le personnage de Madame Raymonde, un composé de  Betty Boop et de Pauline Carton (!) fait partie d'une série  - tout comme les aventures de Tintin- et permet à Denis d'Arcangelo , accompagné de son accordéoniste, le Zèbre, de" faire son tour de chant", ce qui serait inconcevable sans ce prétexte ! (dixit D.  D'A. )
Ce n'est pas un spectacle de travesti ("au demeurant respectable", précise Denis D'.), mais d'acteur, et" être déguisé en femme n'est pas plus étrange que porter une perruque Louis XIV ou se promener dans les rues de Sarlat en hallebardier" .
Aussi le chanteur -comédien n'a -t-il pas eu droit, à la fin du spectacle, au traditionnel bouquet de fleurs offert aux comédiennes !

Ici, un extrait du célébrissime Hôtel du Nord ou Arletty - dans le personnage de Raymonde prononce avec gouaille sa  non moins célèbre réplique ...................................................................................................
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Plamon
La comédie des erreurs , Shakespeare

"Pourquoi", demande un jeune  habitué des rencontres de Plamon," les mises en scène de Shakespeare  à Sarlat, sont-elles toujours déjantées" ? 
Serait-ce  parce que dans Shakespeare , il y a shake et que ça secoue ?

Cette oeuvre de jeunesse de William Shakespeare ,(1593-1594) inspirée des Ménechmes et de l'Amphitryon de Plaute ,est souvent étudiée et montées  dans les classes en Angleterre comme introduction à des oeuvres plus difficiles . C'est ainsi que Dan Jemmet l'a découverte , avec La Nuit des Rois  dans les années 85, sur fond de musiques de l'époque, que l'on retrouve en clin d'oeil dans sa mise en scène.

Les thèmes de la gémelléité , du double, du dédoublement  sont  soutenus par  5 acteurs pour jouer 12 personnages. Sachant que les deux  jumeaux-maîtres et les deux jumeaux -valets sont incarnés chacun par le même acteur (David Ayala pour le premier couple et Vincent Berger pour le second ) et que le rôle du vieux père est incarné par une jeune femme , les "petites cellules grises" du spectateurs sont constamment en éveil dans des mises en abyme complexes, oscillant entre tragédie et comédie burlesque . J'ai aimé ce mélange, l'excellence des comédiennes , l'abattage  des acteurs sosies , une scène délirante avec un   jeu effréné de part et d'autre de la porte et la révélation finale où les doubles, face au public se découvrent et se reconnaissent alternativement avec surprise et émerveillement  dans un mime lent, extraordinairement  poétique.

L'intérêt  de Dan Jemmet pour les petites cabanes l'a amené à utiliser pour son décor quatre  WC publics  (de marque allemande, le détail a son importance car au dernier acte un docteur-magicien équipé  d'une balayette surgira de l'une d'elle ,tel un deus ex machina en baragouinant de l'allemand)
-A lot of bathroom jokes ?
Quatre cabines, dont trois évoquent les 3 lieux de l'action et qui servent aux changements de costumes ,  de personnages propices aux multiples quiproquos, j'ai trouvé , finalement , ce  choix judicieux .


L'esthétique kitsch , l'humour de mauvais goût  sont  revendiqués par le metteur en scène qui a voulu situer  cette comédie à l'arrière d'une fête foraine minable, où l'on boit beaucoup de bière, ceci pour  valoriser le style comédie de "tréteaux"ou encore  le ton de la  de farce médiévale. Personnellement , je n'ai pas été convaincue par ces  intermèdes  ponctués de musique des années 85 où les personnages buvaient et jetaient leur canettes sur le gazon-bien que D .J considère  cela  comme son " fil directeur", j' 'ai trouvé que  cet effet  était  artificiel et que  le rythme en souffrait.

-Au fait , pourquoi du gazon ?
- "Je ne sais pas...peut-être parce que cela fait Anglais ".


 Conclusion: une bonne soirée, malgré ces réserves .Le thème du double est fort bien traité, avec une progression et des nuances tragi-comiques,  dans l'esprit du théâtre élisabéthain.

mercredi, août 24, 2011

Eclats de vie, Jacques Weber- Journal de Festival


"Et ..(un temps ).. .que faudrait-il faire ?"

Ce temps d'hésitation, émane -t-il du personnage de *Cyrano, ou du comédien Jacques Weber,seul  sur scène à Sarlat au centre culturel Paul Eluard, la météo  n'ayant pas permis de jouer Place de la liberté.
Quoi qu'il en soit, ce léger creux, les spectateurs l'ont comblé par leurs chaleureux applaudissements, saluant la carrière du grand comédien, surpris -"A Avignon, ils n' m'applaudissent pas comme cela !", ému ,enjoué  qui a ensuite enchaîné la* tirade  d'Edmond Rostand.

Le ton était donné: les textes de ce spectacle en constante évolution depuis 40 ans, Jacques Weber se les approprie par l'intonation, la diction, le souffle, d'une telle manière que l'on se demande si c'est lui ou Courteline qui raconte la  mésaventure burlesque  d'un pensionnaire allergique à la tête de veau, lui ou Maïakovski qui crie "maman" et "Maria!"! lui ou Boris Vian qui clame"Je voudrais pas crever!"
Exercice difficile que ce montage de** textes et de citations  où l'on pourrait simplement chercher à identifier les auteurs -non cités-mais le spectateur est vite emporté par la conviction , la présence de celui qui a joué Cyrano plus de 6OO fois et qui pense que ce personnage plaît non seulement pour son panache, mais pour sa  dualité , voire sa duplicité.

Comique et tragique alternent: terrible,  l'article de Marguerite Duras, le coupeur d'eau, désopilants, le sketch de Raymond Devos , "Dédoublement de personnalité"écrit pour l'acteur , hilarant le jeu commenté de la fable de la Fontaine," le corbeau et le renard",émouvant un poème composé par lui après la marée noire en Bretagne.

Pour remplacer la rencontre du lendemain, à Plamon à laquelle il ne pouvait pas participer, Jacques Weber a eu la générosité d'offrir au public un dialogue d'une demi-heure, répondant avec chaleur  et humour aux  questions sur le spectacle, sa carrière, ses goûts en matière de poésie: à ses yeux, "le plus beau vers de la langue française"-pour paraphraser René de Obaldia-au-delà des classements, qu'il n'aime pas, est le vers racinien, le vers  de Phèdre-et son rêve serait de dire le récit  deThéramène.

Si nous n'avons pas pu  bénéficier du cadre de la place de la liberté ce mercredi 20 juillet 2011 à cause du mauvais temps ,nous y avons incontestablement gagné en proximité et intimité. 


*"Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci. D'une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir un encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans les cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ?
Etre terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : "Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ?"...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu'un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, -ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

**Textes :Artaud , Bernard, Brecht ,Boulgakov, Claudel ,Courteline, Corneille, Devos ,Duras, Flaubert, La Fontaine, Maikovski, Molière ,Musset, Pagnol, Rimbaud, Rostand, Vian, Weber ...
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N B ;Les liens sont en  gris, pas très visibles  MAIS ne manquez pas la vidéo de la fable de la Fontaine , ici

dimanche, août 21, 2011

Renvoie-moi l'ascenseur

Faute  de contempler Sarlat de  l'église  Sainte-Marie grâce à  l'ascenseur  panoramique concu par l'architecte Jean  Nouvel ( mais pas encore  prêt pour le service, l'entreprise ayant pris du retard) voici  quelques vues  de la *place  du marché aux oies  et de la place de la liberté-côté "coulisses"-prises  du  manoir de Glisson .
L'ascenseur, selon les derniers échos, serait peut-être au point pour les journées du Patrimoine.

Un autre point de vue sur la Place aux oies, ici , non plus vue du haut, mais à hauteur d'homme ou ...d'enfant


Le nom de cette place, et la sculpture qui la décore vient du marché  aux oies qui a lieu tous les samedis , de décembre à mars : on sait que le Périgord est une région gastronomique célèbre , entre autres, pour son foie gras, d'oie ou de canard.
(cf; Guide Michelin, ici)

samedi, août 20, 2011

Un Charlot, des charlots

La ville de Périgueux est célèbre pour son festival international des arts du  de mime, Mimos.

Sarlat, quant à elle, offre aux regards  admiratifs des  petits et des grands ces étonnantes statues vivantes , mais figées et qui s'animent quand une piécette tombe dans leur escarcelle.

jeudi, août 18, 2011

La vallée de l'Homme

Le  Périgord  abonde en sites préhistoriques , parmi les  plus célèbres-celui des Eyzies- de-Tayac dans la vallée de la Vézère







Les Eyzies de Tayac est  un site  inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco

L'art rupestre a visiblement  inspiré la propriétaire de cette boîte aux lettres ornées d'empreintes de mains !

lien  /  la vallée de l'homme (audio guide)

mardi, août 16, 2011

Passer la Loire




Passer la Loire, c'est un peu franchir une frontière.

Frontière linguistique: de  la façon de dire oui au nord et au sud de la Loire viennent les deux grandes familles  de la langue française, langue d' Oïl et langue d'Oc
Frontière climatique, car il fait plus doux , plus chaud, plus ensoleillé -.Enfin, en principe..-. une fois la Loire franchie, et le trajet sent bon le départ en  vacances  .

Au retour, en revanche,  sur l'autre rive, on risque de retrouver le gris .
 Le château de contes de fées , toujours aussi  majestueux, est  plus tristounet que sur  l'enluminure des Très Riches heures du duc de Berry.


(Photo personnelle: Saumur)

dimanche, août 14, 2011

samedi, août 13, 2011

L'abbaye des dames



Les abbesses de sang royal s’y succèdent.




les fresques de la salle capitulaire sont de Thomas Pot.





François Rabelais connaissait cette abbaye et l'on peut penser qu'elle a plus ou moins inspiré sa vision idéaliste de l'abbaye de Thélème:


"Toute leur vie était dirigée non par les lois, statuts ou règles, mais selon leur bon vouloir et libre-arbitre. Ils se levaient du lit quand bon leur semblait, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur venait. Nul ne les éveillait, nul ne les forçait ni à boire, ni à manger, ni à faire quoi que ce soit... Ainsi l'avait établi Gargantua. Toute leur règle tenait en cette clause :
FAIS CE QUE VOUDRAS,
car des gens libres, bien nés, biens instruits, vivant en honnête compagnie, ont par nature un instinct et un aiguillon qui pousse toujours vers la vertu et retire du vice; c'est ce qu'ils nommaient l'honneur. Ceux-ci, quand ils sont écrasés et asservis par une vile sujétion et contrainte, se détournent de la noble passion par laquelle ils tendaient librement à la vertu, afin de démettre et enfreindre ce joug de servitude; car nous entreprenons toujours les choses défendues et convoitons ce qui nous est dénié.
Par cette liberté, ils entrèrent en une louable émulation à faire tout ce qu'ils voyaient plaire à un seul. Si l'un ou l'une disait : " Buvons ", tous buvaient. S'il disait: "Jouons ", tous jouaient. S'il disait: " Allons nous ébattre dans les champs ", tous y allaient. Si c'était pour chasser, les dames, montées sur de belles haquenées, avec leur palefroi richement harnaché, sur le poing mignonne- ment engantelé portaient chacune ou un épervier, ou un laneret, ou un émerillon; les hommes portaient les autres oiseaux.



Ils étaient tant noblement instruits qu'il n'y avait parmi eux personne qui ne sût lire, écrire, chanter, jouer d'instruments harmonieux, parler cinq à six langues et en celles-ci composer, tant en vers qu'en prose. Jamais ne furent vus chevaliers si preux, si galants, si habiles à pied et à cheval, plus verts, mieux remuant, maniant mieux toutes les armes. Jamais ne furent vues dames si élégantes, si mignonnes, moins fâcheuses, plus doctes à la main, à l'aiguille, à tous les actes féminins honnêtes et libres, qu'étaient celles-là. Pour cette raison, quand le temps était venu pour l'un des habitants de cette abbaye d'en sortir, soit à la demande de ses parents, ou pour une autre cause, il emmenait une des dames, celle qui l'aurait pris pour son dévot, et ils étaient mariés ensemble; et ils avaient si bien vécu à Thélème en dévotion et amitié, qu'ils continuaient d'autant mieux dans le mariage; aussi s'aimaient-ils à la fin de leurs jours comme au premier de leurs noces."
Gargantua, livre LVI

jeudi, août 11, 2011

"Et de leurs yeux de pierre ils regardent sans voir"

Comment ne pas songer, dans l'église abbatiale de Fontevraud, devant les gisants d'Aliénor d'Aquitaine, de son second mari, le roi Henri II Plantagenêt, fondateur de la dynastie angevine d'Angleterre, et de leur fils Richard Cœur de Lion, au magnifique poème de José-Maria de Heredia, "Vitrail"?









Vitrail

Cette verrière a vu dames et hauts barons /
Étincelants d'azur, d'or, de flamme et de nacre,/
Incliner, sous la dextre auguste qui consacre,/
L'orgueil de leurs cimiers et de leurs chaperons ;/

Lorsqu'ils allaient, au bruit du cor ou des clairons,/
Ayant le glaive au poing, le gerfaut ou le sacre, /
Vers la plaine ou le bois, Byzance ou Saint-Jean d'Acre,/
Partir pour la croisade ou le vol des hérons./

Aujourd'hui, les seigneurs auprès des châtelaines,/
Avec le lévrier à leurs longues poulaines, /
S'allongent aux carreaux de marbre blanc et noir ./


Ils gisent là sans voix, sans geste et sans ouïe, /
Et de leurs yeux de pierre ils regardent sans voir /
La rose du vitrail toujours épanouie //


José-Maria de Heredia (1842-1905) les Trophées

mardi, août 09, 2011

A table ! Dîners au grand réfectoire


Culture, gastronomie, installations, au programme des  saisons estivales de la vénérable abbaye de 
Fontevraud (Lien )

Rabelais, qui l'a fréquentée, l'a certainement prise comme modèle pour son abbaye idéale de Thélème.
On imagine les lectures  contemporaines faites, au grand réfectoire, pour nourrir l'esprit  d'un moderne  Gargantua.

  "Cependant, Monsieur l’Appétit venait ; c’est au bon moment qu’ils s’asseyaient à table.
Au commencement du repas, on lisait quelque histoire plaisante des anciennes prouesses jusqu’à ce qu’il prît son vin.
Alors, si on le jugeait bon, on continuait la lecture, ou ils commençaient à deviser joyeusement tous ensemble. Pendant les premiers mois, ils parlaient de la vertu, de la propriété, des effets et de la nature de tout ce qui leur était servi à table : du pain, du vin, de l’eau, du sel, des viandes, des poissons, des fruits, des herbes, des racines et de leur préparation.
Après, ils parlaient des lectures du matin, et terminant leur repas par quelque confiture de coings, il se curait les dents avec un bout de lentisque, se lavait les mains et les yeux de belle eau fraîche et tous rendaient grâce à Dieu par quelques beaux cantiques à la louange de la munificence et bonté divines."
      





Quelle est cette étrange construction  à l'angle sud-ouest du cloître? Un baptistère? Une  lanterne des morts?
(Photo 4  du collage, à  droite) 

Il s'agit des cuisines,conçues dès la fondation de l'abbaye en  1101 pour nourrir l'importante  communauté.
Elles sont en pierre, de forme octogonale, avec cheminée centrale  entourée de huit fumoirs circulaires pour conserver les viandes et surtout  les poissons car  dans une abbaye, on fait maigre-  l'alose, abondante  ans la Loire devait souvent figurer au menu.


 Le toit est lui aussi en pierre, "en écailles de poisson", style typique de l'art roman poitevin, comme à Notre-Dame-la-Grande de Poitiers


 Les lanternons de pierre surmontant chaque  cheminée datent du début du XXe siècle et sont l'oeuvre  de l'architecte Lucien Magne.

Cet été-là, l'artiste invité  avait exposé dans les cuisines, des clichés représentant des femmes travaillant dans les services de restauration, traités  à la manière des tableaux de Vermeer, on pense inévitablement à "la laitière" .


Belle façon de rendre hommage à des ouvrières.



(Photos personnelles: été 2010)
http://www.paysdelaloire.fr/no_cache/region-actu/actu-detaillee/nb/226/swords/culture/browse/4/n/a-table/

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