mercredi, juin 13, 2012

Au loin, là-bas







(...)


Au loin


Ancres abandonnées sous des hangars maussades,
Porches de suie et d'ombre où s'engouffrent des voix,
Pignons crasseux, greniers obscurs, mornes façades
Et gouttières régulières, au long des toits ;
Et blocs de fonte et crocs d'acier et cols de grues
Et puis, au bas des murs, dans les caves, l'écho
Du pas des chevaux las sur le pavé des rues
Et des rames en cadence battant les flots ;
Et le vaisseau plaintif, qui dort et se corrode
Dans les havres et souffre ; et les appels hagards
Des sirènes et le mystérieux exode
Des navires silencieux, vers les hasards
Des caps et de la mer affolée en tempêtes ;
Ô mon âme, quel s'en aller et quel souffrir !
Et quel vivre toujours, pour les rouges conquêtes
De l'or ; quel vivre et quel souffrir et quel mourir !



Pourtant regarde au loin s'illuminer les îles, 
Fais ton rêve d'encens, de myrrhe et de corail, 
Fais ton rêve de fleurs et de roses asiles, 
Fais ton rêve éventé par le large éventail 
De la brise océane, au clair des étendues ;
Et songe aux Orients et songe à Benarès,
Songe à Thèbes, songe aux Babylones perdues,
Songe aux siècles tombés des Sphinx et des Hermès ;
Songe à ces Dieux d'airain debout au seuil des porches, 
A ces colosses bleus broyant des léopards 
Entre leurs bras, à ces processions de torches 
Et de prêtres, par les forêts et les remparts, 
La nuit, sous l'oeil dardé des étoiles australes ;

Ô mon âme qu'hallucinent tous les lointains ! 

(...)

Emile Verhaeren  (Extrait)






4 commentaires:

  1. Belles illustration pour le poème.
    La photo depuis les toits est intéressante.
    Bonne journée A + :))

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  2. Et oui, la vie n'est pas toujours un champ de roses sans épine mais elle vaut tout de même d'être vécue pour toutes les sensations qui nous assaillent aujourd'hui et les rêves que nous portons pour demain...

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  3. On rêve de moins en moins je note...

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  4. Des petits soldats en observation.

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