lundi, septembre 19, 2011

Journée aurevillienne: autour d'Une histoire sans nom (2/6)

Bricquebec, 3 septembre 2011



Lien ici :mail art /lectures artistiques



 Après le mot d'accueil de  la Présidente de la société Barbey d'Aurevilly, Madame Isabelle Barré, la lecture et l'approbation  du rapport moral et du rapport financier, le lieu de la prochaine sortie aurevillienne a été choisi : ce sera le Château de Tourlaville, théâtre des amours incestueuses de Julien  et Marguerite de Ravalet, tragiques personnages d'Une page d'Histoire .


 Puis Patrick Avrane, essayiste  et psychanalyste a présenté Une Histoire sans nom à la lumière de la psychanalyse freudienne.
La première partie de ce roman  se situe dans une ville encaissée du Forez,semblable à   Bourg -Argental où   Barbey d'Aurevilly, âgé de 38 ans  en 1846, résida, y connut une crise dont il sortit guéri  et retrouva la foi.



Au fond de cet abîme vivent, avec leur servante, deux femmes, les "dames du pays", Madame de Ferjol, originaire du Cotentin , veuve d'un époux adoré et sa fille, de seize ans, Lasthénie. Les deux noms choisis annoncent les thèmes: Madame de Fergeol  condamnera sa fille à une geôle de fer, et  Lasthénie, mourra... d'asthénie et donnera  son nom à un syndrome psychopathologique , celui d'une anémie incompréhensible pour l'entourage et les médecins puisque le/ la malade se ponctionne dans le secret des quantités de sang qui le / la conduisent à la mort.
Fort pieuses, les deux dames reçoivent   pour le carême, un  capucin  prédicateur , le frère Riculf , qui loge un soir chez elle et disparaît le lendemain  inexplicablement , sans avoir terminé à l'église son cycle de prêches .  Or, à un "e" près, le nom du prédicateur est l'anagramme de ...Lucifer.
Peu de temps après, Lasthénie tombe dans une maladie de langueur inexplicable, et sa mère, l'observant la nuit , comprend qu'elle est enceinte : "Elle a le masque!"s'exclame-elle.
Qui est responsable de son état, de sa souillure ?

Aux questions répétées de sa mère , Lasthénie ne peut répondre, nie, dément, clame son innocence, même les signes de sa grossesse devenus évidents, et malgré la confession que lui fait sa mère pour lui faire avouer son secret elle-même s'était donnée en dehors du mariage à Monsieur de Ferjol, qui l'avait enlevée, et Lasthénie est le fruit de ces amours coupables , coupable elle-même , dans une conception janséniste ( et maistrienne), les fautes des parents devant retomber sur leur progéniture .
Pour cacher l'état de sa fille , Madame de Ferjol retourne sur ses terres, au château d'Olonde, et c'est là que recluse, persécutée , enfermée dans le mutisme,  Lasthénie donnera naissance à un enfant mort-né , puis mourra elle-même, dans sa position habituelle, la tête contre la muraille.
Madame de Ferjol découvre alors des traces de sang sous le sein de sa fille, et dégrafant son corsage  trouve dix-huit épingles plantées dans la région du coeur .

Ce n'est que 25 as plus tard , que l''explication sera donnée, explication que  Madame de Ferjol au fond d'elle -même  avait toujours sue quand "la pensée lui revenait de cet effrayant capucin qui lui fascinait la pensée (sic)et dont elle n'aurait pas osé prononcer le nom (=LUCIFER) Assembler les lettres de ce nom et le prononcer tout bas  lui paraissait un monstrueux sacrilège."
Victime de crises de somnanbulisme, Lasthénie  avait été violée par le frère Riculf, la confession- le destin de celui -ci ayant servi de  fil conducteur pour la suite de cette journée. (A suivre )
.......................................................................................................................................................
Dans une optique psychanalytique (et non plus dans une interprétation janséniste), que nous dit Barbey, à travers cette  sombre histoire- lui qui a souffert de la froideur de sa mère  ?

Il nous parle du secret maternel , et du rapport dénaturé que la mère entretient avec sa fille:"Sa mère l'adorait, mais surtout parce qu'elle ressemblait à l'homme qu'elle avait aimé avec un si grand entraînement . Elle jouissait de sa fille en silence. elle s'en repaissait sans rien dire ."*
Un commentaire du narrateur-auteur, juste avant que Madame de Ferjol comprenne l'état de sa fille assimile la mère possessive à une monstrueuse araignée. Paradoxalement le viol est le moyen ultime de faire exister le corps nié , le corps vide de Lasthénie , vide parce qu' "il représente le corps de son père mort"*
De plus, elle se refuse à reconnaître et à nommer  comme coupable un homme de Dieu, et comme  pour elle, le dieu qu'elle adore est l'époux disparu, le conflit psychologique   est insoluble , la punition inévitable .

Une comparaison  a été faite par le conférencier avec la nouvelle  de Kleist, la Marquise d'O (1810) , -nouvelle  sûrement connue de  Barbey-
Même situation , déjà présente chez Montaigne  (une jeune femme se retrouve enceinte à son insu) mais un traitement différent puisque la Marquise au lieu de  cacher son état fait savoir par voie de presse qu'elle demande au père de son enfant de se faire connaître afin qu'elle l'épouse.
  Au dénouement,   grande sera sa surprise en  reconnaissant  le bel officier qui l'avait protégée d'un viol lors de la mise à sac du château et qu'elle n'aurait jamais imaginé  être un "démon "tant  l'avait vu comme" un ange".
Le texte de Kleist, très beau dans sa  concision, peut être interprété, dans certains passages , selon Patrick Avrane,  comme un désir  incestueux de la jeune femme envers son père.Cependant, sur le plan psychanalytique, il n'atteint pas la richesse de celui du Barbey qui a donné son nom au syndrome de Lasthénie de Ferjol,étudié cliniquement par le professeur Jean Bernard, célèbre hématologue: ce n'est pas le moindre paradoxe de cette "histoire sans nom"





*In Sigila revue transdiscimplinaire franco-portugaise 
Numéro 14 La Honte-a vergonha, P 40 , article de Patrick Avrane: Une histoire sans nom, le secret d'une honte 

(Article personnel précédent sur Une Histoire sans nom -le Château d'Ollonde: ici
et
sur la Marquise d'O , au théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis, )

5 commentaires:

  1. "Aurevillien" comme proustien ou durassien, les terminaisons / les auteurs ne sont pas aussi variées / les villes (cergy-pontains, cergissois...)
    J'aime bcp la photo avec l'arbre centenaire devant le château ; tu ne l'as pas signée elle n'est donc pas miss_yvienne ?

    RépondreSupprimer
  2. Si, Si Cergie: missivienne comme les autres, mais elle date d'une époque où j ne signais pas mes fotos , d'où la précision "photos personnelles)

    RépondreSupprimer
  3. Tu es une source inépuisable sur toute la culture artistique.
    Tu as ta place au ministère de la culture certainement plus que le ministre actuel...
    Bonne journée A +

    RépondreSupprimer
  4. Pas très gai tout cela!
    Et l'araignée me fait penser une fois de plus aux araignées de Louise Bourgeois sauf que l'araignée de Lasthénie était plutôt dévorante.
    Comme Cergie j'aime beaucoup la juxtapostion de l'arbre et du château.

    RépondreSupprimer
  5. Quelle histoire ! Mais dans un château comme celui-là, il peut s'en passer des choses bizarres !!!!
    Je te suis dans ces méandres aurevilliens...

    RépondreSupprimer

Gravure au MAH de Saint-Lô (3)

Notes exotiques Influence de l'orient (motifs, composition...) Fleur exotique, Manet, 1868, Musée Thomas Henry, Cherbourg