"Un fait qui honore singulièrement le collège de saint-lô, c'est qu'un des ses élèves, le jeune Octave Feuillet, étant entré au collège de Louis -Le-Grand , au mois d'octobre 1835 dans la classe de 4 ème, a non seulement eu de brillants résultats dans cette classe, mais qu'admis au concours général des collèges royaux de Paris et de Versailles, il y a obtenu le 1er prix de thème grec, le 5ème accessit de version grecque et le 6ème de version latine"in Annuaire du Département de la Manche. Neuvième année (1837)
Cet élève brillant, destiné par son père à la carrière du Droit préféra se lancer dans la littérature. Il écrivit pour le théâtre (sa première pièce fut représentée au théâtre de l'Odéon en 1845 ) et collabora à la Revue des deux Mondes. Il fut aussi un auteur pour la jeunesse, dont Hetzel édita en 1846 , Polichinelle, sa vie et ses aventures.
Le groupe des amis des Musées municipaux travaillant sur Octave Feuillet a pu admirer cette magnifique reliure (et les suivantes) grâce au Conservateur des Archives départementales , M. Gilles Désiré dit Gosset, qui avait aimablement organisé une visite du fonds Feuillet.
1856Le Village.
Valérie Feuillet évoque cette nouvelle dans Quelques années De Ma Vie (Chapitre XIV):"Mon mari travaillait avec ardeur dans sa chambre d'étudiant. (...) Il nous lisait toutes ses oeuvres, à ma mère et à moi, avant de les livrer à la Revue Des Deux Mondes. (...) Il aimait lire devant ma mère dont l'âme exaltée était pour lui un soutien . Quelquefois, son père le décourageait cruellement . Je me souviens qu'il fut mécontent du Village et qu'il voulut lui faire brûler le manuscrit. Cette nouvelle charmante ne dut sa vie qu'à ma mère et à moi; nous combattîmes énergiquement toutes les deux l'inconcevable jugement de M. Feuillet"
Détail amusant, cette nouvelle fut inspirée par Saint-Sauveur le Vicomte, ville natale de Jules Barbey d'Aurevilly, qui lui aussi souligna le charme profond de cette bourgade,"jolie comme une bourgade écossaise".
Or, le même Barbey épingle Octave dans ses Quarante médaillons de l'Académie, corrigeant ainsi son surnom : "On a spirituellement appelé M. Octave Feuillet « le petit Musset des familles. » C’est toujours joli. Comme nous sommes en progrès, M. Feuillet est le Berquin de ce temps progressif. "
Cette nouvelle, aimée entre toutes par son auteur , alimentera en lui un fantasme : celui d'une vie idyllique , loin des soucis littéraires et mondains. En voici un exemple:
"Les répétitions du Sphinx (1874) causèrent de grandes agitations à mon mari, des agitations plus grandes que tutes celles qu'il avait traversées jusqu'alors traversées dans sa carrière théâtrale"
Le motif ? Les disputes incessantes entre les deux étoiles, Croizette et Sarah (Bernardt)
"Enfin le pauvre homme me revenait chaque soir avec la fièvre, rêvant de lointaines solitudes, sans bruit et sans actrices surtout ; 'Ah! me disait-il, après avoir revêtu sa robe de chambre et s'être étendu devant un bon feu : Si tu savais quelle idée charmante je me fais d'un petit village, d'un toit de berger, d'un bon repas avec un vieux curé!"
"Le vieux curé était loin" conclut Valérie Feuillet dans le Chapitre XV de Souvenirs et Correspondances .
Le Roman d'un jeune homme pauvre, 1858
1858Le roman d’un jeune homme pauvre, (Ecoutez-en un extrait ici, lecture en ligne là ) fut un grand succès et donna lieu à une adaptation théâtrale.
Deux avis littéraires très contrastés:
- celui de George Sand, dans une lettre écrite à Nohant, adressée à l'auteur et reproduite par Valérie Feuillet (Chapitre XVIII de Quelques années de ma vie):
"Vivant souvent loin de Paris, je n'ai pu voir le Roman d'un jeune homme pauvre, mais j'ai fait venir la pièce et je l'ai lue à un ancien ami de vous qui est le mien depuis dix ans .Après cela , nous avons parlé de la pièce et de vous, et j'ai voulu lire aussi plusieurs de vos proverbes ravissants qui m'avaient échappé. (...) On lit si bien à la campagne , l'hiver, dans la vieille maison pleine de souvenirs, au milieu de toutes ces choses et le coeur plein de tous ces sentiments que vous peignez avec tant de charme et de tendre délicatesse!"
- et celui de Barbey, dans les Quarante médaillons de l'Académie, cité plus haut:
" Ses romans, qu’il retourne en pièces de théâtre, comme les gens qui ne sont pas riches retournent leur habit pour s’en faire deux, sont d’une conception très-médiocre, d’une observation superficielle et d’une morale ambiguë, qui n’est ni catholique ni stoïcienne, et qui tient ce lâche milieu dans lequel les esprits de ce temps coulent et fondent. Rien donc d’étonnant à ce que M. Feuillet passe pour un écrivain moral, à une époque de transition où il n’y a ni religion ni philosophie."
(...)
"Son Jeune homme pauvre a charmé les femmes qui ne craignent point de se rougir le nez en pleurant aux vaudevilles à sentiment de M. Scribe, car voilà le vrai public de M. Feuillet ! Les âmes de modistes lui appartiennent. "
Maison Quantin, Calmann - Lévy
Hors textes dessinés par Mouchet (1887)
gravés par Méaulle.
Illustration de L. Mouchet, 1887
1869Julie
1872Julia de Trécœursont deux ouvrages qui ont compté dans l'oeuvre d'Octave Feuillet, et dont parle longuement son épouse :
" Ce fut vers le milieu de l'automne que je retrouvai ma demeure bien attristée par *l'absence des enfants, par le départ de la plupart de mes amis et par les mélancolies croissantes de mon mari. Cependant, il s'était remis au travail et avait repris Julia de Trécoeur, commencée avant la guerre; mais il était frappé de l'idée, qu'ébranlé par tant d'émotions successives, il ne pourrait plus écrire rien de bon, que le succès était perdu pour lui comme le reste!Presque chaque jour, il me faisait la lecture des pages écrites. J'essayais de le relever par mes compliments. Parfois je réussissais, alors il me disait:- Tu es un bon public et je t'aime bien !"(...)Julia de Trécoeur parut enfin et le succès ressuscita son auteur"
* Les enfants ont été confiés par leur père aux dominicains d'Arcueil , pour leur éducation..................................................................................................................................................
.................................................................................................................................................Trécoeur est le nom du château de Madame de Quigny, grand-mère (en réalité grand-tante) de Valérie Dubois. Il joua un rôle important dans son histoire familiale.En effet, sa mère, Elvire Le Conte de Sainte-Suzanne, orpheline de mère à deux ans , y avait été élevée par sa tante, Sophie de Sainte-Suzanne qui y demeura , jusqu'à son mariage avec M. de Quigny. La mort de ce dernier rapprocha les époux Dubois de ce lieu où Valérie , enfant , avait passé des étés pleins d'insouciance et de bonheur.Madame de Quigny, qui , pour raisons politiques n'avait pas admis le mariage de Valérie avec Octave Feuillet, lui ouvrit de nouveau la porte de Trécoeur à la naissance d'André (1852) mais "hélas!le revoir fut de courte durée , Madame de Quigny succomba aux suite d'une attaque de paralysie, quelques mois après avoir pardonné"De longs mois après le décès de sa grand-mère, Valérie Feuillet y revient en pèlerinage et crut "mourir d'émotion".
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Puis vient , avec le temps, la mélancolie et l'indifférence.
"J'amenai des amis pour visiter le château que mon mari avait rendu célèbre en le décrivant dans
Monsieur de Camors "(1867)
On y organisa des parties de campagne: goûters, jeux, pêche dans l'étang , un bal y sera même donné;
"Que de fois depus je me suis reproché ce bal, le ménétrier et la légèreté de mon coeur"Chapitre XIII-Quelques Années de Ma Vie.
Cette édition espagnole de Monsieur de Camors a été acquise par M. Gilles Désiré dit Gosset en personne, à une vente de livres anciens au musée du Prado.
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Nous le remercions vivement de nous avoir fait découvrir tous ces livres rares.
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ici , lien vers une analyse de Jean-Marie Seillan / Loxias
Stéréotypie et roman mondain : l'oeuvre d' Octave Feuillet
Voici un extrait de la conclusion:
"Feuillet a toujours balancé entre passé et présent, théâtre et roman, classicisme et romantisme, noblesse et bourgeoisie. Également incapable de faire un choix, d’effectuer une synthèse ou de tenter un dépassement, il a laissé ces polarités se neutraliser et s’est fermé toutes les issues littéraires. Son œuvre romanesque y a gagné une très forte unité morpho-thématique : chaque roman s’offre comme un objet d’art parfaitement bien fait, plein de charme, d’harmonie et d’équilibre. Mais le charme est celui de la répétition, l’harmonie celle d’un violon à une seule corde, l’équilibre celui de la paralysie."
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De très belles analyses Miss Yves!
RépondreSupprimerEt surtout avec tous ces documents en surplus. De vrais trésors qui éclairent ma récente lecture.
Quand on est économiquement nanti, la vie est surement vue sous un autre jour.
Le titre rime !
RépondreSupprimerIl me faut un autre passage pour tout lire...
Bonne journée A + :))
Vive la culture littéraire !
RépondreSupprimerMerci !
Il y a une illustration qui me dit qq chose.
Bien que l'habit ne fasse pas le moine, on peut dire que les reliures étaient quelque chose avant!
RépondreSupprimerEnsuite vint une époque où les livres commençaient à tomber en feuilles au bout de quelques années, la colle séchant.
I love old books -- the binding, the illustrations all so beautiful!
RépondreSupprimerquel poste interressant,merci !
RépondreSupprimerCes critiques partagées de ses pairs sur les oeuvres d'Octave Feuillet me font penser aux messages et commentaires de blog. Je ne sais si nous autres bloggueurs sommes plus courtois ou indifférents, moins concernés, il me semble que nous sommes plus tolérants. Les commentaires sont en général positifs...
RépondreSupprimerJ'aime bien la guirlande de marguerites, cette fleur était très à la mode comme l'était le prénom