Marathon lecture à voix haute
Samedi 31 janvier 2015
ici
parmi les couleurs de l'école de dessin de Saint-Lô
Les amies de la bibliothèque d'Avranches
ont choisi , entre autres textes, ce pamphlet, dont l'ironie est toujours actuelle:
De l'horrible danger de la lecture
Nous Joussouf-Chéribi, par la grâce de Dieu mouphti du Saint-Empire ottoman, lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction.
Comme ainsi soit que Saïd-Effendi, ci-devant ambassadeur de la Sublime-Porte vers un petit État nommé Frankrom, situé entre l’Espagne et l’Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l’imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis et imans de la ville impériale de Stamboul, et surtout les fakirs connus par leur zèle contre l’esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser ladite infernale invention de l’imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées.
1° Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés.
2° Il est à craindre que, parmi les livres apportés d’Occident, il ne s’en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu’à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d’âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine.
3° Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d’histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place.
4° Il se pourrait, dans la suite des temps, que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance.
5° Ils pourraient, en augmentant le respect qu’ils ont pour Dieu, et en imprimant scandaleusement qu’il remplit tout de sa présence, diminuer le nombre des pèlerins de la Mecque, au grand détriment du salut des âmes.
6° Il arriverait sans doute qu’à force de lire les auteurs occidentaux qui ont traité des maladies contagieuses, et de la manière de les prévenir, nous serions assez malheureux pour nous garantir de la peste, ce qui serait un attentat énorme contre les ordres de la Providence.
Comme ainsi soit que Saïd-Effendi, ci-devant ambassadeur de la Sublime-Porte vers un petit État nommé Frankrom, situé entre l’Espagne et l’Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l’imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis et imans de la ville impériale de Stamboul, et surtout les fakirs connus par leur zèle contre l’esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser ladite infernale invention de l’imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées.
1° Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés.
2° Il est à craindre que, parmi les livres apportés d’Occident, il ne s’en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu’à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d’âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine.
3° Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d’histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place.
4° Il se pourrait, dans la suite des temps, que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance.
5° Ils pourraient, en augmentant le respect qu’ils ont pour Dieu, et en imprimant scandaleusement qu’il remplit tout de sa présence, diminuer le nombre des pèlerins de la Mecque, au grand détriment du salut des âmes.
6° Il arriverait sans doute qu’à force de lire les auteurs occidentaux qui ont traité des maladies contagieuses, et de la manière de les prévenir, nous serions assez malheureux pour nous garantir de la peste, ce qui serait un attentat énorme contre les ordres de la Providence.
A ces causes et autres, pour l’édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s’instruire, nous défendons aux pères et aux mères d’enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à notre ordonnance, nous leur défendons expressément de penser, sous les mêmes peines; enjoignons à tous les vrais croyants de dénoncer à notre officialité quiconque aurait prononcé quatre phrases liées ensemble, desquelles on pourrait inférer un sens clair et net. Ordonnons que dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien, selon l’ancien usage de la Sublime-Porte.
Et pour empêcher qu’il n’entre quelque pensée en contrebande dans la sacrée ville impériale, commettons spécialement le premier médecin de Sa Hautesse, né dans un marais de l’Occident septentrional; lequel médecin, ayant déjà tué quatre personnes augustes de la famille ottomane, est intéressé plus que personne à prévenir toute introduction de connaissances dans le pays; lui donnons pouvoir, par ces présentes, de faire saisir toute idée qui se présenterait par écrit ou de bouche aux portes de la ville, et nous amener ladite idée pieds et poings liés, pour lui être infligé par nous tel châtiment qu’il nous plaira.
Donné dans notre palais de la stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l’an 1143 de l’hégire.
Voltaire (1765)
(•ิ‿•ิ)✿
RépondreSupprimerCoucou chère Miss_Yves !
Extra ce marathon de lecture à haute voix !!!
Il s'en passe de chouettes événements à St-Lô ! C'est SUPER !
MERCI pour ce partage et GROS BISOUS d'ASIE
Oui, tous les jours un événement culturel!
SupprimerCoucou Miss Yves.
RépondreSupprimerBon en premier une petit balade pour Riva, je viendrait lire au retour...
Très bonne journée.
A + :o)
un petit bijou à lire et relire !
RépondreSupprimerEt à entendre!
SupprimerVoltaire va finir meilleure vente 2015
RépondreSupprimertout le monde le redécouvre même moi
De l'intérêt des classiques...
SupprimerIl y aura toujours du chemin à faire pour combattre l'ignorance et faire aimer les textes.
RépondreSupprimerPasser par le filtre d'une voix donne chair et vie à un texte.
Bravo à tes amies !
Un environnement ludique et joyeux !
RépondreSupprimerSimple et coloré!
RépondreSupprimerJe dénote, moi, avec mon Musso.
RépondreSupprimerIl est vrai que pour ce genre de texte je préfèrerais entendre une voix le lire, que le lire moi-même en entendant pas ma voix.
J'ai fait un marathon cette nuit ; entre dodo, réveil, toilettes, redodo, reréveil, lecture, radio...
La citation de Voltaire que j'adore, c'est "J'ai décidé d'être heureux parce que que c'est bon pour la santé"
Je suis persuadée que c'est bon aussi pour le moral.
Belle citation
SupprimerCertes. Ce qui est bon pour le moral l'est pour la santé
Je n'ai decouvert l'auteur qu'a la fin de ma lecture, j'aurais pu penser que c'etait d'un auteur contemporain!
RépondreSupprimerCe n'est pas pour rien que charlie se réclame de l'esprit des Lumières et de Voltaire , plus particulièrement
RépondreSupprimerMerci pour le lien.
SupprimerNous avions offert ce livre à une collègue pour son départ en retraite, et c'est un comble, je ne l'ai toujours pas lu!
j'ai toujours eu un faible pour Voltaire qui m'avait d'ailleurs valu une note magnifique en 1ère en devoir de français sur l'esprit de Voltaire... méchant souvent mais si bien écrit!!!
RépondreSupprimerla porte sublime est blindée , fermée à double tour contre toute tentative d'entrée des idées, des mots, des livres!
je n'aime pas trop écouter les lectures de textes;; je préfère les lire moi-même,
Comme je l'ai écrit ci-dessous, ces lectures théâtralisées et parfois "chorales "sont très vivantes
Supprimerje lis beaucoup et m'intéresse à tout où je découvre des termes et mots aussi puis d'autres cultures et traditions parmi des pensées...
RépondreSupprimerEt quelles préférences ?
SupprimerEt quelles préférences ?
SupprimerReCoucou ! MissYves,
RépondreSupprimerLes femmes qui lisent sont dangereuses ;-)
En matière de lecture à haute voix, pour moi on ne fait pas mieux que les émissions de radio (France-Culture en priorité). Les personnages ont chacun leur intonation, les bruitages donnent du volume, le livre devient une pièce de théâtre en 2D !
J'aime bien écouter sur France Inter "ça peut pas faire de mal", choix et voix de Guillaume Galienne
SupprimerCes lectures sont théâtralisées, ce qui leur donne beaucoup de vie et de force
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