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mercredi, septembre 07, 2011

Fausse conférence et vraies confidences -Journal de festival - Plamon -Sarlat





JOURNÉE SOCIÉTÉ DES AUTEURS ( Abbaye Ste -Claire )

Deux spectacles absolument antithétiques dans la même journée:
de la densité à la légèreté, de la provocation à l'émotion
avec, entre deux un Apéritif et une Assiette Périgourdine -Cf site du festival:photo du repas en plein air ici


18 h 00 UNE MORT MODERNE : LA CONFÉRENCE DU DOCTEUR STORM
Mise en lecture et interprétation de Bruno Tuchszer.
La Virgule

d’après La mort moderne , Scènes de la phase terminale de l'être humain, de Carl Henning Wijkmark (Biographie ici, fin de liste
etdes extraits , en Français et en Suédois, un entretien avec l'auteur et le traducteur )

Récit ironique à prendre au second degré,
La mort moderne , Scènes de la phase terminale de l'être humain, se présente comme un colloque
en trois journée au cours desquelles des "experts" mettent à l'étude diverses mesures pour réduire les dépenses de santé ( priorité des soins selon le statut socio-économique et le coût des retraites, pour inciter finalement à la mort consentie les personnes les plus âgées, donc les moins rentables. Un des participants à ce colloque sera le porte-parole des thèses humanistes (celles de l'auteur) en apportant des arguments - peu écoutés-opposés à ces thèses axées sur la rentabilité .
L'adaptation théâtrale ne retient que le discours du Docteur Storm et en accentue le cynisme délirant.
L'intention polémique était d'autant plus forte...à condition d'avoir saisi, d'entrée de jeu, toute l'ironie du propos .


Bruno Tuchszer, dans le rôle de l'avocat du diable, s'est montré un maître dans l'art de convaincre, jouant
au parfait conférencier pour cette causerie, présentée par le diabolique Jean-Paul Tribout comme une
"vraie conférence", et malgré leur billet de théâtre, bien des spectateurs se sont plus ou moins laissés piéger par la force de conviction du dangereux orateur, leurs réactions allant de l'acquiescement à l'incrédulité et à l'indignation .

Un débat (vrai, celui-ci) animé par un psychiatre sarladais a prolongé ce texte décapant et la question de l'euthanasie a été soulevée.




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21 h 00 LA COMMISSION CENTRALE DE L’ENFANCE
Texte et interprétation de David Lescot.
Compagnie du Kaïros




Au lendemain de la guerre, les organisations juives de France mirent en place
des
structures pour accueillir les nombreux orphelins, fils et filles de déportés
juifs, leur donner
une éducation et les insérer dans la société française. Il y eut
une cinquantaine de ces « maisons
de l’espoir » pour environ trois mille
orphelins de la Shoah. Parmi elles, les maisons communistes
sont regroupées
dans la Commission Centrale de l’Enfance. Ces colonies de vacances ont

existé jusqu’à la fin des années 80. David Lescot y a passé ses vacances d’été
et se souvient…

Ce sera donc un cabaret minimaliste, pour une voix porteuse d’autres voix,
une sorte de ballade,de revue parlée, chantée…(Programme du festival )

Spectacle léger (trop, dans tous les sens du terme, aux yeux de certains) mais
ne fallait-il pas respirer , après la force et les enjeux du texte précédent ?
Plus proche du cabaret que du théâtre, cette ballade psalmodiée ne manquait pas
de charme , ni d'humour -parfois rosse- , et visiblement, ces souvenirs de colonies,
de chansons et/ ou  d' un climat politique disparu a trouvé des échos dans le public!

Le lendemain,à Plamon la discussion a été vive, curieusement presque virulente entre
ceux qui avaient trouvé ce spectacle déplacé dans la programmation et ceux qui
l'avaient adoré .

(Photos personnelles)

David Lescot, Molière 2009 de la révélation théâtrale.
Vidéo : extrait de La Commission centrale de l'enfance
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C'était notre dernière journée...
Un bien bel anniversaire, que cette soixantième du festival...Merci aux acteurs, au sens large  du terme de cette belle aventure!
A l'an prochain!
D'autres photos , en diaporama, sur le site officiel de festival ici, via Facebook

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lundi, septembre 05, 2011

Journal de festival- Dieu, qu'ils étaient lourds !

L
Cette exclamation  clôt le spectacle mis en scène par Ludovic Longevin, à partir des entretiens 
radiophoniques  de Louis-Ferdinand Céline.
(Vidéo ici )

Avec Marc-Henri Lamande et Ludovic Longelin.
Programmation audacieuse, ainsi présentée dans la brochure du festival :


« Alors voilà, je me trouve à présent à faire un « interviouwe » dans un décor de chaise électrique… ! Mais ça ne va pas me troubler du tout, et je vais dire tout ce que j’pense et personne ne m’empêchera de parler. » Construit à partir de l’un des derniers textes de Louis-Ferdinand Céline, mort il y a cinquante ans, « Les Entretiens avec le Professeur Y », un texte âpre, et différents entretiens que l’auteur a enregistrés pour la radio dans les années 50, ce spectacle est une passionnante rencontre avec l’un des auteurs les plus marquants du XXè siècle. Céline nous parle de sa vie, de son enfance, de ses « dramatiques » prises de positions politiques mais aussi et surtout de son écriture et de ce style fameux qui bouleversa la littérature. Il explique sans manière et sans concession l’exigeant travail de l’écrivain aux prises avec son temps, ainsi que la passion et la liberté dont l’écrivain doit faire preuve pour renouveler la langue




La prestation du comédien-pianiste de formation - est d'autant  plus
 époustouflante qu'il n'a jamais écouté ces entretiens ni vu les émissions
 télévisées où Céline intervenait . 

La "simple" lecture des  écrits et la compréhension du phrasé de l'écrivain 
l'ont guidé de façon si juste que des spectateurs qui eux, avaient entendu 
et vu ces émissions croyaient vraiment entendre l'auteur du  formidable
 Voyage au bout  de la nuit  ou de l'abominable Bagatelle pour un 
massacre .

"On n'était pas dans l'imitation" expliqua-t-il à Plamon- "C'est un travail 
sur la respiration, le souffle, qui  a permis de restituer le rythme  très 
particulier  du discours  célinien, la parole de quelqu'un qui a quelque chose 
à dire -dans l'urgence ".



Sur la question de l'antisémitisme ,   l'enjeu  de cette conversation est la 
 justification 
("J'ai cru qu'à cause des juifs qu'il y aurait la guerre"
Antisémite , donc , par pacifisme ...
et aux  diverses questions posées (la guerre, l'enfance,
 le travail de l'écrivain, etc.)  le ton est celui de la sincérité, du naturel, 
de la gouaille , d'un humour féroce qui fait que l'on rit souvent .
On peut saluer sa clairvoyance  dans le regard qu'il pose sur LE Style , sa  place à venir  
dans la Littérature et sur l'emprise   décervelante des journaux et de la publicité naissante .

"C'est terrible", a déclaré un jeune spectateur à Plamon, "vous avez 
rendu à mes yeux Céline presque sympathique ..."

Là n'est pas pas le  propos de Marc-Henri Lamande et Ludovic Longelin., qui 
ont voulu restituer l'écrivain dans toute sa complexité-le comédien précise d'ailleurs qu' à entendre
  les familiers de Céline parler de lui, sympathique, il l'était sans doute-

-"Misanthrope, Céline ?
-" Déçu par l'humanité, marqué par la guerre de 14".

A  l'ultime question ( Comment qualifier les hommes ? ) posée par  Louis-Albert Zbinden 
dans l’entretien pour la Radio-Suisse Romande enregistré le 8 juillet 1957 à Meudon , 
Céline répond:
"Dieu , qu'ils étaient lourds! Lourds et épais, plus méchants que bêtes""
(et il évoque la finesse, la légèreté des dentelles  que brodait  sa mère).

 -Absolument confondant  ...

Pour  clore le spectacle, en contrepoint à cette dernière phrase qui sert de titre,  s'élève
alors l'enregistrement  d'une répétition de danse, rappelant celle donnée par  son épouse
 Lucette   Almanzor, et  qui a accompagné  ses derniers moments le jour de sa mort.

Le spectacle débutait par l'enregistrement d'une chanson chantée par Céline lui-même ,
 vaguement perçue dans le lointain,toile de fond d'un marmonnement indistinct dans la
pénombre, le discours  se précisant peu à peu avec la lumière qui perce  .
 Ludovic Longelin a expliqué ce choix de mise en scène, quelque peu  déroutant:
 "J'ai voulu montrer Céline comme quelqu'un qui apparaît, qui nous dit quelque chose,
  puis disparaît" .

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 ( Ici, la genèse du spectacle par Marco , de belles photos, et une intéressante critique littéraire .)
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samedi, septembre 03, 2011

Il Capitano Fracasse- Jardin des enfeus .Journal de festival, Sarlat


d’après Théophile Gautier
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(Brochure du festival des jeux du théâtre de Sarlat)
Texte et mise en scène : Jean-Renaud Garcia
Avec Norbert Ferrer, Albert Bourgoin, Eric Chantelauze, Emmanuel Dechartre, Marine Gay, Frédéric Guittet, Patrick Hauthier, Yvon Martin, Zoé Nonn, Marie Cuvelier, Patrick Simon…
Association EATS - ThéâtreT 
Théophile Gautier est né à Tarbes le 31 août 1811. On célèbre donc cette année le bicentenaire de sa naissance. « Le Capitaine Fracasse », édité en 1863, eut un immense succès, qui ne s’est pas démenti depuis.
En1630, sous le règne de Louis XIII, une troupe de comédiens répète un nouveau spectacle. Par une nuit d’orage, le baron de Sigognac les accueille dans son château misérable et décide de les suivre dans leurs pérégrinations et leurs aventures, prenant la place du défunt Matamore dans la troupe. Il devient alors le Capitaine Fracasse. A partir de ce roman populaire, Jean-Renaud Garcia a créé un grand divertissement de cape et d’épée où la musique, le chant et l’escrime à l’ancienne occupent une place prépondérante. Les comédiens chantent, improvisent et manient la rapière avec la rapidité impressionnante des combats de l’époque. Ils sont accompagnés par des instruments du XVIIè siècle, vielle à roue, sacqueboute, luth, théorbe, cornemuse… Une troupe de comédiens ambulants restitue la magie du théâtre de 1650.
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 Jeudi 28 juillet 2011
De tous les spectacles vus cette année, c'est, pour moi,  le plus esthétique, le mieux réglé dans l'occupation de l'espace par les 12 comédiens , dans un jeu plein d' allant  et d'  allégresse.




Une fois de plus, le jardin  des Enfeus, s'est avéré idéal pour ce genre de spectacle, baroque et chevaleresque .Idéal aussi pour  différents lieux de l'intrigue  : le coin du feu du vieux château délabré, une salle d'auberge (qui rappelle celle de Ragueneau dans Cyrano de Bergerac), un  théâtre improvisé et  des lieux indéterminés où  se passent la mort dans la neige de Matamore, son inhumation dans une fascinante descente à la verticale , un extraordinaire et poétique  duel "au ralenti".




C'est une première version du Capitaine Fracasse que Jean-Renaud Garcia a adaptée, dans l'esprit du Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand ,   en répliques alexandrines ( c'est-à dire en alexandrins  irréguliers) ce que souligne plaisamment Dame Léonarde, campée avec beaucoup de truculence par la comédienne  Claire Maurier  .

 Son époux et  metteur en scène a  simplifié  l'histoire initiale, mélodramatique et rocambolesque à souhait  pour la centrer sur la vie d'une troupe de comédiens ambulants du XVIIème siècle, à la manière du Roman comique de Scarron. Ainsi  , dans cette optique dramatique et esthétique ,  le personnage émouvant de la petite gitane Chiquita , qui sauve Isabelle des griffes de l'odieux duc de Vallombreuse a -t-il été supprimé, de même que le père de ce dernier. Le théâtre dans le théâtre s'exprime pleinement dans ce divertissement, qui a été suivi et  apprécié par  des enfants .



Au cours de la discussion à Plamon   la différence entre le théâtre de jadis et celui d'aujourd'hui a été notée :   il n'existe plus de troupes (à part , bien sûr la Comédie Française) et la compagnie EATS -Théâtre T nous donne joyeusement et  magistralement  l'illusion d'une   troupe d'autrefois  , unie dans la vie et  sur la scène .

 (ICI, de très belles photos sur le site du / Théâtre 14)

Autre différence , déjà évoquée au cours de la rencontre avec Francis Huster à propos de son Don Juan,(vidéo ici ) la disparition des "emplois", c'est-à- dire des rôles attribués systématiquement aux comédiens  et comédiennes  selon leur âge et leur physique.  Si l'on peut   regretter  la première modification  , on   se réjouira  de la  liberté acquise avec la seconde !



(Photos personnelles.)
Ci-dessous, Jean-Renaud Garcia parle avec flamme de sa mise en scène , sous le regard de Marc-Henri Lamande et de Ludovic Longelin , l' acteur et le metteur en scène de Dieu, qu'ils étaient lourds, d'après Louis-Ferdinand  Céline . (le vendredi 29 juillet )




jeudi, septembre 01, 2011

Derniers remords avant l'oubli , J.L.lagarce -Journal de Festival- Sarlat

Sarlat , 27 juillet 2011
Belle découverte, pour moi, d'une pièce  de Jean-Luc Lagarce   transférée des  Enfeus au centre culturel Paul Eluard, à cause de la météo incertaine.

Le matin, la "metteuse en scène", Julie Deliquet  (la formule est de  J. P. Tribout) en avait présenté le sujet :(vidéo ici)
 Elle avait précisé  son intérêt et celui du Collectif in Vitro pour le contexte de l' intrigue : que sont devenues les utopies de mai 68 à travers les personnages de Pierre ( l'intellectuel "' rentré dans le rang" ), de Paul (le conciliateur dépassé) et d'Hélène (l'ex amante qui ne veut plus" se taire ni  sourire" )?

Et voici ce que dit  brochure du Festival  des jeux du théâtre   :
"L’action se passe de nos jours, un dimanche, à la campagne, dans la maison, vestige d’un amour vécu à trois, qu’habite aujourd’hui Pierre, seul, et qu’habitèrent, par le passé, avec lui, Hélène et Paul. Ceux-ci se sont mariés, séparément, ailleurs. Aujourd’hui, ils reviennent, embarrassés, avec leurs nouvelles familles, pour débattre de la vente de cette maison, achetée en commun, quelques années auparavant : Hélène a besoin d’argent. Ensemble, ils vont revenir sur leurs traces…"




Les non-dits, silences, rancoeurs vont brouiller les échanges,  brouiller les pistes et dans ce huis-clos, le langage  devient un élément essentiel de l'action, comme chez  Nathalie Sarraute , dans Tropismes .
C'est une sorte de  puzzle qu'il faut reconstituer et dont le spectateur n'a pas les réponses: cette scène de règlement de comptes   n'a -t-elle pas déjà eu lieu  ?("Nous nous sommes déjà rencontrés, n'est-ce pas "demande Anne ) Ne pourrait-elle pas recommencer? Quel  secret concerne la fille aînée d'Hélène "différente", de la cadette, "plus fragile"?
Quant à la fille cadette ("l'ado de service") très bien jouée par  Annabelle Simon   elle est  en quelque sorte  le témoin de cette histoire  et incarne la génération suivante, loin de l'esprit de mai 68.




J'ai aimé la  façon d' impliquer le spectateur-voyeur  dans le conflit et d'en suggérer le  ressassement  car   la pièce commence en pleine lumière, comme si  tous les conflits pouvaient se régler dans la clarté, puis tout s'obscurcit, et quand  tous partent,brisés,  c'est de nouveau sous l'éclairage cru  du début. Sentiments de gêne, de distanciation, de comique et de pathétique  se mêlent tout au long de la pièce. On rit beaucoup, malgré ou à cause des faux-semblants des uns et des autres .




La comédienne  Agnès Ramy jouait l'an dernier à Sarlat  une sémillante  môme crevette dans La dame de Chez Maxim de Feydeau,(article perso) cette année, dans le rôle d'Anne, fragile , perdue entre le rire nerveux et les larmes, elle est passée (toujours selon la formule de J.P. Tribout) du statut de "maîtresse" à celui d'"épouse".



Le lendemain de la représentation, les éloges ont été nombreux et les explications de Julie Deliquet ont accru , pour moi, l'intérêt de ce spectacle.(Vidéo)

-Le texte comprend trois scènes ponctuées de points de suspension qui sont devenues trois plans-séquences présent
/passé/ futur.
-"La maison est bâchée (le sol ,  voir photos) comme si elle était inoccupée, ou en transit.
- Aucune didascalie dans le texte de Lagarce . Les adresses (C'est--à dire les mentions indiquant qui l'on parle) changent , au cours des représentations, au gré des comédiens , ce qui les  fragilise,les  met en difficulté. Chaque acteur est à la merci de son partenaire, et  ces choses qui reviennent, toujours pareil, il va les transformer. Il en est de même pour les placements autour de la table, d'où une marge de hasard, de risque."


Cette  dernière précision sur la   mise en scène m'a d'autant plus  impressionnée que  le résultat était  tout à fait convaincant.



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Le spectacle suivant -que je n'ai pas vu-et qui a  plu, s'intitulait "Jupe courte et conséquences"
avec Stéphanie Caillol et Hervé Devolder (à gauche sur la photo) dans une mise en scène de ce dernier .




mardi, août 30, 2011

"Révolvériser "Dom Juan ? - Journal de Festival-Sarlat-Plamon


http://culturebox.france3.fr/all/38461/francis-huster-et-francis-perrin-jouent-dom-juan-a-sarlat#/all/38461/francis-huster-et-francis-perrin-jouent-dom-juan-a-sarlat

- Tête d'affiche, comme l'an dernier, à Sarlat pour La traversée de Paris ( accueilli diversement) Francis Huster a joué et  mis en scène le Don Juan de Molière,sur la place de la Liberté,avec Francis Perrin dans le rôle de Sganarelle.


"La scène est  en Sicile"indique  le texte de Molière.

 Est-ce ce détail qui a conduit Francis Huster à  faire de  Dom Juan une sorte de  gangster, protégé par ses gardes du corps revolver en mains, menacé par les frères d'Elvire qui , aux codes de l'honneur aristocratique du XVII ème sièclel ont substitué les  lois de la mafia ?

"Un grand seigneur méchant homme est une terrible chose", déclare Sganarelle.
 Ici,  Dom Juan  se montre d'une noirceur qui n'autorise aucune sympathie, plus voyou  que grand seigneur, lorsqu'il impose ses baisers sur la bouche à Monsieur Dimanche et à son propre père, Dom louis !(Prodigieux Simon Eine). C'est comme si Francis Huster  voulait  dégoûter  le  spectateur de  toute  velléité de libertinage.
Certes ce parti-pris de ne pas "rendre le vice aimable"   se  défend, mais on peut préférer une vision plus ambivalente , plus  nuancée du personnage-titre; on peut regretter aussi qu' une certaine violence dans le ton n'ait pas assez valorisé les enjeux de  la tirade de l'hypocrisie.



En revanche, les nuances caractérisent le jeu de Francis Perrin, qui campe un Sganarelle d'une grande humanité.
Belle trouvaille, que  cette manière de faire participer le public , à  la scène 2 de l'acte V à  son raisonnement":
**Sachez, Monsieur, que tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l'homme est en ce monde ainsi que l'oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l'arbre ; qui s'attache à l'arbre suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles paroles ; les belles paroles se trouvent à la cour ; à la cour sont les courtisans  , l'âme est ce qui nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort nous fait penser au Ciel ; le Ciel est
au-dessus de la terre ; la terre n'est point la mer ; la mer est sujette aux orages "  etc


Une idée personnelle, a-t-il précisé le lendemain, qui ne relève pas du simple  gag, mais qui manifeste le besoin de Sganarelle de se voir soutenu,  conforté dans sa "logique" .






Pièce plus baroque que classique, avec ses  lieux variés et ses ruptures de ton, cette  comédie fait se succéder différentes "scènes", très attendues, et dont le spectateur se demande  comment elles seront  jouées, dans cette mise en scène qui se veut un hommage à Louis Jouvet :


-La première intervention d'Elvire est illustrée par une invention scénique judicieuse: cynique et goujat, Dom Juan donne à lire à  Sganarelle sa fin de non -recevoir l' amante abandonnée qui .
rampait  et  s'offrait  sur la longue table du décor . A l'acte IV,Elvire  sera entièrement nue .


-Les  scènes des paysannes  sont joliment traitées,  particulièrement celle avec Charlotte : amusants,  les vestons sur cintres du maître et du valet devenus capes de matador  virevoltant autour des naïves jeunes filles . La robe de Charlotte , légère comme un plumage d'oiseau insiste plus sur la séduction que sur la dimension sociale de l'épisode .
(Vidéo  )


-La scène du pauvre présente un  jeune aveugle  encapuchonné -de notre époque,(qui,  au moment des saluts   sera un  talentueux danseur de hip hop .). Cette innovation ( la cécité ) donne de la force  au passage:avec la lumière intérieure de la foi, le pauvre est le premier à imposer une défaite au grand seigneur,à la merci  des revolvers des frères d'Elvire dans la scène suivante


-La scène où la   statue du Commandeur convoque dom Juan à dîner remporte la palme  de la modernisation: Dom Juan reçoit de lui...un texto !


-Au dénouement, à  la place de la statue du commandeur, La mort  s'avance , venue du haut de la rue   Fénelon  et tend la main vers le libertin avec  des allures de sirène,  mélange pertinent d' Eros et de Thanatos ..



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-Le lendemain  à Plamon, ce fut un bonheur et un honneur  de retrouver la troupe  et, bien sûr , Francis Huster qui a développé et justifié ses choix de mise  en scène devant le  public, venu  nombreux l'écouter et ...le photographier.


Des questions ont fusé:

-Pourquoi des costumes modernes ?
-En quoi votre mise en scène est-elle un hommage à Louis Jouvet ?
-Pourquoi Elvire sur la table ? Pourquoi sa nudité ?
-Pourquoi ne voit-on pas la statue du Commandeur ?

Le metteur en scène y a répondu avec fougue, et c'était une sorte de deuxième spectacle, après celui de la veille:



S'appuyant sur l'histoire du théâtre , Francis Huster a soutenu que les classiques nous parlaient actuellement et  qu'il fallait les jouer en costumes modernes, tout comme les tragédiens au XVIIème siècle incarnaient les Romains en costumes de leur époque- ce n'est qu'au XIX ème siècle, avec l'innovation  révolutionnaire de Talma que l'on a joué les personnages de l'Antiquité en toge ...et que l'habitude en est restée, devenant la norme.

Pour la deuxième question, rappelons le projet initial de F. Huster voulant jouer la pièce" comme Jouvet en 2011 l'aurait peut-être rêvée" (CF.  le programme de festival):

La Troupe de France rend hommage à Louis Jouvet, à l’occasion du 60ème anniversaire de sa mort. Ce « Dom Juan » 2011 commence donc en 1951 en Avignon, en pleine répétition du festival. Les comédiens, en costume de ville, apprennent par la radio, qui interrompt son direct du Tour de France, que Louis Jouvet est mort. Bouleversés, Jean Vilar et les siens décident de monter son Dom Juan. C’est une jeune troupe qui va relever le défi de jouer la pièce, mais l’acteur qui interprète le rôle-titre endosse, à la fin, le véritable costume porté par Jouvet lui-même, ce sublime costume du 4ème acte, blanc à collerette, un véritable défi à la Mort. Car, à Jean Vilar qui lui proposait, au cours d’une répétition au Théâtre Antoine d’une œuvre de Sartre, de venir jouer un jour, au Festival d’Avignon, le Dom Juan de Molière, Jouvet, déjà très fatigué, mais pince-sans-rire, répliqua, livide : « Oui, je viendrai, quand je serai mort ». Et il est mort d’un infarctus quelques semaines plus tard, en août, dans son bureau du théâtre de l’Athénée.




Pour répondre, F. Huster a fait  un parallèle entre  la conception du   foot, qui a évolué depuis  les années 50, 60 , et celle du théâtre :l'un et l'autre  met  ses joueurs sur le même plan, sans favoriser les premiers rôles au détriment des rôles secondaires .


"Si Elvire est sur la table, c'est que le sous -titre de Don Juan est Le festin de pierre et qu'elle va être bouffée (sic). Elle est nue, à l'acte IV, comme les premières chrétiennes, seule face à Dom Juan, sa famille, ses frères ne comptent plus
"Quant à la statue du Commandeur, il ne  faut pas la monter: le spectateur n'est pas naïf".


Malgré certaines réserves, j'ai trouvé cette programmation et cette rencontre intéressantes .

"Le théâtre, c'est un domaine où les êtres et les choses touchent enfin à la liberté" Louis Jouvet

(Photos personnelles )
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*DON JUAN, à Sganarelle

Il n’y a plus de honte maintenant à cela : l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure et chacun a la liberté de les attaquer hautement, mais l’hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les jette tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se sont fait un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? On a beau savoir leurs intrigues et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du Ciel, et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.
Extrait de la scène 2 de l'acte V de Dom Juan - Molière

Sganarelle :
**O Ciel ! qu'entends-je ici ? Il ne vous manquait plus que d'être hypocrite
pour vous achever de tout point, et voilà le comble des abominations. Monsieur, cette
dernière-ci m'emporte et je ne puis m'empêcher de parler. Faites-moi tout ce qu'il vous plaira,
battez-moi, assommez-moi de coups, tuez-moi, si vous voulez : il faut que je décharge mon
coeur, et qu'en valet fidèle je vous dise ce que je dois. Sachez, Monsieur, que tant va la cruche
à l'eau qu'enfin elle se brise ; et comme dit fort bien cet auteur que je ne connais pas, l'homme
est en ce monde ainsi que l'oiseau sur la branche ; la branche est attachée à l'arbre ; qui
s'attache à l'arbre suit de bons préceptes ; les bons préceptes valent mieux que les belles
paroles ; les belles paroles se trouvent à la cour ; à la cour sont les courtisans ; les courtisans
suivent la mode ; la mode vient de la fantaisie ; la fantaisie est une faculté de l'âme ; l'âme est
ce qui nous donne la vie ; la vie finit par la mort ; la mort nous fait penser au Ciel ; le Ciel est
au-dessus de la terre ; la terre n'est point la mer ; la mer est sujette aux orages ; les orages
tourmentent les vaisseaux ; les vaisseaux ont besoin d'un bon pilote ; un bon pilote a de la
prudence ; la prudence n'est point dans les jeunes gens ; les jeunes gens doivent obéissance
aux vieux ; les vieux aiment les richesses ; les richesses font les riches ; les riches ne sont pas
pauvres ; les pauvres ont de la nécessité ; nécessité n'a point de loi ; qui n'a point de loi vit en
bête brute ; et par conséquent, vous serez damné à tous les diables.


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samedi, août 27, 2011

Journal de festival -Plamon -Sarlat; L'or

/Brochure du festival:
Ecrite en 1925 par l’écrivain français d’origine suisse, disparu il y a cinquante ans, l’œuvre raconte « la merveilleuse histoire du général Johann August Suter ». Un beau jour de 1834, celui-ci quitte femme et enfants pour traverser l’Atlantique et le sauvage continent américain, et s’installer en Californie, qui, à l’époque, est une province de la République de Mexico, pays à peine exploré. Ayant recruté des esclaves canaques des îles Sandwich, et avec une poignée d’aventuriers blancs, il y crée un immense domaine : « La nouvelle Helvétie » dont il tire des profits fabuleux. En janvier 1848, il est le roi d’un petit état, lorsqu’un ouvrier, d’un coup de pioche, découvre un gisement d’or sur ses terres. …


Joué au jardin des Enfeus, L'or, d'après  le roman de Blaise Cendrars , adapté par Xavier Simonin a reçu  à Plamon de nombreux compliments,comme celui ci:" J'ai reconnu dans ce spectacle, l'Amérique que j'aime, pas celle des Mac Do, celle des grands espaces et des rêves"
Cependant, il y eut une  réserve émanant d'un tout petit garçon: "Parfois, avec  l'harmonica , on n'entendait pas très bien les voix les voix " .Et le metteur en scène d'expliquer la difficulté des réglages en plein air....Ce sont les aléas du spectacle vivant.

Le point de départ de cette adaptation ? Le cadeau offert par J.P. Tribout à Xavier Simonin, un soir de générale-  comme le veut la tradition-en l'occurrence, c'était  le roman L'or  de Blaise Cendrars dont le retentissement en lui l'a amené à  une collaboration musicale avec Jean-Jacques Mitteau ."On a tous en mémoire, dans l'oreille , l' harmonica dans les films".L'affiche, et la structure installée au milieu du plateau évoquent cet harmonica, un lingot d'or, un rail ...ou "tout ce que vous voulez". ..Une virgule, pourquoi pas ?

A la question, êtes-vous toujours habité par votre personnage? le comédien a  très justement répondu:"'l'essentiel, ce n'est pas d'être habité par Sutter, mais par Cendrars" .
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Plamon -24 Juillet 





Video ici (théâtre Daniel Sorano, Vincennesennes )

jeudi, août 25, 2011

Journal de la 60ème du Festival des jeux du théâtre de Sarlat - Madame Raymonde +Shake



(Liens en gris)
Plamon
Beaucoup d'éloges sur le spectacle de Denis d'Arcangelo, Madame Raymonde exagère.(Extrait video ici)

Né d'une rencontre avec Arletty,(lien) le personnage de Madame Raymonde, un composé de  Betty Boop et de Pauline Carton (!) fait partie d'une série  - tout comme les aventures de Tintin- et permet à Denis d'Arcangelo , accompagné de son accordéoniste, le Zèbre, de" faire son tour de chant", ce qui serait inconcevable sans ce prétexte ! (dixit D.  D'A. )
Ce n'est pas un spectacle de travesti ("au demeurant respectable", précise Denis D'.), mais d'acteur, et" être déguisé en femme n'est pas plus étrange que porter une perruque Louis XIV ou se promener dans les rues de Sarlat en hallebardier" .
Aussi le chanteur -comédien n'a -t-il pas eu droit, à la fin du spectacle, au traditionnel bouquet de fleurs offert aux comédiennes !

Ici, un extrait du célébrissime Hôtel du Nord ou Arletty - dans le personnage de Raymonde prononce avec gouaille sa  non moins célèbre réplique ...................................................................................................
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Plamon
La comédie des erreurs , Shakespeare

"Pourquoi", demande un jeune  habitué des rencontres de Plamon," les mises en scène de Shakespeare  à Sarlat, sont-elles toujours déjantées" ? 
Serait-ce  parce que dans Shakespeare , il y a shake et que ça secoue ?

Cette oeuvre de jeunesse de William Shakespeare ,(1593-1594) inspirée des Ménechmes et de l'Amphitryon de Plaute ,est souvent étudiée et montées  dans les classes en Angleterre comme introduction à des oeuvres plus difficiles . C'est ainsi que Dan Jemmet l'a découverte , avec La Nuit des Rois  dans les années 85, sur fond de musiques de l'époque, que l'on retrouve en clin d'oeil dans sa mise en scène.

Les thèmes de la gémelléité , du double, du dédoublement  sont  soutenus par  5 acteurs pour jouer 12 personnages. Sachant que les deux  jumeaux-maîtres et les deux jumeaux -valets sont incarnés chacun par le même acteur (David Ayala pour le premier couple et Vincent Berger pour le second ) et que le rôle du vieux père est incarné par une jeune femme , les "petites cellules grises" du spectateurs sont constamment en éveil dans des mises en abyme complexes, oscillant entre tragédie et comédie burlesque . J'ai aimé ce mélange, l'excellence des comédiennes , l'abattage  des acteurs sosies , une scène délirante avec un   jeu effréné de part et d'autre de la porte et la révélation finale où les doubles, face au public se découvrent et se reconnaissent alternativement avec surprise et émerveillement  dans un mime lent, extraordinairement  poétique.

L'intérêt  de Dan Jemmet pour les petites cabanes l'a amené à utiliser pour son décor quatre  WC publics  (de marque allemande, le détail a son importance car au dernier acte un docteur-magicien équipé  d'une balayette surgira de l'une d'elle ,tel un deus ex machina en baragouinant de l'allemand)
-A lot of bathroom jokes ?
Quatre cabines, dont trois évoquent les 3 lieux de l'action et qui servent aux changements de costumes ,  de personnages propices aux multiples quiproquos, j'ai trouvé , finalement , ce  choix judicieux .


L'esthétique kitsch , l'humour de mauvais goût  sont  revendiqués par le metteur en scène qui a voulu situer  cette comédie à l'arrière d'une fête foraine minable, où l'on boit beaucoup de bière, ceci pour  valoriser le style comédie de "tréteaux"ou encore  le ton de la  de farce médiévale. Personnellement , je n'ai pas été convaincue par ces  intermèdes  ponctués de musique des années 85 où les personnages buvaient et jetaient leur canettes sur le gazon-bien que D .J considère  cela  comme son " fil directeur", j' 'ai trouvé que  cet effet  était  artificiel et que  le rythme en souffrait.

-Au fait , pourquoi du gazon ?
- "Je ne sais pas...peut-être parce que cela fait Anglais ".


 Conclusion: une bonne soirée, malgré ces réserves .Le thème du double est fort bien traité, avec une progression et des nuances tragi-comiques,  dans l'esprit du théâtre élisabéthain.

mercredi, août 24, 2011

Eclats de vie, Jacques Weber- Journal de Festival


"Et ..(un temps ).. .que faudrait-il faire ?"

Ce temps d'hésitation, émane -t-il du personnage de *Cyrano, ou du comédien Jacques Weber,seul  sur scène à Sarlat au centre culturel Paul Eluard, la météo  n'ayant pas permis de jouer Place de la liberté.
Quoi qu'il en soit, ce léger creux, les spectateurs l'ont comblé par leurs chaleureux applaudissements, saluant la carrière du grand comédien, surpris -"A Avignon, ils n' m'applaudissent pas comme cela !", ému ,enjoué  qui a ensuite enchaîné la* tirade  d'Edmond Rostand.

Le ton était donné: les textes de ce spectacle en constante évolution depuis 40 ans, Jacques Weber se les approprie par l'intonation, la diction, le souffle, d'une telle manière que l'on se demande si c'est lui ou Courteline qui raconte la  mésaventure burlesque  d'un pensionnaire allergique à la tête de veau, lui ou Maïakovski qui crie "maman" et "Maria!"! lui ou Boris Vian qui clame"Je voudrais pas crever!"
Exercice difficile que ce montage de** textes et de citations  où l'on pourrait simplement chercher à identifier les auteurs -non cités-mais le spectateur est vite emporté par la conviction , la présence de celui qui a joué Cyrano plus de 6OO fois et qui pense que ce personnage plaît non seulement pour son panache, mais pour sa  dualité , voire sa duplicité.

Comique et tragique alternent: terrible,  l'article de Marguerite Duras, le coupeur d'eau, désopilants, le sketch de Raymond Devos , "Dédoublement de personnalité"écrit pour l'acteur , hilarant le jeu commenté de la fable de la Fontaine," le corbeau et le renard",émouvant un poème composé par lui après la marée noire en Bretagne.

Pour remplacer la rencontre du lendemain, à Plamon à laquelle il ne pouvait pas participer, Jacques Weber a eu la générosité d'offrir au public un dialogue d'une demi-heure, répondant avec chaleur  et humour aux  questions sur le spectacle, sa carrière, ses goûts en matière de poésie: à ses yeux, "le plus beau vers de la langue française"-pour paraphraser René de Obaldia-au-delà des classements, qu'il n'aime pas, est le vers racinien, le vers  de Phèdre-et son rêve serait de dire le récit  deThéramène.

Si nous n'avons pas pu  bénéficier du cadre de la place de la liberté ce mercredi 20 juillet 2011 à cause du mauvais temps ,nous y avons incontestablement gagné en proximité et intimité. 


*"Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci. D'une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir un encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans les cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ?
Etre terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : "Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ?"...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu'un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, -ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

**Textes :Artaud , Bernard, Brecht ,Boulgakov, Claudel ,Courteline, Corneille, Devos ,Duras, Flaubert, La Fontaine, Maikovski, Molière ,Musset, Pagnol, Rimbaud, Rostand, Vian, Weber ...
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N B ;Les liens sont en  gris, pas très visibles  MAIS ne manquez pas la vidéo de la fable de la Fontaine , ici

Home, sweet home

Au musée de Vire, une exposition très intéressante " invite à s'interroger sur la séparation des sphères privées et publiques, du...