mardi, septembre 27, 2011

Stèle de Delalande à Bricquebec-Journée Barbey d'Aurevilly (6/6)





 Au pied du donjon, square Le Véel.

Avant de découvrir, in situ, le dénouement d'Une Histoire sans nom à la Trappe de Bricquebec (voir articles précédents 5/6, 4/6, 2/6) la présidente de la société Barbey d'Aurevilly, madame Isabelle Barré nous a conduits devant la stèle de Robert Delalande , inaugurée en 1929, représentant Armand Le Véel , ami de Barbey d'Aurevilly et les frères Frémine.

Charles et Aristide Frémine sont ainsi présentés sur le site de l'office du tourisme de Bricquebec :


"Aristide, l’aîné est né à Bricquebec, Rue de Bailly (actuellement rue Pierre Marie) le 16 janvier 1837. Il fit une carrière dans l’administration, mais continua sa passion pour la littérature.
La parution de ses premiers vers eut lieu en 1859 ; puis en 1863 il publia plusieurs de ses œuvres, dont la plus connue de ses concitoyens est le roman La Demoiselle de Campagne récit entièrement localisé sur Bricquebec et ses environs en 1892.
Il finit ses jours à Issy-Les-Moulineaux en 1897.

Charles est né à Villedieu en 1841, il décida de vivre de sa plume et choisit le métier de journaliste. Il publia de nombreux recueils de poèmes et de contes. Il connaissait si bien sa région, qu’il la décrivait sous les angles et les aspects les plus inattendus, sachant mettre en valeur les beautés cachées de notre Nord Cotentin, par exemple dans « La Chanson du Pays ».

Les deux frères s’aimaient beaucoup, Charles fut inconsolable de la mort de son frère. Il tomba gravement malade et mit fin à ses jours, le 10 juin 1906."


L'inscription "Ils ont aimé et chanté leur pays" rappelle leur enracinement et leur inspiration cotentinaise.

Madame Isabelle Barré, répondant à la curiosité d'un des membres du groupe, a résumé l'intrigue d'Une demoiselle de campagne, roman tombé dans l'oubli , qu'elle a  lu en consultant le fonds ancien de la bibliothèque de Valognes: un ouvrage , de son point de vue très "fleur bleue" et conventionnel , mais qui a le mérite de peindre avec vérité la vie rurale de cette époque.

Que nous apprend le site de l'office du tourisme de Bricquebec sur le sculpteur Armand Le Véel ?


"Né à Bricquebec le 27 janvier 1821, il fut dès son plus jeune âge passionné par la sculpture. Il connut des débuts très difficiles à Paris où il apprit son art. Quelques années plus tard il se vit confier la réalisation de plusieurs œuvres d’une grande importance, telles que les statues de Charlemagne, Jeanne d’Arc, Marceau… Son oeuvre majeure restera la statue équestre de Napoléon 1er à Cherbourg. C’est dans cette ville qu’il décida de se retirer et décédera le 26 juillet 1905. C’était un grand amateur d’antiquités et un collectionneur de faïences, verreries, mobilier et de médailles. Il fut aussi conservateur du Musée Thomas Henry."



Dans son exposé, Madame Barré a rendu très vivante la biographie de l'artiste, avec des anecdotes amusantes, qui nous ont fait trouver attachant ce personnage au caractère fort. On imagine son  dépit  de ne pas recevoir la légion d'honneur en 1858 ( ce  qu'il attribua à sa présence sur les barricades en 1848)!

Le Véel  fut le guide de la reine Victoria en visite privée à Bricquebec en 1857 (elle occupa une suite à l'hostellerie du Vieux Château qui garde vivace  son souvenir)


Mais lorsque Napoléon III et son épouse  se rendirent  à Cherbourg en 1858, à l'époque de l'Entente cordiale, pour inaugurer la ligne Caen-Cherbourg , la statue de le Véel montrant  Napoléon 1er , à cheval, le doigt dirigé vers la côte, faillit créer un incident diplomatique .(détails ici) : l'inauguration de ladite statue ne  fut plus à l'ordre du jour, et encore moins la décoration qui devait couronner cette oeuvre!

 Pourtant, ce n'est pas "la perfide Albion "que désigne ainsi l'empereur-contrairement à ce que disent encore aujourd'hui les Cherbourgeois-mais les travaux  de la rade de celui qui voulait "renouveler à Cherbourg les merveilles de l'Egypte"!



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dimanche, septembre 25, 2011

Autour d'Une Histoire sans nom-La Trappe (5/6)


Après le récit de Gilles Bataille, et l'évanouissement de Madame de Ferjol, le père  Augustin, abbé de la Trappe, prit la parole:
Le voleur n'était autre que le frère Riculf, le sombre capucin devenu bandit, son premier forfait ayant été le viol de Lasthénie , au pied du monumental escalier,  suivi du vol de la bague. En pleine crise de somnambulisme, la jeune fille  n'avait  eu aucune conscience des faits.


Plus tard, saisi  par le repentir, Riculf demanda asile à la Trappe, seul refuge pour ceux que n'avait pas condamnés  la justice humaine.
Or, celui-ci venait de mourir  -et d'être  enterré selon le rite des trappistes, sans cercueil , à même la terre, le visage devant être recouvert jour après jour  par les pelletées de terre des autres moines. 


A ce stade de la visite, La présidente de la société Barbey a demandé au frère Gérard  et au père abbé quelle était la part de vérité ou de fiction  dans le rite décrit par l'écrivain, et dans les "dieries" populaires relatives à la vie des trappistes  .
-Non, les moines ne creusent pas leur tombe jour après jour.
-Non, ils  ne se croisent pas en murmurant:"Frère , il faut mourir"

-Oui, Ils sont bien inhumés à même la terre,le visage découvert , mais la fosse est comblée lentement, au cours de l'inhumation, et non jour après jour .
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En entendant les explications du père abbé, Madame de Ferjol éprouve à la fois une intense culpabilité, se remémorant les  souffrances  injustes infligées par elle à sa fille, et une haine violente contre Riculf.
Un jour de foire, à l'insu de sa servante, elle se rend à la Trappe.

"Elle trouva sans peine la fosse qu’elle cherchait. Le cimetière
était désert, et la fosse du dernier trappiste décédé, creusée dans
les hautes herbes, était bien la fosse de Riculf. Elle s’en approcha
jusqu’au bord et regarda dedans avec ces yeux que la haine a
comme l’amour, — ces yeux qui dévorent tout, — et elle vit le
mort  dans  le  fond  de  sa  fosse. Malgré les pelletées de terre
éparpillées autour du visage, et dont le plus grand nombre avait
porté sur la partie inférieure du cadavre, on voyait encore la face
d’un homme. Ah! elle le reconnut, malgré cette barbe qui avait
blanchi, et ces yeux sans regard que les vers rongeaient déjà dans
leurs orbites. Elle enviait le sort de ces vers… Elle aurait voulu
être un de ces vers…" 



 Son  ombre  agrandie parle soleil couchant d'une soirée d'été vampirise  la tombe de Riculf.
Le père Augustin , qui l'a suivie, tente de la ramener à des sentiments plus chrétiens -elle qui avait déclaré, en apprenant que l'expiation de Riculf lui vaudrait peut-être le salut- et le visage d'un bienheureux :
"S'il est au ciel, je n'en voudrais pas avec lui!"
La voix du  narrateur conclut cette histoire en jugeant son personnage :

"— Oh! Madame, — dit le prêtre, — vous êtes une chrétienne,
et ce que vous dites n’est pas chrétien. Venir regarder le mort
dans sa tombe avec les yeux de la haine, c’est le profaner, et on
doit le respect aux morts.
— À celui-là, jamais! — fit-elle. — J’avais tout à l’heure envie
de descendre dans sa tombe pour le fouler sous mes talons!
— Pauvre femme! — dit le prêtre; — elle mourra dans
l’impénitence finale de sentiments trop absolus pour la vie. »
Et, en effet, elle mourut à quelque temps de là, dans cette
impénitence sublime que le monde peut admirer, mais nous,
non!"
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(Lien : texte intégral  d'une Histoire sans Nom)  
et celui du roman gothique qui a inspiré  Barbey: le Moine de M. G. Lewis
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Le frère Gérard, archiviste à la Trappe et chargé de l'hôtellerie a accueilli notre  groupe de manière très affable , nous a fait  visiter le cimetière où reposent les frères trappistes, puis, dans l'église cistercienne de Notre-Dame de Grâce a évoqué son histoire , le mode de vie des moines  ponctué par les offices ,et nous  a recommandé la boutique et ses produits .
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Articles précédents: ici:4/6
    là:2/6
et aussi
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jeudi, septembre 22, 2011

Vers le dénouement d'une histoire sans nom (4/6)


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 Vingt-cinq ans plus tard,ce portail franchi, le mystère fut  éclairci, par hasard.
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(photo: (Le Connétable des Lettres , N 10 , juillet 2011, bulletin de la société Barbey d'Aurevilly)
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Après la mort de Lasthénie, Madame de Ferjol  reste  comme recluse à Olonde, jusqu'au jour où elle accepte l'invitation du comte du Lude, à Aureville, près de Saint-Sauveur -le -Vicomte.
 Cette petite ville, moins sélective que l'aristocratique Valognes admet une société plus mêlée, aussi voisinent dans la vaste salle à manger de  leur hôte, des aristocrates , le père abbé de la Trappe, et un épicier enrichi  sous l'Empire, Gilles Bataille.Celui -ci porte une bague qui attire l'attention, et dont il conte l'histoire:




Une nuit, alerté par des bruits indiquant qu'on tentait  de le cambrioler, il descend et  voit une main essayant de s'introduire pour forcer le passage. Avec son commis, Gilles Bataille cadenasse cette  main pour récupérer au petit matin son voleur. Horreur! ce dernier , pour s'évader s'est mutilé lui-même , et seule la main subsiste, avec au doigt , une bague que garde l'épicier  comme butin.
Lorsqu'il la fait circuler parmi les convives, Madame de Ferjol y jette un regard indifférent,voire hautain , puis pousse un cri et s'évanouit : elle a  reconnu l'émeraude de son époux , transmise par elle  à Lasthénie, et disparue - juste après le départ précipité du sombre capucin- signe , pour la mère de la culpabilité de sa fille qui aurait , selon elle, donné la bague à son séducteur .


(Gravure de Gilbert Bazard, illustrant l'essai de Dominique Bussillet, Barbey d'aurevilly, Une nature ardente, Cahiers du temps, P.12)

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Alors, le père abbé de l'abbaye cistercienne de la  Trappe  de Bricquebec prit  la parole...................
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(A suivre ,
+  la suite de la visite  du groupe de la société Barbey d'Aurevilly à  la Trappe de Bricquebec )
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mercredi, septembre 21, 2011

Le Vieux château- Bricquebec -(3/6)


Barbey d'Aurevilly comparait son   Saint-sauveur natal à une" jolie bourgade écossaise."
Ne pourrait-on pas appliquer le même compliment à Bricquebec,
avec son vieux château,
son donjon construit sur une motte,
ses constructions ou reconstructions  du XII et XIII ème siècles,
ses parties romanes dans la salle   du restaurant , dite "des chevaliers", où nous convie  la  présidente de la société Barbey  d'Aurevilly ?










En souvenir d'une visite à Bricquebec, en  août 1857, à l'époque de l'entente cordiale, ce portrait de la reine Victoria, qui  séjourna à l'hôtel  du vieux château .


lundi, septembre 19, 2011

Journée aurevillienne: autour d'Une histoire sans nom (2/6)

Bricquebec, 3 septembre 2011



Lien ici :mail art /lectures artistiques



 Après le mot d'accueil de  la Présidente de la société Barbey d'Aurevilly, Madame Isabelle Barré, la lecture et l'approbation  du rapport moral et du rapport financier, le lieu de la prochaine sortie aurevillienne a été choisi : ce sera le Château de Tourlaville, théâtre des amours incestueuses de Julien  et Marguerite de Ravalet, tragiques personnages d'Une page d'Histoire .


 Puis Patrick Avrane, essayiste  et psychanalyste a présenté Une Histoire sans nom à la lumière de la psychanalyse freudienne.
La première partie de ce roman  se situe dans une ville encaissée du Forez,semblable à   Bourg -Argental où   Barbey d'Aurevilly, âgé de 38 ans  en 1846, résida, y connut une crise dont il sortit guéri  et retrouva la foi.



Au fond de cet abîme vivent, avec leur servante, deux femmes, les "dames du pays", Madame de Ferjol, originaire du Cotentin , veuve d'un époux adoré et sa fille, de seize ans, Lasthénie. Les deux noms choisis annoncent les thèmes: Madame de Fergeol  condamnera sa fille à une geôle de fer, et  Lasthénie, mourra... d'asthénie et donnera  son nom à un syndrome psychopathologique , celui d'une anémie incompréhensible pour l'entourage et les médecins puisque le/ la malade se ponctionne dans le secret des quantités de sang qui le / la conduisent à la mort.
Fort pieuses, les deux dames reçoivent   pour le carême, un  capucin  prédicateur , le frère Riculf , qui loge un soir chez elle et disparaît le lendemain  inexplicablement , sans avoir terminé à l'église son cycle de prêches .  Or, à un "e" près, le nom du prédicateur est l'anagramme de ...Lucifer.
Peu de temps après, Lasthénie tombe dans une maladie de langueur inexplicable, et sa mère, l'observant la nuit , comprend qu'elle est enceinte : "Elle a le masque!"s'exclame-elle.
Qui est responsable de son état, de sa souillure ?

Aux questions répétées de sa mère , Lasthénie ne peut répondre, nie, dément, clame son innocence, même les signes de sa grossesse devenus évidents, et malgré la confession que lui fait sa mère pour lui faire avouer son secret elle-même s'était donnée en dehors du mariage à Monsieur de Ferjol, qui l'avait enlevée, et Lasthénie est le fruit de ces amours coupables , coupable elle-même , dans une conception janséniste ( et maistrienne), les fautes des parents devant retomber sur leur progéniture .
Pour cacher l'état de sa fille , Madame de Ferjol retourne sur ses terres, au château d'Olonde, et c'est là que recluse, persécutée , enfermée dans le mutisme,  Lasthénie donnera naissance à un enfant mort-né , puis mourra elle-même, dans sa position habituelle, la tête contre la muraille.
Madame de Ferjol découvre alors des traces de sang sous le sein de sa fille, et dégrafant son corsage  trouve dix-huit épingles plantées dans la région du coeur .

Ce n'est que 25 as plus tard , que l''explication sera donnée, explication que  Madame de Ferjol au fond d'elle -même  avait toujours sue quand "la pensée lui revenait de cet effrayant capucin qui lui fascinait la pensée (sic)et dont elle n'aurait pas osé prononcer le nom (=LUCIFER) Assembler les lettres de ce nom et le prononcer tout bas  lui paraissait un monstrueux sacrilège."
Victime de crises de somnanbulisme, Lasthénie  avait été violée par le frère Riculf, la confession- le destin de celui -ci ayant servi de  fil conducteur pour la suite de cette journée. (A suivre )
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Dans une optique psychanalytique (et non plus dans une interprétation janséniste), que nous dit Barbey, à travers cette  sombre histoire- lui qui a souffert de la froideur de sa mère  ?

Il nous parle du secret maternel , et du rapport dénaturé que la mère entretient avec sa fille:"Sa mère l'adorait, mais surtout parce qu'elle ressemblait à l'homme qu'elle avait aimé avec un si grand entraînement . Elle jouissait de sa fille en silence. elle s'en repaissait sans rien dire ."*
Un commentaire du narrateur-auteur, juste avant que Madame de Ferjol comprenne l'état de sa fille assimile la mère possessive à une monstrueuse araignée. Paradoxalement le viol est le moyen ultime de faire exister le corps nié , le corps vide de Lasthénie , vide parce qu' "il représente le corps de son père mort"*
De plus, elle se refuse à reconnaître et à nommer  comme coupable un homme de Dieu, et comme  pour elle, le dieu qu'elle adore est l'époux disparu, le conflit psychologique   est insoluble , la punition inévitable .

Une comparaison  a été faite par le conférencier avec la nouvelle  de Kleist, la Marquise d'O (1810) , -nouvelle  sûrement connue de  Barbey-
Même situation , déjà présente chez Montaigne  (une jeune femme se retrouve enceinte à son insu) mais un traitement différent puisque la Marquise au lieu de  cacher son état fait savoir par voie de presse qu'elle demande au père de son enfant de se faire connaître afin qu'elle l'épouse.
  Au dénouement,   grande sera sa surprise en  reconnaissant  le bel officier qui l'avait protégée d'un viol lors de la mise à sac du château et qu'elle n'aurait jamais imaginé  être un "démon "tant  l'avait vu comme" un ange".
Le texte de Kleist, très beau dans sa  concision, peut être interprété, dans certains passages , selon Patrick Avrane,  comme un désir  incestueux de la jeune femme envers son père.Cependant, sur le plan psychanalytique, il n'atteint pas la richesse de celui du Barbey qui a donné son nom au syndrome de Lasthénie de Ferjol,étudié cliniquement par le professeur Jean Bernard, célèbre hématologue: ce n'est pas le moindre paradoxe de cette "histoire sans nom"





*In Sigila revue transdiscimplinaire franco-portugaise 
Numéro 14 La Honte-a vergonha, P 40 , article de Patrick Avrane: Une histoire sans nom, le secret d'une honte 

(Article personnel précédent sur Une Histoire sans nom -le Château d'Ollonde: ici
et
sur la Marquise d'O , au théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis, )

dimanche, septembre 18, 2011

Figures féminines autour de Jules-Amédée Barbey d'Aurevilly



Naissance en 1808 de Jules -Amédée Barbey d'Aurevilly à Saint-Sauveur-Le -Vicomte au domicile de son grand-oncle, le chevalier de Montressel, son grand-oncle et parrain  ( à trois heures du matin selon le registre de l'Etat Civil), sa mère, malgré l'avancement de sa grossesse s'étant rendue chez celui-ci pour jouer au whist.

Lettre à Trébutien du 1er octobre 1851:
"Je suis réellement né le jour des morts, à deux heures du matin , par un temps du Diable. Je suis venu comme Rémulus s'en alla,-dans une tempête. Comme Fontenelle, je faillis mourir une heure ou deux après ma naissance, mais il y a de bonnes raisons pour que je meure avant cent ans . Il paraît que le cordon ombilical avait été mal noué et que mon sang emportait ma vie dans les couvertures de mon berceau, quand une dame,( mon premier amour secret d'adolescent) amie de ma mère, s'aperçut que je pâlissais et me sauva non des eaux comme Moïse, mais du sang, autre fleuve où j'allais périr"




Photographie du buste jaune-
C'est celui de Madame de Chavaincourt, tante de sa mère, morte à la trentaine, qui troubla son coeur d'adolescent.
"Car ce buste, ce fut ...Oui !Mon premier amour,/
le premier amour fou de mon coeur solitaire."





Portrait de la mère de l'écrivain -née Ernestine Ango-miniature sur velin, par Sabatier (1830)
J'ai bien des choses tristes, douloureuses, à dire de ma mère et de ses rapports avec moi ,mais elle a le titre et le nom sacré: elle est ma mère"




Photographie de Louise Read ,
chez elle avec ses chats (Photo Harlingue)

Rencontrée chez François Coppée en 1879, Louise Read , âgée de trente-quatre ans apportera à l'écrivain vieillissant (âgé alors de soixante-et onze ans ) un dévouement qui le libèrera des soucis quotidiens.
Elle l'engage à rassembler, pour publication dans la série Les Hommes et les oeuvres ,ses travaux épars de critique.

Barbey la surnommait "Mademoiselle Ma Gloire"et "Mademoiselle ma chargée d'affaires"

"Lettres à une amie" 26 novembre 1884
"Je n'ai rien reçu que vos éternelles idolâtries sur Démonette, qui me paraissent un peu bébêtes et indignes d'un cerveau comme le vôtre . On dirait que le premier intérêt de votre vie est de me donner des nouvelles du chat!"

Lettre de Normandie , le 8 novembre 1887
"Caressez pour moi mes deux chats (Démonette et Kroumir) Cela vous fera autant de plaisir qu"à moi. J'ai envie de voir leurs figures quand je reviendrai, mais je ne crois pas beaucoup à l'âme de Démonette. C'est la vôtre que vous lui mettrez dans le corps, quand vous imaginez qu'elle pense à moi ."


Copie du testament en faveur de Louise Read, établi en 1888
Barbey la désigna comme sa légataire universelle le 1er février 1887.

Après la mort de l'écrivain, elle se consacra au classement des oeuvres et des éditions de celui-ci et ,et contribua à entretenir son souvenir, en particulier dans le Cotentin .

Exposition :Moi, Jules Barbey
d'Aurevilly, Archives départementales de la Manche

Reprise  d'un billet publié le 13/12/08
Ci-dessous: musée Barbey à Saint-Sauveur le Vicomte


samedi, septembre 17, 2011

Dévotion ? (Journée Barbey (1/ 6))

Si le célèbre tableau  de J . F .Millet, L'Angélus exprime la dévotion paysanne,(ou une  pause au milieu des tâches champêtres) et le souvenir de son enfance  pieuse marquée par la personnalité de  sa grand-mère,


ses compatriotes  lui ont à leur tour témoigné leur dévotion en multipliant  images, chromos (d'un  goût plus ou moins sûr), reproductions sur ce que l'on appelle aujourd'hui les "produits dérivés": tasses, coussins, boîtes en tous genres , etc.
(Vidéo /la maison -atelier à Barbizon )

Ce tableau a également donné lieu à des réactions ambivalentes ou carrément hostiles (lacération par un déséquilibré en 1932) et à  divers détournements,  commentaires et  fantasmes .
 Citons l'analyse  célèbre  de Salvador Dali: le Mythe Tragique de L'angélus. Celui -ci voit dans l'attitude de l'homme et de la femme (au-delà d'interprétations érotiques) une scène non pas relative  à la prière qui donne son nom au tableau,  , mais à l'inhumation de l'enfant mort de ce couple . En 1963,une radiographie du tableau révélera , sur la terre, entre les deux personnages, une forme semblable à celle d'un cercueil, corroborant cette hypothèse, révélatrice de l'obsession de  Dali, qui était  un "enfant de remplacement"
(Autre (lien )

Commentaires d'Arte ici
Vidéo / détournements du tableau , au salon de Bressuire (Précisons  que l'on doit prononcer "Mi L et" , comme la céréale  et non" Millet"- comme "feuiLLet", ainsi qu'on l'entend dans cette vidéo )


Ici, c'est à Bricquebec , que s'expose cet Angélus, au-dessus de L'épicerie parisienne, dans une sorte d'hommage à la terre nourricière.



(Photos personnelles )

-Préambule à une série d'articles sur la journée Barbey du 3 septembre 2011, organisée par la société Barbey d'Aurevilly, l'épicerie parisienne ayant approvisionné le le pot de l'amitié  aimablement offert par la municipalité  aux participants, après l'assemblée générale.

mercredi, septembre 14, 2011

Retour de l'enfant du pays au hameau Gruchy

 
La commune de  Gréville  s'enorgueillit d'avoir vu naître Jean-François Millet le 4 octobre 1814 au Hameau Gruchy,premier enfant d' une famille de *" paysans aux solides traditions chrétiennes , et que leur éducation mettait au-dessus du vulgaire".
 Son père, laboureur de son état , qui avait  lui-même des dons artistiques, sut déceler ceux de son fils  dont il montra deux dessins au peintre cherbourgeois Bon Mouchel dit  Dumouchel ,ancien  élève de David .Le jeune homme , âgé de 18 ans , put  alors  s'adonner à la pratique artistique  et revenir travailler aux champs. L'année  1835 fut décisive pour lui, avec la possibilité d'exécuter des copies au musée Thomas Henry , nouvellement  ouvert au public, tandis que la mort de son père le 29 novembre le désignait comme successeur de la ferme familiale . Sa vocation l'emporta et il continua  son parcours à l'Ecole de Langlois de Chevreville (Ancien élève de Gros). Ami de Félix Feuardent, commis de librairie, il lut  Shakespeare, Byron, Goethe, Virgile -et bien sûr la Bible . Il n'avait donc rien  de l'être frustre que certains ont voulu voir en lui.
Jean-François Millet fut d'abord portraitiste, pendant les 10  premières années de sa carrière,  art qu'il pratiqua lors d'un premier séjour à Paris, délaissant  les leçons du maître cherbourgeois Delaroche  pour la fréquentation des musées du Louvre et du Luxembourg.

Parti pour la capitale en 1837, le peintre garda cependant le contact avec Cherbourg, prenant pour modèles amis et membres de sa famille. En 1841, il épouse la fille d'un tailleur de la ville, Marguerite Ono dont il fait de magnifiques tableaux - le legs Ono sera l'un des fleurons du musée Thomas Henri- mais la fragile jeune femme, usée par les privations du ménage à Paris,  mourra de phtisie en 1844.

Revenu quelque temps à Cherbourg, J. F. Millet s'en éloignera à partir de 1845, ayant pris pour compagne  une servante d'auberge d'origine bretonne, Catherine Lemaire, qui n'aurait pu être acceptée ni dans sa  famille ni dans son ex belle-famille  . Le peintre partira pour Le Havre puis  -pour diverses raisons- s'installera à Barbizon , avec le destin artistique que l'on connaît, de 1849 à 1875 .
 Les séjours à Gruchy seront alors aléatoires, au gré des événements politiques (1870-1871) et familiaux.
( sur ce sujet, articles personnels ici)

A l'occasion de la mort de sa mère, J.F.Millet revient à Gréville  au printemps de 1853.
Ayant épousé civilement Catherine Lemaire, il revient au logis de Gruchy  avec sa famille de fin juin à septembre 1854, y  réalise des tableaux et environ 60 dessins et esquisses. Il prend pour modèle sa soeur Emélie filant  à son rouet .(Huile sur panneau, musée de Boston , ici); il fait deux dessins rehaussés de  pastels de sa maison natale et des dépendances connues sous le nom de " la maison au puits",  vues depuis son enfance à partir  des fenêtres et de la porte du logis familial  . C'est un  motif  récurrent dans son oeuvre, non seulement  naturaliste mais  symbolique, aux forts accents religieux .


Les avatars de la maison natale:
Cette maison reconstruite plutôt que restaurée par le Conseil général de la Manche  a connu de longues périodes d'abandon.

L'aîné parti assurer sa vocation de peintre, et le père disparu, la maison est  habitée par  la mère (Marie-Henriette Adélaïde, née Henry) et la grand-mère(Louise Jumelin ), puis passée entre les mains du frère, Jean-Louis, d'abord  engagé dans la marine  à 16 ans, puis revenu  à contre-coeur cultiver  la terre en 1847 .Ce dernier , à la mort de leur mère, en 1853, recevra de l'aîné la jouissance  de sa part sur les champs et les immeubles . En 1867 , J.F; Millet, dans une lettre à Jean-Louis se désole de l'état de leur maison natale"qui finit par être seule et délabrée"constaté l'année précédente, lors de son  séjour  avec son épouse -ils résidaient au Hameau Lefèvre-En 1870, ayant fui l'avance de Prussiens à Paris, Jean-François décide de vendre la maison, pour la somme de 200 francs, à son frère Auguste, menuisier ébéniste à Cherbourg .L'acte de vente sera signé un an plus tard .
 Léguée par Auguste au fils de son frère Jean-Baptiste, la maison selon Etienne Moreau-Nélaton "pâtissait d'une lamentable profanation", (1914) puis hébergea "un américain maniant la palette qui, exploitant la renommée de Millet (... .) avait ouvert une école de peinture pour dames et demoiselles de son pays "

Pendant la dernière guerre, devenue propriété d'un Arménien, établi aux Etats -Unis, qui, pour cette raison la négligeait,  elle reçut un obus d'un char Sherman, les dégâts  n'auraient pas été irréversibles s'il y avait eu quelqu'un pour s'en aviser et réparer, mais battue par les  pluies des années durant, la maison finit par s'écrouler,  pitoyable tas de ruines provoquant la stupeur des touristes américains et japonais chez qui, ont le sait, millet est fort coté.

 Après d'autres épisodes, c'est donc  une reconstruction qu'effectua  le Conseil général de la Manche  en 1992  la Commission Régionale du Patrimoine ayant de son côté décidé de préserver la "maison au puits"

L'aménagement intérieur et le mobilier  visent à  restituer le  cadre de vie du célèbre peintre de l'Ecole de Barbizon , dans sa jeunesse, tout en évoquant, par des  objets typiques du monde paysan , certaines de ses oeuvres .

La baratte //La femme à la baratte de beurre

La kanne de lait ( H/T Musée d'Orsay, Paris)

Le rouet  

Emélie Millet à son rouet  (Musée de Boston)

le vaisselier
Source: * Jean-François Millet chez lui , par Pierre Leberruyer, Edition Manche-Tourisme 
Illustrations (ibidem)
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Et un dernier commentaire, tiré du même ouvrage:, à propos de la prononciation du *nom de J.F. Millet

"La tradition familiale est formelle sur ce point: :on doit éviter de mouiller les 2 l du patronyme,comme le font les speakers et commentateurs parisiens.
les registres de catholicité et les actes d'état civil n'orthographient souvent le nom qu'avec un seul l, selon la prononciation usuelle en Cotentin. 
Il faut donc écrire Millet, mais dire Milet."

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Tendres mirages (2)

                                                                Jeanne Cardinal :                          interprétation picturale du recue...