Vendredi 6 avril 2012, à la médiathèque, Maylis de Kérangal a répondu aux questions de Pascale Navet avec une gentillesse et un naturel qui n'excluaient nullement la rigueur.
Dans l'après-midi, elle avait rencontré des lycéens de seconde qui , avec leur professeur avaient travaillé sur le projet"Ecrire avec, lire pour", cette demande de collaboration est parmi celles qu'elle privilégie.
Editrice pour la jeunesse, elle a également écrit un livre "un peu spécial" aux illustrations très douces, Nina et les oreillers, "qui aurait dû être co- signé à deux" car nous confie-t-elle , le véritable auteur est sa fille qui un beau jour a eu cette idée géniale "depuis que j'ai un nouveau matelas, je fais des rêves nouveaux"
Trois romans , de 2000 à 2008 ( Je marche sous un ciel de traîne, La vie voyageuse, Corniche Kennedy) un ouvrage collectif sur Les Femmes et le sport plus un recueil de nouvelles ( ni fleurs ni couronnes) ont précédé le très remarqué Naissance d'un pont, couronné en 2010 par le Prix Médicis, qualifié de "roman-fleuve à l'américaine" .
A la question de Pascale:"Y a -t-il un point commun entre ces différents romans et le dernier, "Tangente vers l'Est" , Maylis de Kérangal parle de son "besoin de maîtriser l'espace pour écrire", de la différence de son utilisation littéraire dans les premiers, où les lieux- lieux du passé- servent de cadre et les suivants où ce sont les lieux qui conduisent le récit.
Dans les deux cas, sa relation à la géographie est essentielle.
Elle met en scène de façon récurrente, un personnage qui rêve de prendre la fuite. Ce qui l'intéresse dans ce type, ce n'est pas" le fait de se dérober, mais la ligne d'imaginaire, les points de fuite qui se déroulent ,comme dans l'architecture".
Autre différence:" la traçabilité biographique", perceptible du moins pour les proches de l'auteur, disparaît à partir de Ni fleurs, ni couronnes .
Si autoportrait il y a , déclare-elle, " c'est sans correspondance factuelle: je suis un peu dans tous mes personnages, actions ou faits"
Pascale Navet a souligné cette "écriture alerte, incisive, reconnaissable comme les premières mesures d'une chanson", et a enchaîné sur le défi qu'a représenté Naissance d'un Pont .
Bien que née au Havre, à l'ombre des ponts de Tancarville et de Normandie, Maylis de Kérangal précise qu'elle était la personne la moins indiquée, la moins armée pour parler architecture, béton, travaux publics.
Il lui a fallu se plonger dans une énorme documentation qui,une fois assimilée, maîtrisée, a pu devenir langue poétique et épopée.
Son désir de vivre l'aventure l'a menée jusqu' au pont de San Francisco. Les récits de sa construction et les mythes amérindiens amalgamés à d'autres histoires de ponts
ont indirectement nourri son propos: "Pourquoi un pont ? Comment, de deux entités, de deux paysages , un troisième paysage peut-il naître?
De ce rapport dialectique,de cette tension découle la construction du livre: de petits chapitres non numérotés, qui suivent la construction du pont et au milieu desquels apparaît un moment non linéaire, le récit mythique de la ville de Coca.
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Autre défi pour son dernier ouvrage,
"Tangente vers l'Est"
qui correspond à une commande
A l'origine, un voyage organisé en 2010 pour l'année France- Russie par le transsibérien -auquel étaient invités plusieurs écrivains.
De son journal de bord, Maylis de Kérangal, à la demande de France culture, a tiré la matière d'une série d'émissions en 5 heures et demie de temps radiophonique diffusées du lundi au vendredi.
qui correspond à une commande
A l'origine, un voyage organisé en 2010 pour l'année France- Russie par le transsibérien -auquel étaient invités plusieurs écrivains.
De son journal de bord, Maylis de Kérangal, à la demande de France culture, a tiré la matière d'une série d'émissions en 5 heures et demie de temps radiophonique diffusées du lundi au vendredi.
Puis, un an après, à partir de ce texte écrit pour être lu de sa propre voix, elle a composé un court roman construit selon un parallèle qui crée une tension:
Kaliocha, un jeune conscrit russe qui échafaude un plan avec ses camarades pour échapper à l'armée rencontre Hélène, qui elle, veut échapper à son compagnon.
P. N.-"Le rythme du récit adopte celui du train. C'est comme les battements d'un coeur"
M de K -"Le transsibérien est un train assez lent (60 Km à l'heure) , c'est un rythme inexorable, mais lent. On éprouve de l'engourdissement , un vertige monotone.
C'est une expérience spatio- temporelle particulière , je n'aurais pas écrit ce texte sans avoir fait ce voyage"
Page 32 : « Aliocha
est là en bonne place qui croise les bras sur son tee-shirt, et rit lui
aussi, un rire forcé, râpeux dans sa gorge serrée. Il n’a rien enfilé
avant de descendre, n’a pas même pris son sac de peur d’attirer
l’attention, il est le plus léger possible, rien dans les mains, rien
dans les poches, délesté de tout ce qui lui donnerait un nom – a plié la
photo de sa mère au fond de sa chaussure – mais pourvu d’un téléphone
portable, d’un chargeur et de cent roubles ; le jeune conscrit désespéré
n’existe plus, c’est un autre homme. »
Le paysage, lui, défile. Jour, nuit. La forêt russe à perte de vue. Et ce train, imperturbable.
Page 45 : « [...] la
forêt se dresse dans la lumière rasante du premier jour, et c’est
encore la même forêt, les mêmes arbres élancés, les mêmes, fûts orangés,
une forêt identique à ce point à elle-même c’est à devenir dingue, on
aura beau apercevoir une rivière qui sourd sous la glace, des buissons
de fleurs pâles, de la neige en plaques marronnasses le long de la piste
boueuse, des toits, des palissades, c’est la même forêt, encore et
encore, non plus l’océan mais la peau de la Terre, l’épiderme de la
Russie, les griffes et la soie [...] »
http://www.nrblog.fr/quatrieme-de-couv/2012/01/19/prendre-la-tangente-avec-maylis-de-kerangal/
http://www.nrblog.fr/quatrieme-de-couv/2012/01/19/prendre-la-tangente-avec-maylis-de-kerangal/
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M. S.
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A écouter:
Et toi ce pourrait être : "rencontrer et rendre compte"...
RépondreSupprimerUne phrase qui dit tout < les rêves et le matelas > une illumination.
De toutes mes petites recherches je ne tirerai pas un roman, je les oublie aussitôt ! Hélas ! Je pensais / le Titanic à mes petits voyages lorsque j'étais enfant. Des sensations fugitives, des souvenirs fugaces dont je ne tirerai jamais rien... Il faut être conteur pour raconter...
"le baron perché" me semble une bien belle édition. "Comment parler politique aux enfants" semble, bien à propos, s'adresser directement à moi... :-)
RépondreSupprimerFormidable ta présentation, on n'a qu'une envie: se plonger dans l'univers de Maylis de Kérangal.
Cergie: Tu aurais adoré la manière dont Maylis a parlé de ce livre "d'enfants" et non pour enfants !
RépondreSupprimerQuand ma fille était petite j'ai eu envie de créer une histoire à partir de nos deux ombres -C'est resté une simple idée en l'air.
Thérèse: cela en vaut la peine!(Même si de prime abord pénétrer dans l'univers de "Naissance d'un pont" est difficile au début.
Comme tu parles bien de ce que tu aimes. Tu as l'art de rendre la lecture passionnante, moi qui ne suis pas passionnée par cela.Mon problème à moi : comment savoir si un livre va me plaire avant de l'acheter.
RépondreSupprimerJe pense que je préfère écrire avec mes mots à moi et lire pour dormir.
Un petit coucou rapide je repasse (sans fer à..) pour lire...
RépondreSupprimerA +
J'aime beaucoup ton billet ! Moi qui étais à tes côtés ce jour-là et j'adhère tout à fait à ce que tu écris là ! Maylis est une femme charmante, simple qui a répondu à mes questions à la fin de l'interview avec beaucoup de gentillesse. Je lui ai dit que je me suis reprise à deux fois pour lire "son pont" et "tout de go" elle m'a répondu : "c'est normal et cela ne m'étonne pas, j'ai eu aussi des difficultés pour écrire cela et je voulais que ce soit juste, je me suis énormément documenté..."
RépondreSupprimerUne belle rencontre !
Bravo à toi de nous en avoir écrit un beau reportage !
J'ai commencé son dernier !
Et tout cela tes bien documenté, selon ta coutume!!!
RépondreSupprimerPetite note d'humour:
Faire publier ses premiers romans "aux éditions Verticales", franchement j'aurais hésité à cause du célèbre "rangement verticale" (qui veut littéralement dire mis à la poubelle)...lol
Bonne journée A + :))
Enitram: tu me feras part de tes impressions de lecture ? !
RépondreSupprimerDaniel:Je retiendrai cette expression!
Je passe vite, vite ! Mon message s'est publié tout seul : je l'ai repoussé, repoussé mais me suis faite avoir par la machine du temps ! Il n'était même pas fini, tant pis !
RépondreSupprimerLe roman de Paasilinna est intéressant mais qu'apporte-t-il / la majesté des mouches, Vendredi ou les Limbes du Pacifiques etc ?
Il est résolument optimiste.
Tu verra le bestial serviteur est très drôle. A chaque roman : un événement vient changer le cours d'une vie...
Ah non aucune difficulté de me plonger dans "Naissance d'un pont" seulement le manque de temps pour continuer... cela m'intéresse d'autant plus que...
RépondreSupprimer...que tu dois bien connaître ce pont de S F ?
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