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jeudi, novembre 10, 2011

Quand la raison s'endort: les puissances du grotesque de Jacques Callot à Alechinsky. 2/2




Né le 19 octobre 1927 à Bruxelles , Pierre Alechinsky est un artiste contemporain incontournable, peintre et lithographe pour qui "écrire et peindre sont une même histoire", à l'instar de son ami Michel Butor, explorateur de la porosité entre les mots et la peinture.



Il fut, avec le poète Christian Dotremont fondateur du groupe éphémère CoBrA,(Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) de 1958 à 1961; sa rencontre avec les surréalistes l'orienta ensuite vers d'autres voies.
Ses tableaux -sur papier-se caractérisent par une prolifération bouillonnante de signes et de formes .




A partir de 1965, à l'occasion d'un voyage à New York chez un ami, et avec une oeuvre intitulée "Central park"(titre inscrit dans le centre droit du tableau) il réintroduit dans l'art contemporain ce que disait Vasari sur le Grotesque en instaurant une frise , un cadre qui reporte et démultiplie le motif central à la périphérie, dans un espace de liberté totale.



Les thèmes et les motifs traités:
le chaos, le labyrinthe, le volcan-qui est aussi encrier-


le rapprochent également du courant grotesque,

tout comme les figures d' animaux fantaisistes ou fantastiques (le lapin, l'araignée, le serpent- clin d'oeil au groupe CoBrA)
que avons pu voir dans les oeuvres de Jacques Callot,


 Goya,


ou
Odilon Redon .




Cette passionnante conférence a été suivie par une soixantaine de personnes.
Monsieur Jean-Louis Poitevin , invité par trois associations (les Amis des Musées Saint-Lois, la société d'Archéologie et le comité de jumelage de Saint-Lô -Aalen) a parfaitement rempli sa mission: faire découvrir au public une oeuvre peu connue du musée des Beaux-Arts de Saint-Lô, en dehors des horaires habituels .
Comme l'an dernier-sur un thème bien différent à partir d'un nu masculin de J. F. Millet- M. Jean. Louis . Poitevin, sur un sujet "pointu" a su nous faire voyager dans l'histoire de l'art , aux confins de l'imaginaire et de la raison: nous l'en remercions vivement .


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Jean-Louis Poitevin est écrivain et critique d'art . Docteur en philosophie, il est l'auteur de nombreux livres et articles , notamment sur l'art contemporain . De 2000 à 2004, il a dirigé les instituts français de Stuttgart et d'Innsbruck. Parmi ses dernières publications : Polyptyque, Éditions Alliages, 2005. (Essais sur neuf artistes contemporains) ; Schreber Président, ouvrage collectif, Fage éditions, 2006 ; Le Musée du Point de Vue, Éditions de l’œil, 2007 (Essai sur l'oeuvre de Jean-Daniel Berclaz)

lundi, novembre 07, 2011

"Quand la raison s'endort:les puissances du grotesque de Jacques Callot à Alechinsky". 1/2





Conférence de M . Jean-Louis Poitevin, dimanche 10 octobre 2011 au musée des Beaux-Arts de Saint-Lô.
Quand la raison s'endort: les puissances du grotesque de Jacques Callot à Alechinsky.





Avec pour point de départ un ensemble de vingt gravures de très petit format de Jacques Callot exposées dans le cabinet des dessins du musée des Beaux-Arts de Saint-Lô, M. Poitevin a analysé la notion de grotesque des origines de ce courant jusqu'à à nos jours .





Avant d'évoquer l'oeuvre des Caprices de Goya, qui a inspiré le titre de cette conférence, un peu d'étymologie s'imposait:


Le terme "grotesque " apparaît à la Renaissance, à l'occasion de la redécouverte de la Rome antique , incendiée par Néron, et des vestiges de la Villa Aurea, immense palais, construit par l'empereur dont les fresques représentaient des personnages aux formes étirées, personnages para naturels, sans être pour autant monstrueux . La profondeur du lieu a favorisé le rapprochement avec des "grottes", d'où le terme "gruttesca" ou "grotesques"pour qualifier ces figures .

Avec Vasari se déploie la polysémie du mot:
1-Ce qui est lié aux peintures sur fresques; les fresques elles-mêmes aux motifs particuliers, mélanges d' éléments humains et floraux.
2-Ce qui agrémente les grandes fêtes impériales, les éléments peints sur des architectures théâtrales, en bois.
3-Un art mineur, qui a partie liée avec le trompe-l'oeil, l'illusion .



Mais à la différence de l'architecte Vitruve (1er siècle avt J. C.) qui condamne tout ce qui n'est pas réglé par la raison et la nature, Vasari loue l'habilité du génie débridé et définit le "tableau" (étymologiquement ce qui est posé sur l'autel) comme une "fenêtre ouverte sur le monde".Or, à la Renaissance, on glisse de la fresque au tableau, en accrochant au mur des tableaux. Le cadre devient alors espace ,valeur soi. Décollé du mur, le tableau -posé ou incrusté- autorise tout autour la liberté de création (fleurs, feuilles, roses ..) où s'exprime la virtuosité, le talent .On retrouve la conception du poète Horace pour qui "l'artiste est libre de ses formes, de ses choix"dans le Grotesque , ce courant né à la Renaissance dont Jacques Callot (1592-1635) deviendra l'un des meilleurs représentants au début du VIIème siècle .


En somme, le Grotesque illustre le conflit entre l'académisme (issu d'Aristote avec le concept de "Vraisemblance") et la liberté de création: la règle devient l'absence de règles . Au lieu de considérer la Nature comme un réservoir de formes esthétiques à imiter, on imite , selon le point de vue de Paul Klee, la manière dont la Nature engendre des formes .

Le romantique Arsène Houssaye a composé une petite biographie de Jacques Callot: nous y apprenons que celui-ci, né à Nancy en 1592, suivit à l'âge de douze ans en Italie une troupe de bohémiens pour être finalement rattrapé à la porte de Rome. Loin du sérieux familial, il considérera la vie comme un déguisement, les masques de la Commedia dell 'Arte , Scapino, Zerbino Scaramucia, Fricasso,

Cucorongna, Pernoualla l'inspireront lorsque plus tard il étudiera la gravure dans un atelier romain .



Forçant le trait, il passe à la caricature, mais du côté sombre du masque, donne à voir "Les misères de la guerre", ou "la Tentation de Saint-Antoine", une oeuvre tardive.


Ce sujet, également traité par Jérome Bosch et Grünenwald est important, en effet, par les failles de la foi du saint assailli de visions, il permet à l'artiste de laisser aller son imagination dans une prolifération de formes hétéroclites et monstrueuses: sphinx, hippogriffes, serpent tentateur,etc .

D'ailleurs, pour revenir au titre matriciel de notre conférence "El sueno de la razon produce monstruos", selon la traduction de "sueno" par "sommeil "ou par "songe," l'interprétation diffère .



Graveur prolifique -plus de 1500 planches sont à son actif- Callot fut aussi un grand novateur dans l'art de la gravure, ayant eu l'idée à Rome d'utiliser un vernis dur emprunté aux luthiers , au séchage plus rapide et de travailler avec un instrument plus précis que le burin et le marteau alors en usage


Dans la lignée de Jacques Callot, Goya, peintre de cour et d'histoire, mais aussi graveur renommé s'est lui aussi intéressé aux "Désastres de la guerre", aux liens unissant humanité et animalité, aux dégradés de l'ombre et de la lumière, propices aux apparitions fantomatiques et fantastiques, un des versants du grotesque

D'autres aspects du grotesque se trouvent illustrés par le caricaturiste Daumier (1808-1879 ),
par le lithographe Odilon Redon (1840-1916) toujours aux limites de l'Inquiétante étrangeté dont parlait Freud,
ou par le peintre Belge James Ensor (1860-1949 ) dont les tableaux sarcastiques et carnavalesques montrent un monde au bord de l'effondrement , tant il est vrai que chez les Grotesques une impression de menace pèse sur la vie .



Le point ultime de cette traversée dans l'univers du Grotesque, Pierre Alechinsky, nous ramènera aux origines de ce genre.


/ Alechinsky:liens ici et + video
(A suivre)
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