samedi, juillet 20, 2024

Promenade à Grenoble (2) sur les pas de Stendhal


Le Musée Stendhal à Grenoble : un musée « en réseau , Revue de la BNU, 24/2021

       https://journals.openedition.org/rbnu/5612


La maison Gagnon: 

https://www.erudit.org/fr/revues/museo/2010-v4-n2-museo02116/1033538ar.pdf

Résumé de l'article :

Dans Vie de Henry Brulard, Stendhal évoque la maison grenobloise de son grand-père, demeure devenue depuis le Musée Stendhal. Il y décrit et dessine le cabinet d’histoire naturelle type du Siècle des Lumières, celui-là même qu’aurait constitué le docteur Gagnon, son aïeul. 

En 2008, à la maison Gagnon, on amorce la reconstitution du cabinet. 

Joëlle Rochas, experte scientifique attitrée à cette reconstitution, rend compte dans cet article des différentes étapes de ce projet et des divers problèmes qui ont dû être réglés entre son idéation et sa réalisation, tout en révélant sa portée historique et signifiante.



La treille de Stendhal

Itinéraire littéraire:


...............................................

A l’angle de la place Grenette et de la Grande rue, sur « le plus bel emplacement de la ville », se situe la maison de famille de Stendhal : l'appartement du docteur Gagnon, grand-père de l'écrivain. Ce lieu est au centre d’une œuvre autobiographique traduite dans le monde entier, Vie de Henry Brulard.

A sept ans, Stendhal, fils aîné d'une famille de la bourgeoisie aisée de Grenoble, perd sa mère qu’il aime passionnément et concentre sur lui toutes les attentions de ses proches, jusqu’à l’étouffement. Promis à de brillantes études, l’adolescent monte à Paris. C’est au terme d’un demi-siècle troublé, vécu à travers l’Europe, que le romancier termine sa carrière comme consul de France en Italie. Durant cette période très créative, il entame notamment le récit de son enfance, émaillé de nombreux croquis, publié à titre posthume sous le titre Vie de Henry Brulard.

Aux dires de l’enfant, le docteur Gagnon fut son « véritable père et son ami intime ». L’hôtel aristocratique, que ce « médecin à la mode parmi les dames » acquiert à la faveur des événements de la Révolution, donne lieu à pas moins de 24 croquis représentés dans Vie de Henry Brulard. Pour l'auteur, il s'agit d'un lieu d’inspiration et de formation, que l’on aperçoit depuis le Jardin de ville : 

« Cette terrasse, formée par l’épaisseur d’un mur nommé Sarrasin, mur qui avait quinze ou dix-huit pieds, avait une vue magnifique sur la montagne de Sassenage ; là, le soleil se couchait en hiver sur le rocher de Voreppe, coucher d’été, et au nord-ouest de la Bastille dont la montagne [...] s’élevait au-dessus de toutes les maisons et sur la tour du Rabot [...] ».
Source:





 


https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6946b.texteBrut

Titre : Vie de Henri Brulard. 1 / Stendhal ; [révision du texte et préf. par Henri Martineau]

.....................................................................................................................................................

Mon grand-père fit beaucoup de dépenses pour cette terrasse. Le menuisier Poncet  vint s'établir pendant un an dans le cabinet d'histoire naturelle, dont il fit les

 [ A. Première montagne. B. Seconde montagne. 0. Coucher de soleil en décembre. D. Coucher d'été en juin. L. Cabinet d'été do mon grand-père. Livres do mon oncle. N. Cabinet où s'établit Poncet.- G. Banc de menuisier auprès duquel je passais ma vie. M. Cabinet on losange de châtaignier avec forme d'architecture de mauvais goût, à la Bernin.]

armoires en bois blanc; il fit ensuite des caisses de dix-huit pouces de large et deux pieds de haut en châtaignier remplies de bonne terre, de vigne et de fleurs. Deux ceps montaient du jardin de M. Périer Lagrange, bon imbécile, notre voisin.

Mon grand-père avait fait établir des portiques en liteaux de châtaignier. Ce fut un grand travail dont fut chargé un menuisier nommé Poncet, bon ivrogne de trente ans assez gai. Il devint mon ami, car enfin avec lui je trouvais la douce égalité. Mon grand-père arrosait ses fleurs tous les jours, plutôt deux fois qu'une, Séraphie ne venait jamais sur cette terrasse, c'était un moment de répit. J'aidais toujours mon grand-père à arroser les fleurs, et il me parlait de Linné et de Pline, non pas par devoir mais avec plaisir.

Voilà la grande et extrême obligation que j'ai à cet excellent homme. Par surcroît de bonheur, il se moquait fort des pédants (les Lerminier, les Salvandy, les. d'aujourd'hui), il avait un esprit dans le genre de M. Letronne qui vient de détrôner Memnon (ni plus ni moins que la slalue de Memnon). Mon grand-père me parlait avec le même intérêt de l'Egypte, il me fit voir la momie achetée, par son influence, pour la Bibliothèque publique; là, l'excellent Père Ducros (le premier homme supérieur auquel j'ai parlé en ma vie), eut mille complaisances pour moi. Mon grand-père, fort blâmé par Séraphie appuyée du silence de mon père, me fit lire Séthos (lourd roman de l'abbé Terrasson), alors divin pour moi. Un roman est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons, c'est l'âme du lecteur. Mon âme alors était folle, et je vais dire pourquoi.


Pendant que mon grand-père lisait, assis dans un fauteuil en D, vis-à-vis le petit buste de Voltaire en V, je regardais sa Bibliothèque placée en B, j'ouvrais les volumes in-4° de Pline, traduction avec texte en regard. Là, je cherchais surtout l'histoire naturelle de la femme. 

L'odeur excellente, c'était de l'ambre ou du musc (qui me font malade depuis seize ans, c'est peut-être la même odeur ambre et musc). Enfin, je fus attiré vers un tas de livre brochés jetés confusément en L C'étaient de mauvais romans non reliés que mon oncle avait laissés à Grenoble, lors de son départ pour s'établir aux Echelles (Savoie), près le Pont-de-Beauvoisin. Cette découverte fut décisive pour mon caractère. J'ouvris quelques-uns de ces livres, c'étaient de plats romans de 1780, mais pour moi, c'était l'essence de la volupté.

Mon grand-père me défendit d'y toucher, mais j'épiais le moment où il était le plus occupé dans son fauteuil à lire les livres nouveaux dont je ne sais comment il avait toujours grande abondance, et je volais un volume des romans de mon oncle. Mon grand-père s'aperçut sans doute de mes larcins, car je me vois établi dans le cabinet d'histoire naturelle, épiant que quelque malade vînt le demander. Dans ces circonstances, mon grand-père gémissait de se voir enlevé à ses chères études et allait recevoir le malade dans sa chambre ou dans l'antichambre du grand appartement. Crac je passais dans le cabinet d'études, en L, et je volais un volume.

VIE DE HENRY BRULARD,  Stendhal

.................................................................................................................................................................



3 commentaires:

  1. Thérèse de Toulouse8:49 PM

    Une belle façon de s'imprégner que lire les extraits que tu proposes.

    RépondreSupprimer
  2. "Crac je passais dans le cabinet d'études, en L, et je volais un volume."
    Voilà le genre de chose qui m'incite à lire cet auteur si longtemps délaissé, à sa place j'aurais fait elui :-)

    RépondreSupprimer
  3. j'aurais fait comme lui

    RépondreSupprimer

Concert de Noël 2024

                                              en la cathédrale Notre-Dame de Montréal                                                       ...